CHAPITRE 26 : Association de malfaiteurs

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Les deux compagnons se jetèrent un regard entendu et s’approchèrent du bord. Un peu partout dans la spirale qui remontait le long de la paroi de la Fosse, des cris, tellement effroyables qu’il aurait été difficile de penser qu’ils aient pu être humains, résonnaient. Max se tourna vers Fry et après un hochement de la tête de cette dernière, ils se mirent à courir vers la partie la plus haute du quartier de haute sécurité : le bloc des gardiens. C’était un énorme module métallique fixé à l’épais plafond rocheux de la Fosse qui bouchait l’accès à la surface de Sieran.

— Il faut monter jusque là-haut ! s’écria Fry, en pointant l’espace d’habitation du doigt. C’est là que se trouve mon arme. J’ai vu l’un des matons jouer avec quand je suis arrivée.

— Dans ce cas, on y va directement ! s’exclama son partenaire du moment.

Soudain, les portes blindées disposées régulièrement le long de la spirale intérieure commencèrent à se fermer. Il s’agissait d’une mesure normale, mise en place tant pour canaliser l’avance des intrus que pour éviter la moindre évasion. Cependant, la plupart des pensionnaires de la Fosse s’enfuyaient dans la direction opposée, créant un courant que Turan et Fry avaient du mal à contrer. Si bien qu’à un moment, Fry perdit l’équilibre et tomba au sol avant d’être entraînée jusqu’au rebord du chemin relativement étroit qui menait vers la surface.

L’ancien Sergent se sentit glisser dans le vide. Elle essaya tant bien que mal de se redresser mais le sol friable de la Fosse dérapait sous ses bottes. C’est alors qu’elle vit émerger au-dessus d’elle l’un des bras robotiques de Turan qui avait éjecté plusieurs prisonniers de son chemin pour la secourir d’une chute mortelle. Il la tira d’un coup sec, ce qui la projeta brutalement de l’autre côté, contre la paroi rocheuse. Le choc coupa un instant le souffle de la jeune femme qui se tint les côtes.

Inquiet, Turan se releva et s’approcha d’elle :

— Un problème ?
— Rien de grave, juste une blessure qui date de quelques mois.

La montagne de muscles qu’était Max Turan haussa les épaules et proposa son aide à Fry, qui déclina.

Une longue plainte déchira alors le silence qui pesait sur la Fosse en cet instant et les deux partenaires se regardèrent, cherchant ce qui avait pu pousser un tel cri. Tout ce qu’ils savaient c’est que quoi que ça puisse être, ça ne leur voudrait que du mal.

Reprenant sa respiration, la Capitaine remarqua la porte blindée et close qui se dressait devant eux :

— Alors ? demanda-t-elle. On fait comment ?

Le prisonnier émit un petit rire avant de répondre :

— On a essayé de passer par l’extérieur et on a vu ce que ça a donné. Je te propose maintenant qu’on essaie une autre méthode.

Intriguée, Tiana ouvrit de grands yeux jusqu’à ce que Turan s’explique :

— On a qu’à passer par les galeries. dit-il en désignant l’un des tunnels qui s’ouvraient perpendiculairement à la spirale de la Fosse.

Les deux partenaires se précipitèrent alors à l’assaut des galeries qui couraient à travers le sous-sol de Sieran. Ce fut après un moment dans la pénombre que Tiana sentit une odeur étrangement familière. Celle du sang et de la mort. Alors qu’elle découvrait le cadavre d’un surveillant, elle chercha sa lampe-torche et l’alluma. Elle la braqua sur l’origine supposée de l’odeur et constata, horrifiée, qu’elle se trouvait dans un véritable charnier : des dizaines de corps démembrés comme celui qu’elle venait de fouiller jonchaient le sol. C’était comme si ces personnes avaient été attaquées par des bêtes sauvages.

— Tu penses que ce sont des Xerefs qui se sont échappés ? demanda-t-elle à son compagnon.
— Possible. répondit ce dernier. Après tout, ils seraient capables d’un tel carnage.

Une bile amère remontait le long de l’oesophage de la jeune femme qui découvrait peu à peu d’autres corps parfois méconnaissables. Ayant perdu l’habitude d’un tel spectacle deux ans auparavant, elle était écoeurée. Fry avait souhaité le cacher à son nouvel ami mais l’homme avait été clairvoyant. Aussi lui demanda-t-il :

— Ça va aller ?
— Oui, il faut juste qu’on bouge et je suis sûre que…

Subitement, Max plaqua brutalement Tiana dans le renfoncement d’un mur et lui fit signe de ne plus faire le moindre bruit. Il désigna du doigt quelque chose en mouvement, un peu plus loin dans la galerie, que Tiana identifia avec facilité : une équipe de surveillants encore en vie descendait dans les profondeurs, certainement pour sécuriser les prisonniers encore en vie. Les voyant faire, Max soupira, murmurant presque :

— Si c’était vraiment des Xerefs, je donne pas cher de leur peau à ces gars-là… Mais bon, des ordures pareilles, je vais pas m’apitoyer sur leur sort. Ils l’ont bien mérité.

Maintenant qu’elle était presque collée à lui, Fry détailla de quoi son sauveur avait l’air : son corps massif et musclé, ses bras robotiques de très bonne facture et sa longue barbe mal taillée. Tout cela mélangé à ses compétences uniques au combat et sa manière d’agir épaississait le mystère qui entourait cet homme.

Alors que les gardes disparaissaient de leur champ de vision, Max se dégagea et remarqua que la jeune femme se posait des questions sur lui :

— Si tu as quelque chose à demander, vas-y. Hésiter, c’est le meilleur moyen de se faire tuer. déclara-t-il avec pragmatisme.

Tiana commençait à bien apprécier son partenaire hors-la-loi. Il semblait bien plus fin que ce qu’on aurait pu imaginer de la masse de muscles qu’il était. Elle comprenait aussi comment il avait pu imposer le respect parmi les gardes, et, - elle le devinait aisément -, les prisonniers.

— Pourquoi es-tu là ? Et depuis quand est-ce que tu me protèges ?

L’autre eut un petit rire.

— Depuis quand tu le sais ? Et sinon, je suis là pour meurtre. Un grand ponte de l’Alliance. Mais il l’avait mérité, crois-moi.

Tiana était surprise. Elle imaginait que Turan avait peut-être été envoyé ici par erreur. Elle ne se disait certainement pas que l’homme qui l’avait prise sous son aile allait lui avouer les raisons de son enfermement avec autant de simplicité.

— Et toi, Fry ? Ils t’ont envoyée ici pour quelle raison ?
— Je me suis sacrifiée. Pour la survie de mon équipage, de ma famille.

Turan grinça alors des dents. Apparemment, il n’imaginait pas une telle réponse :

— J’aimerais te comprendre, Fry. Mais quand on est dans ce genre d’endroits-là pendant aussi longtemps, on a tendance à penser d’abord à soi avant de penser aux autres. déclara-t-il en montrant les parois du tunnel.

— Comment ça ? Tu es là depuis combien de temps ?
— Ça va faire bientôt cinq longues années… soupira-t-il.

Tiana en était stupéfaite. cinq ans dans un endroit pareil. Nul besoin d’expliquer pourquoi Max Turan avait tout fait pour être craint tant par les prisonniers que par les gardiens. Il devait être en haut de la chaîne alimentaire. Elle comprenait aisément comment cet homme avait pu perdre peu à peu le sens des réalités et n’avait pas hésité à tuer un gardien pour la sauver. Quoique Fry lui en était extrêmement reconnaissante…

Alors que cela faisait bien plusieurs minutes qu’un silence gênant s’était installé entre les deux compères, ils remarquèrent qu’ils étaient arrivés dans la grande salle qui leur servait de réfectoire. Comme les parois rocheuses des tunnels auparavant, les murs étaient couverts de sang et des morceaux de corps jonchaient le sol.

Tandis que Tiana examinait les corps avec dégoût, Max s’approcha de la porte, de l'autre côté de la pièce, et la renversa pour laisser apparaître un sorte de grappin qui avait arraché les charnières.

— Merde ! lâcha-t-il en découvrant la tige en métal. C’est pas des Xerefs qui ont fait ça !

Tiana se retourna vers lui, intriguée. Puis, voyant la tige en métal enfoncée dans la porte, elle comprit où Turan voulait en venir :

— Des Charognards !? Mais… Ils n’ont rien à faire aussi loin dans le territoire de l’Alliance. déclara-t-elle, presque apeurée.

Cependant quand elle remonta son regard vers un Max détendu et enjoué, elle se demanda pourquoi il avait changé d’expression : il semblait en effet presque heureux de cette nouvelle tant il souriait.

— Qu’est-ce qui te fait tant plaisir d’un seul coup ? demanda-t-elle.

— Oh, trois fois rien. Juste le fait qu'on va s'en payer une bonne tranche ! répondit-il en s'élançant de plus belle vers la sortie de la prison.

Courant derrière Turan, Fry essayait de suivre son rythme effréné. Le colosse fonçait droit vers le danger, une attitude qui n’était pas sans lui rappeler celle de l’artilleur du Charon. Pensant à son équipage, Fry se mit alors à sourire.

— C’est contre-productif ! lâcha Max, mettant ainsi fin aux réflexions de la Capitaine.

— Quoi donc ?
— Espérer. Quand tu le fais et que tu obtiens pas ce que tu veux, ça te déçoit et tu es démotivée. Donc, n’espère pas. Comme ça, tu fais de ton mieux tout le temps. expliqua-t-il devant le regard intrigué de l’ancienne militaire.

Son allure cynique n’était pas pour déplaire à l’ancien Sergent qui reconnaissait le même genre de traits chez Tooms. Elle ne put s’empêcher de sourire. Turan était vraiment le genre d’homme sur lequel elle pouvait compter, quoi qu’il ait pu faire auparavant. C’était une certitude.

Devant eux se dressait une porte : la dernière avant le bloc des gardiens et la sortie. Puis ce serait l’issue donnant sur le monde carbonisé le jour et gelé la nuit qu’était Sieran. Malheureusement, il leur était impossible de savoir à quelle phase d’exposition ils en étaient, bien que le plus logique ait été une phase froide permettant l’arrivée des Charognards.

Plus qu'une porte donc, que Max arracha à mains nues comme s'il s'agissait d'une vulgaire planche de bois. Après un regard complice, les deux compères s'engouffrèrent par l'ouverture béante. Malheureusement pour eux, le cauchemar n'était pas près de se terminer...

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