CHAPITRE 28 : Négociations

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Lorsqu’elle passa sous la lumière vacillante des néons, Fry put enfin découvrir les traits de celle qui, sur Yucan, lui avait tant causé de tort à elle comme à son équipage. Elle n’était pas du tout comme elle l’avait imaginée. Il s’agissait d’une petite femme dont les longues oreilles pointues orientées à l’horizontale trahissait son espèce alien. Assez mince, elle ne payait pas de mine, mais la Capitaine avait appris à se méfier des apparences. Notamment car Turan était également tendu.

— Toi ! cracha-t-il. Je pensais jamais avoir la chance de te remettre la main dessus !

Le colosse se jeta alors en avant, mais avant même qu’il ait pu traverser la distance le séparant de l’alien, celle-ci dégaina un blaster :

— Tu le reconnais ? demanda-t-elle en désignant son arme de la tête. C’est lui qui t’a privé de tes bras. Ça serait bête que tu perdes également ta tête, tu crois pas ? Maintenant, recule.

Le hors-la-loi s’exécuta et fit demi-tour jusqu’à Tiana. La chasseuse de primes se hissa alors sur un bureau ensanglanté qu’elle essuya du revers de la main, permettant ainsi à Fry de mieux distinguer l’allure de la jeune femme : elle était vêtue d’une combinaison moulante violet et noir assortie à sa chevelure brune et ses mèches mauves. Elle était chaussée de bottes qui lui montaient jusqu’aux genoux, et portait une paire de gants épais.

— Tu es Obolienne ? s’exclama Tiana, comprenant en quoi une apparence si voyante ne semblait pas l’inquiéter dans son métier.

En effet, cette espèce avait une capacité furtive hors du commun. Non seulement ils pouvaient se rendre invisibles à l'oeil nu mais ils savaient être indétectables par les senseurs internes des vaisseaux. Malheureusement pour eux, cette capacité avait un fort coût énergétique et ne pouvait être utilisée que pendant un court laps de temps. Cependant, Tiana ne doutait pas que l’alien y avait trouvé une parade efficace.

— C’est les oreilles qui m’ont trahie ? répondit l’intéressée, sarcastique.

Elle soupira un instant et reprit la conversation :

— Toi, là. expliqua-t-elle en désignant Max. Tu vas rester ici pendant que la Capitaine et moi, on va se tirer de cet enfer.
— Non ! répondit simplement Tiana.

— Pardon ? Je crois que tu as pas bien compris : c’est moi qui ai l’arme et c’est donc moi qui donne les ordres.

La jeune Obolienne, très satisfaite de voir que les deux hors-la-loi en face d’elle ne semblaient piper mot, se mit alors à sourire. Quand soudain, un bruit sourd résonna sur la porte que Fry avait précédemment soudée. Tiana et Max se retournèrent brusquement et la Capitaine lança à la chasseuse :

— J’espère qu’il te reste beaucoup de cartouches dans ton arme, parce qu’en face ils sont une petite armée.
— C’est pas des cartouches. répondit-elle, nerveusement. Il faut attendre que mon flingue refroidisse avant de tirer à nouveau. Sinon il risque de m’exploser dans les mains.

Voyant qu’elle venait de dévoiler l’inutilité de son moyen de pression, Skye ouvrit des yeux ronds tandis que Max la soulevait de terre et la plaquait contre un mur.

— Dans ce cas, je vais pouvoir prendre ma revanche ! s’exclama-t-il.

Ses doigts mécaniques se refermant sur le cou de l’Obolienne, Max exultait : il allait enfin se venger de cette petite garce de chasseuse de primes qui l’avait privé de ses bras d’origine. Il allait la tuer...

— Max, calme-toi ! hurla Fry. On a plus important à faire !

Apparemment toujours capable de raisonner, Max lâcha Skye qui s’écrasa lourdement au sol et fut prise d’une quinte de toux. Les coups sur la porte se faisant toujours plus forts, Turan choisit de former un barrage avec les différents meubles disposés dans la pièce. De son côté, Fry s’approcha prudemment de la chasseuse :

— Écoute, je sais qu’on a pas toujours été d’accord, toi et moi. Mais là, c’est une question de vie ou de mort. D’après ce que tu m’as dit sur Yucan, Bradock me veut en vie, donc c’est mieux si tu nous aides à nous en sortir. Par ailleurs, si tu nous laisses partir, je suis prête à te payer la prime entière, plus un petit bonus.

Intéressée, la jeune femme haussa un sourcil et ses oreilles s’agitèrent en entendant les dernières paroles de la Capitaine :

— On parle d’un bonus de combien ?

L’ancien Sergent réfléchit pendant un instant avant de donner sa réponse : elle savait de Marlin que sa prime avait été de deux cent mille crédits ; la cargaison livrée à Tiram, quant à elle, avait valu un peu plus de trois cent mille crédits.

— La prime de Bradock était de deux cent mille crédits, c’est bien ça ? demanda-t-elle.

Sans dire un mot, Skye hocha la tête, confirmant les dires de l’ancienne militaire.

— Dans ce cas, on parle de cinquante pour cent de plus pour toi si tu nous conduis, Max et moi, là où mon vaisseau s’est posé.
— Ça marche, Fry. Mais avant toute chose, il faut qu’on se tire d’ici...

La Capitaine tendit alors un bras secourable vers la jeune alien qui l’empoigna avec force. Fry se dirigea ensuite vers les casiers des effets personnels confisqués aux prisonniers, et lança à Turan, inquiet des gémissements des Charognards derrière la porte :

— Max, il t’ont pris quelque chose à ton arrivée ?
— Non. Ils auraient pu mais j’avais rien...

Tiana fit tourner le moulin de l’énorme appareil jusqu’à trouver son nom. Elle ouvrit la boîte correspondante et l’ouvrit avec hâte. Elle y trouva son holster et son blaster ainsi que quelques autres objets, notamment une tablette de transfert de crédits. Elle apposa son doigt au milieu afin d’enclencher la transaction et composa la somme avant de la valider. Puis elle lança à Skye qui la regardait, intéressée :

— Je crois que je vais plutôt garder ça avec moi jusqu’à ce qu’on parte de ce caillou.
— J’en attendais pas moins de toi, Fry. Mais tu diras à ton ami Turan de se calmer et d’arrêter de me regarder comme s’il allait me tuer à chaque instant.

Le colosse se tourna alors vers elle et gronda :

— Me calmer ? Tu vas voir un peu…

Tiana se mit entre les deux adversaires, tempérant une fois de plus les ardeurs de chacun :

— Sérieusement ? On est à deux doigts de mourir et vous vous chicanez sur des conneries ? Grandissez un peu !

Skye et Max se tournèrent l’un vers l’autre, choqués d’avoir été considérés comme des gamins par la Capitaine. Ils se regardèrent avant de rougir de honte : ils avaient fait passer leur querelle personnelle devant leur survie, et il s’agissait là d’une erreur à ne pas reproduire. Tiana enfila sa cartouchière en bandoulière par dessus son manteau et fit signe aux autres de la suivre.

— J’imagine que la sortie est par là, n’est-ce pas ? demanda-t-elle à la chasseuse de primes.

Cette dernière acquiesça et les trois associés du moment s’engouffrèrent dans le tunnel obscur qui remontait vers la surface et le vaisseau de Skye. Derrière eux, les chocs contre la porte s’étaient faits plus forts et effrayants.

Après leur passage, Turan condamna alors l’unique sortie du bloc et revint rapidement à la hauteur des deux femmes qui l’avaient distancé.

— Vite ! lança Skye au colosse. Quoi que tu aies pu faire, ça va pas les arrêter. Notre seule chance, c’est de les distancer à bord de mon vaisseau. Par chance, les vaisseaux de l’Alliance peuvent avoir deux artilleurs en plus du pilote. Sinon, j’aurais dû laisser l’un de vous sur place… Et ça aurait été toi, Turan…

Le criminel ricana tandis que, derrière eux, la porte soudée par Tiana traversait la pièce et qu’un immense Charognard quadrupède y entrait. Celui-ci lâcha un long cri, hurlant sa rage que ses proies se soient échappées.

— On va avoir un sacré problème, là. constata Tiana, effrayée en entendant le bruit que faisait le monstre à chacun de ses pas.
— Pas si on atteint mon vaisseau. répliqua la chasseuse. On est plus très loin.

Malheureusement, avec ses quatre pattes sanguinolentes, le Charognard géant, accompagné d’une multitude d’autres monstres, se rapprochait toujours de plus en plus.

Bientôt, une aura gelée entoura les trois associés qui s’approchaient de la surface et de l’unique hangar. Il s’agissait du dépôt réservé aux marchandises que l’Alliance livrait une fois par mois. Cependant, Skye en avait décidé autrement : elle avait profité de la panique générale pour y poser son vaisseau, et ce, sans avoir été le moins du monde inquiétée par les gardes qui avaient été tués depuis longtemps par les Charognards.

— Joli vaisseau ! s’exclama Turan en voyant le chasseur volé par Skye.
— Oui… en effet… répondit-elle.

Soudain, un bruit caractéristique indiqua à Tiana que la chasseuse avait dégainé son blaster désintégrateur. Elle s’était retournée et faisait face à l’unique arrivée. Celle qu’empruntaient les Charognards au même moment. Ne comprenant pas le geste de la chasseuse, la capitaine la fixa. Aussi elle s’expliqua :

— Je sais que tu partiras pas sans moi. Je commence à te connaître. Donc mets les moteurs en marche et moi je m’occupe de les retenir.

Fry s’engouffra dans l’habitacle du chasseur tandis que Max prenait place sur l’un des deux sièges réservés aux artilleurs. Puis la Capitaine mit les moteurs en marche et le hors-la-loi lança :

— On va vraiment l’attendre ?
— Oui. répondit simplement Tiana.
— Mais pourquoi ? Me dis pas qu’elle a réussi à rentrer dans ta tête.
— Non. Mais elle a raison. J’abandonne pas quelqu’un qui m’a aidé…

Le criminel soupira et se remit droit sur son siège puis alluma sa propre console. Il se mit ensuite à tirer sur la zone près de l’ouverture du tunnel. Skye se retourna pour voir l’origine des tirs puis remarqua que Turan avait fait s’écrouler la voûte externe de la galerie dans le but de boucher le passage aux Charognards.

La jeune chasseuse s’élança alors droit vers la passerelle d’accès au chasseur et se dirigea précipitamment vers son propre poste de tir. Non sans avoir ordonné à Fry de foncer.

— Vite ! Faut qu’on dégage !

L’ancienne militaire enclencha alors quelques boutons sur son pupitre et le chasseur alluma presque instantanément son moteur supraluminique.

À bord, Tiana demanda alors en tendant la tablette de transfert à Skye :

— Au fait, où est passé mon équipage depuis tout ce temps ?
— Ah oui, c’est vrai que tu es pas au courant : ils sont sur Obol. répondit l’alien en apposant son pouce sur l’objet.

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