CHAPITRE 29 : Obol

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Cela faisait maintenant près de dix minutes que Vesha’Ah s’était emparée de cet alternateur cyridonien et la réaction de la milice de la ville ne pouvait être que compréhensible : c’était l’une des pièces les plus rares et les plus difficiles à trouver pour une simple “rapineuse” comme elle.

— Quelle bande de crétins… souffla-t-elle en s’essuyant le front de sa manche tandis qu’au loin elle apercevait les forces de l’ordre locales fouiller tout le bazar qui s’était installé sur la place publique.

Soudain, tandis que la jeune Obolienne s’engouffrait dans une ruelle, un Xeref, enfermé dans une cage, lui aboya dessus. Le bruit causé par la bête alerta les sentinelles qui vinrent voir la cause de toute cette agitation. Malgré sa petite taille et son agilité inhérente à son espèce, Vesha’Ah fut rapidement repérée par les miliciens. Ceux-ci se mirent à la poursuivre, poussant toute les personnes sur leur passage. Mais les gardes ne connaissaient pas aussi bien les tréfonds de la petite capitale d’Obol.

Une capitale qui, en réalité, ressemblait plus à un bidonville tant la pauvreté avait gangrené toutes les classes sociales de cette ville. Si bien que les seuls réellement capables de se faire quelques crédits étaient les ferrailleurs, ou “rapineurs”, qui commençaient à travailler dès qu’ils eurent l’âge de comprendre ce que cela impliquait.

Ainsi était la vie de la petite Vesha’Ah. Une existence pleine de vols et de poursuites qui ne finissaient mal que pour les poursuivants de la jeune Obolienne, malgré le fait qu’elle n’ait pas hérité de la capacité de camouflage de son espèce. Elle s’était entraînée dur tous les jours depuis son enfance et avait cependant réussi à contourner ce défaut génétique devenant ainsi l’une sinon la plus rapide des “rapineuses” de tout le Quartier Sud, localisé près du spatioport.

Les pauvres gardes oboliens n’avaient finalement pas eu de chance, comme toujours. Ils l’avaient traqués jusqu’à ce qu’elle se hisse à la force des bras sur l’une des tôles qui servaient de toiture aux habitations rustiques du secteur. Elle avait ensuite sauté de toit en toit, perdant ses poursuivants qui s’enfoncèrent les uns après les autres à travers les morceaux de métal délabrés. En entendant le bruit derrière elle, la jeune femme ne put s’empêcher de sourire.

Arrivant enfin à l’extrémité du labyrinthe puant de maisons chancelantes, Vesha’Ah escalada l’épais mur la séparant du spatioport, utilisant ses griffes acérées pour se hisser toujours plus haut. Elle jeta un coup d’oeil vers le ghetto où les citoyens les plus pauvres du secteur étaient parqués comme des animaux et enragea. Comment un gouvernement pouvait être assez ignoble pour laisser tous ces habitants vivre ainsi, laissant les quelques industries présentes sur la planète garder près de quatre vingt dix neuf pour cent des richesses ? N’ayant jamais connu que cette vie, Vesha’Ah ignorait si une alternative était même possible...

Elle se laissa ensuite tomber de l’autre côté du mur et chercha des yeux la jeune femme qui lui avait passé commande de ce fameux alternateur. Elle avait dit que c’était une question de vie ou de mort, et elle espérait que la compensation pécuniaire serait à la hauteur.

L’Obolienne la trouva, encore vêtue de la même tenue tachée d’huile et de graisse, provenant certainement de la salle des machines du vaisseau. Sa longue et mince queue blanche ondulant latéralement, la jeune alien aux traits félins nettoyait distraitement un bout de métal. À côté d’elle se tenait un jeune humain à peine plus vieux qu’elle. Son allure était aussi différente de celle de l’alien qu’on aurait pu l’imaginer : il portait un costume gris qui marquait sa richesse. Pourtant quelque chose n’allait pas et Vesha’Ah put en avoir la confirmation lorsqu’elle perçut quelques mots :

— Ça ne peut plus durer ainsi, Mei. C’est comme si Tooms avait perdu son guide et qu’il ne savait plus quoi faire. Pourtant Tiana est partie...
— Ne dis pas ça, Ethan ! la rabroua l’alien. Je t’interdis de dire ça. Ce n’est pas comme si elle nous avait abandonnés. Elle nous a plutôt sauvés. Tous autant qu’on est.

La jeune femme semblait au bord des larmes. C’est alors que, timidement, le jeune homme lui passa un bras réconfortant autour des épaules. Elle se tourna vers lui et se plaqua contre lui, pleurant à chaudes larmes, dégageant tellement de tristesse qu’elle contamina Vesha’Ah, dont les yeux rougissaient peu à peu.

N’osant pas interrompre les deux amis, l’Obolienne continua d’écouter :

— Tu sais le pire ? Je me sens responsable. expliqua le dénommé Ethan. Tout ça parce que ma soeur nous a empêchés de lui porter secours.

La jeune alien releva brusquement la tête, les yeux gonflés par les larmes :

— Et moi, je devrais dire quoi ? J’étais dans la confidence avec pour ordre de ne rien dire à qui que ce soit.

Le jeune homme caressa alors doucement la longue chevelure de Mei et lui murmura doucement :

— Dis toi que tu n’es coupable que d’avoir suivi l’ordre de ta capitaine. Je suis certain qu’elle ne t’en voudrait pas.

— Facile à dire…

Soudain, un homme sortit de la cale d’un vaisseau-cargo à proximité et s’approcha lourdement des deux amis. Il était chauve et particulièrement musclé, si bien qu’à sa vue, Vesha’Ah sursauta.

— Alors les amoureux ! s’écria-t-il, recevant un regard noir de ces derniers. Du nouveau de la ferrailleuse ?

— Pas encore, Jack ! répliqua Mei.

C’est ce moment que choisit Vesha’Ah pour se racler la gorge, surprenant les autres personnes présentes.

— Je crois que tu cherchais ça. déclara-t-elle, timidement avant de sortir le fameux alternateur cyridonien de la besace qu’elle portait en bandoulière.

L’Azrienne s’empara de l’objet avant de filer dans la cale du vaisseau. Quant à l’Obolienne, elle passa ses longs cheveux blonds derrière ses oreilles pointues. Elle fixa ensuite avec insistance Jack qui ne comprenait pas du tout ce qu’elle voulait. Aussi s’expliqua-t-elle :

— J’attends une contrepartie.

— Combien ? riposta l’artilleur.

— Le droit de savoir pourquoi…

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi c’est une question de vie ou de mort. J’adore la mécanique. Alors si c’est si important, c’est qu’il s’agit d’un énorme projet.

Jack était éberlué par un tel culot. Une jeune femme presque inconnue osait s’immiscer dans les affaires personnelles de leur équipage.

— C’est hors de question ! beugla-t-il.

— Dis plutôt que tu acceptes, Jack. Sans elle, on n’aurait pas pu mettre la main sur un alternateur d’une telle qualité. s’écria Mei en revenant vers le petit groupe. D’ailleurs, où as-tu pu en trouver un aussi vite ?
— Crois-moi, tu veux pas savoir…

— Et bien, merci quand même, Vesha’Ah.

Ethan regarda alors la jeune femme, mal à l'aise, puis tendit sa main que La jeune Obolienne serra :

— Ravie de te rencontrer. déclara cette dernière avec un grand sourire.

Le jeune homme ne répondit pas, se contentant de remonter à bord du Charon sous le regard intrigué de Vesha’Ah.

— Je suis désolée de son attitude. Il est toujours un peu froid au début. s'excusa Mei, rouge de honte.

— Ne t'en fais pas. Ce n'est rien.

C’est alors qu'un petit vaisseau passa en trombe au-dessus d'eux. Il s’agissait d’un chasseur de l’Alliance. Celui-ci vint se poser juste à côté du Charon, soulevant un nuage de poussière asphyxiant. Après quelques instants, le moteur de l’appareil s’arrêta et une porte s'ouvrit à l'arrière de l'appareil. La jeune Azrienne vit alors deux silhouettes en sortir et elle faillit ne pas en croire ses yeux quand leurs visages sortirent enfin des ombres : devant elle se tenait sa Capitaine accompagné d'un autre homme qu'elle ne connaissait pas.

— Alors, gamine. Je t'ai manquée ? lança alors Tiana, avec un sourire éclatant.

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