CHAPITRE 31 : Projet D.I.M.A.

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Dix minutes venaient de passer pendant laquelle la plupart des membres de l’équipage avait été chassée du laboratoire de cybernétique. Tiana comprenait aisément pourquoi il en avait été ainsi : tout comme lors de la perte de conscience temporaire de Sarina, Al’ n’avait pas voulu d’interférences de la part de la famille directe de la Synthétique.

Soudain, une baisse de tension se fit ressentir dans les lumières du couloir et Fry comprit : Mei et les autres venaient enfin de commencer le transfert de la conscience de Sarina. Pourtant, son instinct lui disait que quelque chose n’allait pas. Elle en eut la confirmation quand elle entendit des bruits de lutte à l’intérieur du laboratoire suivis par des crissements métalliques.

Par réflexe, Tiana dégaina son blaster :

— Tooms, ouvre la porte !

— J’essaie.

Quand la porte s’ouvrit enfin, Tiana aperçut Sarina, debout, dans la lumière vacillante que formaient les néons de la salle. Autour d’elle, au sol, se tenaient les corps d’Alistair, Mei et Vesha’Ah. Quant à la Synthétique, elle avait le regard d’une tueuse. Fusillant la Capitaine du regard, elle se laissa ensuite tomber dans un trou, sommairement creusé à côté d’elle. En réalité, les plaques de métal qui composaient le sol avaient été complètement défoncées à coups de poing et arrachées avec une force presque effrayante. Un bruit lourd résonna dans les tréfonds intérieurs du cargo tandis que Tiana faisait volte-face vers son pilote :

— Ash, fonce vers la passerelle et verrouille tout ! ordonna-t-elle.

Cependant, une série de claquements réguliers indiqua que les sas se fermaient les uns après les autres.

— Boss. lança Tooms, inquiet. On fait quoi ?
— Pour reprendre le contrôle du vaisseau ? On demande de l’aide à la seule personne capable de nous aider. répondit-elle en s’approchant du corps inerte mais vivant de Mei.

Heureusement pour Sarina qu’elle les a blessés que très légèrement.” se dit alors Fry, toute tremblante de colère.

* * *

Que venait-il donc de lui arriver ?

Sarina se sentait particulièrement étrange. Le transfert avait été un succès, c’était évident. Mais quelque chose n’allait pas. Depuis son réveil dans le laboratoire, elle avait été mue par une seule pensée, un seul mot : “DIMA”. Ce n’est que lorsque le médecin lui avait demandé de se calmer le temps qu’il l’examine qu’elle avait agi par pur instinct. Elle les avait assommés, ceux qui s'étaient occupés d'elle pendant ces longs jours. La synthétique s’en voulait d’avoir été violente et de les avoir agressés.

Elle avait ensuite défoncé le sol, sa propre force la surprenant. Elle ne s’était pas attendue à pouvoir arracher un sol métallique à mains nues. Puis, Tiana avait fait son apparition et la synthétique avait eu peur. Peur de ce qu’elle aurait pu faire à la Capitaine du Charon. Peur de ses nouvelles capacités, surtout en étant aussi perdue.

Tandis qu’elle fonçait vers la passerelle, son esprit essayait de se raccrocher aux éléments qu’elle connaissait : son obsession, ses réactions, tout cela n’était pas comme avant, lors de la possession ; à cet instant, elle était consciente, contrairement à la simple impression de rêve qu’elle avait eue en étant sous le contrôle d’Atlan. Cependant quelque chose la tracassait : ce nom, “DIMA”, semblait lié à son propre but dans l’existence.

Arrivée sur la passerelle, la jeune femme s’installa sur le fauteuil de Tooms et entreprit de faire une recherche dans les bases de données accessibles. Pendant sa symbiose avec l'ordinateur du Charon, la synthétique avait eu le temps de s'accoutumer aux systèmes du vaisseau et connaissait très bien son architecture. Grâce à ses capacités mentales supérieures, elle pirata les différentes bases de données à distance et fit une recherche sur le terme “DIMA”. Puis voyant que rien ne lui était disponible, elle chercha alors dans sa propre mémoire. Rien ne lui revenait, à part quelques bribes de souvenirs : Une salle sombre remplie de cuves ainsi que la surface d’une planète avec deux ceintures d’anneaux croisés. Un phénomène très rare, qui ne pouvait être expliqué que par la nature artificielle de la planète.

Sachant que la zone ne pouvait pas se trouver ailleurs que dans les territoires de l’Alliance, la Synthétique rechercha les systèmes comportant cette particularité. Cependant, elle savait très bien que la réponse allait prendre un certain temps à venir. Elle se doutait également qu’elle allait être poursuivie par Fry. La Synthétique verrouilla donc l’intégralité des sas menant à la passerelle, dans l’espoir de trouver un peu de tranquillité avant l’arrivée de la Capitaine…

* * *

Fry commençait à s’inquiéter : sa mécanicienne était toujours inerte malgré les soins prodigués par le médecin, réveillé un peu plus tôt. Il avait simplement conclu que Sarina l’avait assommée et qu’au final, rien de grave n’était arrivé. Cependant, l’ancienne militaire ne pouvait s’empêcher d’être inquiète.

Quand la jeune alien ouvrit enfin les yeux, elle découvrit le regard compatissant de Tiana croiser le sien :

— Alors, gamine. C’est ton tour de me faire une belle frayeur…
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir entendu Alistair me crier de stopper Sarina. Mais après, plus rien.
— C’est normal. expliqua ce dernier. Comme je l’ai déjà dit à notre chère Capitaine, Sarina nous a assommés tous les trois et ensuite a, toujours selon notre Capitaine, pris la fuite en empruntant ce chemin. ajouta-t-il en montrant le trou que la Synthétique avait creusé.

Voyant le plancher détruit, Mei lâcha un juron, puis essaya de se lever. Mais un léger malaise la prit à la tête et l’obligea à se rasseoir. La jeune femme soupira, désespérée de voir qu’elle était, - du moins à ses yeux -, totalement inutile.

— Jamais je n’aurais dû accepter de la remettre dans son corps. gémit-elle. Je pensais qu’on aurait le temps de la contrôler, mais c’était comme si elle avait calculé toutes les probabilités de nos actions avant même qu’on ait fait la moindre action.
— Je sais, Mei. Elle a déjà fait preuve de ce genre de talents sur Demora. expliqua Tiana. Mais ça, tu le sais déjà.
— Alors, qu’est-ce qu’on va faire ? demanda l’Azrienne.
— Il va falloir être créatif...

La jeune mécanicienne haussa un sourcil d’incompréhension si bien que la Capitaine se sentit obligée d’expliquer son plan :

— Premièrement, Tooms, débranche la caméra. Je voudrais pas que ta soeur puisse nous voir ou nous entendre.

Le timonier s’exécuta et dès qu’il eut coupé l’alimentation en électricité de l’appareil, la jeune femme continua d’expliquer son plan :

— Tout d’abord, il va falloir trouver un moyen d’atteindre la passerelle. La plupart des sas a été fermée et il n’y a qu’un seul accès : le mess.

— Faux ! s’écria Daniels. Tu peux passer par le sas du canon, près de l’armurerie. Après, tu auras qu’à utiliser un écarteur pour ouvrir la porte du sas de mes quartiers.

Tiana était impressionnée : Daniels semblait être devenu un homme neuf, sobre et bien plus fin que d’ordinaire. Lui qui, d’habitude, fonçait tête baissée, semblait planifier. Ou alors peut-être cela avait-il été le cas depuis le début ?

— Bien pensé, Jack. félicita l’ancien Sergent. Ethan, tu vas prendre Vesha’Ah avec toi : tu dois la faire sortir d’ici au cas où Sarina déciderait de partir en vrille. Et récompense-la pour ses services, elle l’a bien mérité. Quant à toi Seilah, tu vas…

— Tu vas avoir besoin d’une diversion pour éviter que Sarina ne te tire dessus. la coupa la Demoréenne. Je vais donc me rendre à la serre hydroponique pour y déclencher une alarme. Ça devrait te donner le temps de la mettre hors d’état de nuire.

Fry lança alors un regard fier à sa compagne. Depuis leur passage sur Demora, celle-ci avait laissé ses incertitudes de côté et semblait prête à relever n’importe quel défi. La Capitaine hocha alors la tête et se tourna de nouveau vers sa mécanicienne :

— Quant à toi…
— Je fonce vers la salle des machines et je chasse notre amie synthétique des systèmes principaux. Et bien entendu, je coupe le verrouillage du vaisseau.

— Bien. Jack, Tooms, vous l’accompagnerez. Si j’arrive pas à raisonner Sarina, tout reposera sur toi, ma belle.
— Super… soupira l’Azrienne en levant les yeux au ciel. Tu me mets toujours autant la pression…

La jeune Capitaine apostropha sa mécanicienne d’un clin d’oeil et, sans rien dire, s’élança vers les profondeurs du vaisseau.

* * *

La synthétique venait de regarder toutes les entrées de la base de données à la recherche de quelque chose ayant un rapport avec cette fameuse planète artificielle dont elle semblait se rappeler. Malheureusement, elle avait fait chou blanc. Elle essaya alors de se remémorer les événements qui avait précédé sa transformation, mais n’y arrivait pas. Alistair lui avait bien dit : si l’Alliance avait retiré les souvenirs de la transformation, il était très probable qu’elle en ait fait de même avec ceux liés à son enlèvement. Faisant alors confiance à son intuition, la jeune femme afficha son dossier étudiant de l’Académie et, de mémoire, retranscrivit les notes qu’elle avait prises dans les derniers mois précédant l’attentat. Elle se rappela alors de certaines coordonnées spatiales qu'elle avait étudiées pendant ses études, peu avant. Elle savait que c'était lié mais en quoi ? Elle entra les coordonnées dans l’hologramme de la carte stellaire et comprit…

Soudainement, une alarme attira son attention : quelqu’un avait déclenché un petit feu dans la serre hydroponique ; et ce quelqu’un était Seilah :

— Pourquoi as-tu fait ça ? questionna la Synthétique.
— Pour que tu me regardes bien… commença la Demoréenne.

— ... et que tu ne me voies pas venir. termina Fry en déboulant dans la pièce. Tu crois que tu vas aller où comme ça ?

D’un geste rapide, - si rapide que Tiana eut du mal à le voir -, la synthétique braqua son propre blaster sur la Capitaine, avant de lui faire signe de s'approcher. Puis, nonchalamment, Sarina déposa son blaster sur une console près d’elle.

— Sans votre accord ? Je ne compte aller nulle part. Mais laissez-moi vous montrer quelque chose. ajouta-t-elle en désignant la représentation holographique d’une planète que l’ancienne militaire n’avait jamais vue.

La Synthétique s’installa alors sur le fauteuil de Tooms et déclara simplement :

— Capitaine. Laisse-moi vous présenter le projet D.I.M.A. et le lieu où j'ai été créée : la planète Terra.

* * *

Cela faisait bien dix minutes qu’installé à son bureau à bord de son croiseur, le Commandant Atlan examinait le rapport détaillant la perte du complexe carcéral de Sieran. Une perte qu’il savourait alors qu’il imaginait les monstres qu’étaient les Charognards dévorer Tiana Fry. Pensant à elle, il lorgna du côté où Inders avait été attachée et où son sabre avait transpercé son corps ainsi que le mur. Il avait perdu le contrôle et cette rage lui avait fait un bien fou. Il avait eu tant de satisfaction tandis qu’il avait devant lui une Capitaine Fry terrifiée !

Il fut rapidement sorti de ses pensées les plus perverses par un appel qu’il redoutait toujours autant : sa supérieure, l'Inquisitrice, la maîtresse de son Ordre, souhaitait s’entretenir avec lui.

— Inquisitrice. Que me vaut l’honneur ? dit-il en se retournant vers l’hologramme de communication.

Une femme brune, aux longs cheveux bouclés couleur ébène, sa longue toge flottant jusqu’à ses pieds, se tenait devant lui. Elle semblait particulièrement tendue.

— Commandant, nous avons une alerte de priorité alpha. dit-elle. Il y a maintenant dix minutes, quelqu’un a fait une recherche sur le terme de “DIMA”, suivie d’une localisation de la planète Terra, et ce, avec une facilité déconcertante.

— Quelqu’un, Inquisitrice ? Mais qui ?
— Justement, je ne saisis pas comment cela est possible… Vous m’aviez pourtant assuré que la cible était hors d’état de nuire.

La cible. C’était donc elle qui s’était de nouveau réveillée et avait lancé cette recherche. Atlan n’en croyait pas ses oreilles. Sentant le couperet au-dessus de sa tête, il s’inclina dignement :

— Inquisitrice, quels sont mes ordres ?
— Vos ordres, Commandant, sont de vous rendre sur Terra et d’exfiltrer les quelques ouvriers qui travaillent au complexe. Puis de vous débarrasser des gêneurs.

Derrière son masque, le Pisteur souriait. Enfin il allait confronter cette garce de Synthétique qui lui avait échappé.

— Bien compris… déclara-t-il en se frottant les mains alors que la communication se terminait et qu’il sortait pour donner de nouveaux ordres au timonier.

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