CHAPITRE 21 : Déshonneur

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Cela faisait près de deux jours entiers que le Charon fonçait vers la mystérieuse destination de l’aide humanitaire de Marlin. Quelques jours de repos pendant lesquels, grâce aux bons soins du Docteur Gun, Tiana et son équipage se remettaient de leurs mésaventures, et ce, plus ou moins rapidement. Les deux seules qui semblaient aller de pire en pire étaient Sarina et Seilah. La première car, même si elle avait accepté le fait d’être une Synthétique, elle n’arrivait pas à comprendre comment on avait pu la remplacer par une copie et surtout comment elle ne s’en était pas rendu compte avec le temps. La seconde semblait hantée par quelque chose en lien avec la fameuse planète vers laquelle le cargo se dirigeait.

Se disant que tout ce manque de transparence vis-à-vis de cette histoire avait assez duré, Fry décida alors de confronter sa bien-aimée. Elle l’attendit donc de pied ferme dans leurs quartiers communs et lorsqu’elle arriva, Seilah comprit que quelque chose n’allait pas :

— Tout va bien ?
— Non, Seilah. asséna Tiana, calmement mais durement. Ça va pas et je veux savoir pourquoi.

Voyant que sa compagne restait interdite, la jeune militaire continua sur sa lancée, quitte à brusquer un peu les choses :

— Tu es étrange depuis qu’on a quitté Gamma Hydra III. Tu me caches quelque chose et franchement j’ose même pas imaginer ce que ça doit être pour que tu refuses de m’en parler.

Seilah restant toujours silencieuse, Fry ferma les yeux un instant, déglutissant avec difficulté alors qu’elle sentait les larmes perler derrière ses paupières. Elle inspira profondément et fit mine de partir :

— Quand tu auras décidé d’être franche avec moi, Seilah, tu me feras signe. D’ici là, on a plus rien à se dire. lâcha-t-elle, un once de violence dans la voix.

Choquée par de tels propos, la jeune alien ne réagit pas tout de suite, mais quand elle vit sa compagne s’éloigner, elle s’exclama :

— Tiana ! Attends !

La Capitaine entendit alors un bruit d’étoffe tomber au sol et fit lentement demi-tour. Elle découvrit Seilah, toujours à la même place. Cependant, la différence résidait dans l’absence de son bandeau que l’alien avait retiré. À sa place, on pouvait voir une cicatrice d’une brûlure, légèrement plus claire, et formant un étrange symbole : deux traits croisés, obliques et égaux, barrés en leur milieu par un troisième trait, terminé par une fourche à chaque extrémité, le tout étant surmonté d’un cercle.

Ne comprenant pas où elle voulait en venir, Tiana haussa un sourcil et Seilah commença ses explications :

— Demora, la planète où on doit livrer tout ce matériel. C’est ma planète d’origine. déclara-t-elle.
— Pardon ?

— Oui, Tiana. Je suis Demoréenne. Et c’est totalement normal que tu ne le saches pas. Pour mon peuple, quitter notre planète est un sacrilège.
— Alors pourquoi l’avoir fait ?
— J’allais y venir… C’est à cause de celle que je suis.

La jeune femme désigna la marque sur son front et expliqua :

— C’est la marque de ma famille. La famille royale des Demoréens. Mon père H’Ram est notre roi. Ce qui fait de moi…

— … Une princesse ?
— Exactement.

La jeune femme était à présent en larmes alors qu’elle cherchait son sempiternel bandeau pour cacher la brûlure signifiant son appartenance à cette famille qui, - elle en était certaine -, allait la rejeter. Cependant, Tiana était certaine que sa compagne ne lui avait pas tout dit. En effet, Seilah n’était pas quelqu’un qui aurait pu quitter sa planète sans une excellente raison.

— Dans l’appartement de Marlin, tu as dit “pas lui” et non “pas elle”. J’en déduis que c’est de notre contact que tu parlais, n’est-ce pas ? C’est un Demoréen, lui aussi ?
— Non, c’est bel et bien un humain…

La jeune alien déglutit avec difficulté et Tiana comprit tout de suite : elle était terrifiée. Voyant son état, Fry la prit dans ses bras, tout en lui murmurant :

— Seilah, parle moi. Tu sais qu'on doit pas avoir le moindre secret l'une pour l'autre…

La Capitaine commença alors à bercer doucement sa compagne qui se laissa aller en sanglotant.

— Qui est cet homme ? demanda doucement Tiana. Une raclure dans le genre de Bradock ?

La jeune Demoréenne ricana en entendant des propos si élogieux à l’égard du contact. Elle soupira et calma ses pleurs pour expliquer toute la situation à sa bien-aimée :

— Tiram Dja’Anu est une ordure de la pire espèce. Pire encore que Bradock.

Tiana haussa un sourcil, perdue dans les révélations sporadiques de l’alien, mais savait qu’elles le seraient tant qu’elle aurait autant de mal à exprimer ses craintes. Aussi, ne la brusqua-t-elle pas.

— C’est une ordure de la pire espèce, xénophobe et qui nous considère, nous les Demoréens, comme une sous-race. En tant que Seigneur de Demora, il nous a réduits en esclavage, nous faisant extraire à la main l’un des minerais les plus abondants du sous-sol de notre planète, l’Élément Uz, qu’il expédie directement vers Luxar...

Déjà effarée par ce que Seilah venait de lui raconter, Tiana était restée bouche-bée, ne pouvant imaginer que quelque chose de pire ait pu la forcer à partir. Quitter des conditions de vie aussi injustes et insupportables semblait déjà une excellente raison d’avoir déserté sa planète. L’ancien Sergent savait qu’à la place de sa compagne, elle n’aurait pas hésité non plus.

— Je peux facilement comprendre que tu aies voulu quitter un tel endroit et j’imagine que les tiens en auraient fait de même s’ils en avaient eu l’occasion. assura Fry d’une voix douce.
— Ne crois pas ça ! s’exclama l’alien cornue en se redressant, manquant d’éborgner sa compagne au passage.

Reprenant son calme à coup de longues et profondes inspirations, Seilah continua son récit :

— Le pire n’est pas là… H’Ram, mon père n’était pas que le Roi de Demora. C’était aussi un Chef de Guerre et celui qui a fomenté plusieurs révoltes au sein des mines. Il a libéré plusieurs des nôtres. Mais lorsque Tiram l’a pris à la gorge et a menacé d’exterminer plusieurs dizaines des nôtres devant son palais en guise d’exemple, il n’a pas eu le choix : il devait se soumettre. Et l’une des conditions était de lui promettre sa fille aînée…

— Promettre ? Comme dans…

— Oui, je devais me marier avec cette ordure. Seulement voilà, j’ai appris en écoutant aux portes que Tiram ne comptait absolument pas sur notre mariage pour mettre fin aux hostilités. Il ne souhaitait qu’une seule chose : détruire toutes les poches de rébellion, et assassiner mon père par la même occasion.

Tiana ne savait plus quoi dire : elle n’avait jamais imaginé que sa compagne ait pu avoir un passé aussi complexe et aussi dur. Mais elle saisissait à présent pourquoi Seilah s’était comportée ainsi en lisant le nom de celui qui avait fait tant de mal à son peuple.

— Après avoir prévenu un camarade révolutionnaire infiltré au palais de Tiram, je me suis enfuie. J'ai volé une navette et je suis partie vers un autre système. J'y ai été recueillie par un équipage qui m'a déposée sur Gamma Hydra III, où tu m'as connue.

Tiana était sidérée par toutes ces révélations. Seilah, la princesse de Demora, ne lui avait jamais parlé de son passé. Mais, à vrai dire, elle n’en avait que faire. Son passé n’appartenait qu’à elle. Cependant, elle sentait que Seilah ne lui disait pas tout. Quelque chose la terrifiait encore plus que de se retrouver face à Tiram. Aussi la Capitaine le lui demanda :

— Ma chérie, tu es certaine que tu n'as rien d'autre à me dire ?

La Demoréenne hésita un instant, puis passa aux aveux :

— En revenant sur Demora, j’ai peur de voir les ravages que mes actions ont causés. Je ne sais pas si j'arriverai à les supporter.

— Quels ravages ? Tu crois que Tiram se serait vengé sur ton peuple simplement parce que tu es partie ? Tu m’as bien dit que de toute façon il allait s’en prendre à eux, mariage ou pas, non ?

— Ça, oui ! Mais tu ne le connais pas ! Je l'ai vu faire couper les mains de l’une de ses servantes demoréennes juste parce qu'elle avait fait tomber un plateau. Il est cruel et sans pitié, sous ses airs de noble précieux... et prétentieux.

Tiana prit alors la tête de Seila, la posa sur ses jambes tout en lui caressant doucement les cornes, détendant la jeune alien presque instantanément.

— Écoute, je sais pas ce que tu voudras faire quand on sera là-bas. Mais si tu tiens à rester ici pendant la négociation, je ne t'obligerai pas à venir. Au pire, Tooms et Jack peuvent m'accompagner.

La Demoréenne se releva alors pour embrasser sa compagne et avec un sourire, elle lui dit :

— Qu'est-ce que je ferais sans toi, hein, mon héroïne ?

Puis, réfléchissant un instant, ses yeux s’exorbitèrent :

— Oh non ! Tiram est un allié de l’Alliance. Tu peux être certain qu’il sait qui tu es et que tu as un mandat à ton nom ! s’exclama la Demoréenne.

Tiana, suivant aisément le cheminement de ses pensées, saisit rapidement où elle voulait en venir :

— Et si Tiram est allié à l’Alliance, ça veut dire qu’Atlan sera lui aussi dans les parages...

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