CHAPITRE 18 : Je suis médecin, pas ingénieur

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— Comment ça “chaotique” ? s’inquiéta presque immédiatement Tooms. Tu vas pas me dire qu’ils sont à deux doigts de nous réduire en cendres et qu’on a aucun moyen de bouger, si ?
— Calme-toi, Ash ! répliqua Tiana, elle-même assez tendue. Mei est en train de relancer les moteurs et j’ai besoin de toi ici à ton maximum.

Le pilote opina du chef et se mit derrière sa console. Il commença à pianoter dessus et nota que la plupart des voyants passaient rapidement au vert. Bientôt, un doux ronronnement se fit sentir sous les pieds des membres de l’équipage, signe que le vaisseau reprenait toute sa puissance.

— On est prêt, Boss ! lança Ash.

Tiana ne put réfréner un sourire en s’installant sur son propre fauteuil. Elle enclencha le bouton de l’intercom et appela sa mécanicienne :

— Mei, tu en es où ?

Mais au lieu de celle de la jeune Azrienne, ce fut la voix familière d’Ethan qui répondit :

— Nous y sommes presque, Capitaine. Mei demande quelques minutes pour activer le camouflage.
— Bien compris. On va faire ce qu’on peut.

Puis, à son pilote :

— Ash, tu as entendu la dame...

Bien que ne répondant pas, le timonier enclencha quelques boutons et étira ses doigts qui craquèrent sèchement. Le vaisseau s’élança alors dans l’immensité spatiale, slalomant habilement entre les tirs de canon laser du croiseur. Soudain, un choc secoua l’intégralité du cargo et Tiana se retint à grand peine de tomber de son fauteuil :

— On est touché, Tooms ? demanda-t-elle.
— Oui, mais les boucliers-arrière ont tout pris. Ils sont plus qu’à quatre-vingt pour cent de leur charge.
— D’accord. Fonce mais évite de nous mettre dans leur ligne de mire !
— Tes désirs sont mes ordres, Boss ! répliqua le pilote en faisant virer de bord le vaisseau.

Voyant que le timonier semblait maîtriser la situation, Fry se leva et appuya sur le bouton de l’intercom :

— Dis-moi que tu es parée, Mei.
— Je n’attends plus que ton ordre et je nous fais disparaître, Boss.

La Capitaine se tourna alors vers Tooms qui se préparait à faire demi-tour juste sous la pointe du croiseur d’Atlan qui se dirigeait droit dans leur direction.

— Prêt ? demanda-t-elle en posant une main sur l’épaule d’Ash.

Le pilote acquiesça et commença sa manoeuvre. Le Charon freina brusquement et vira sèchement de bord avant de se rabattre sur l’immense vaisseau ennemi.

— Maintenant, Mei ! s’écria Tiana en appuyant sur le bouton activant l’intercom.

Le sifflement caractéristique résonna dans tout le vaisseau alors qu’il disparaissait de la vue et des senseurs du croiseur de l’Alliance, laissant un peu de répit à l’équipage du Charon.

Alors que Tooms enclenchait le pilote automatique, il sortit brusquement de la passerelle, renversant presque Tiana sur son passage :

— Pousse-toi, Boss ! Il faut que j’aille voir comment va ma soeur ! s’était-il expliqué.

Le pilote se retrouva en quelques instants devant la pile de cadavres des soldats de l’Alliance qui jonchaient le sol. Il déglutit à grand peine, se rappelant de la dernière fois qu’il avait vu autant de morts : deux ans auparavant, pendant la Guerre. Il ferma les yeux et inspira profondément, avant de reprendre ses esprits. Malheureusement, se focaliser venait de faire monter son angoisse d’un cran : il ne pouvait plus que penser à sa soeur et à la manière dont elle s’était effondrée sur le sol après la possession d’Atlan. Il emprunta donc rapidement les couloirs pour se rendre à l’infirmerie, non sans avoir marché sur les corps des soldats décédés, les considérant comme de vrais déchets.

Lorsqu’il arriva devant la porte de la salle de soins, il vit qu’Ethan était là, appuyé contre la paroi métallique qui y faisait face. Ses yeux étaient rougis et gonflés : il avait pleuré récemment et Ash n’en était que plus inquiet. D’un signe de tête, ce dernier demanda des nouvelles à son frère.

— Aucune idée… Al’ m’a jeté dehors… Il ne veut pas avoir la moindre nuisance… déclara celui-ci.
— Tu peux pas lui en vouloir. Il fait que son travail.

Soudain, la porte s’ouvrit brusquement, laissant apparaître la silhouette du médecin. Il semblait profondément dévasté :

— Je suis désolé… Je ne comprends pas ce qu’il a bien pu se passer…

Ethan et Tooms se jetèrent alors dans la pièce : ils virent d’un côté Jack, que Seilah bandait consciencieusement, et de l’autre le corps inanimé de Sarina, posé sur la seule paillasse disponible. Elle semblait si paisible qu’elle aurait pu sembler uniquement endormie si sa poitrine n’avait pas cessé tout mouvement respiratoire. L'aîné de la fratrie tomba alors à genoux, en larmes, tandis que son timonier de frère le prenait par les épaules, abasourdi par la nouvelle. Il lâcha alors Ethan pour se rendre auprès de la jeune femme et posa une main rugueuse contre son visage glacé. Il écarta une mèche de cheveux du visage de sa soeur et vit un trou dans sa peau, près de l’une de ses tempes : il s’agissait là d’une blessure, certainement due au choc lorsque la jeune femme était tombée inanimée après la possession par le Commandant de l’Alliance. Mais le plus curieux, c'était que Tooms y voyait : alors qu’il s’attendait à y trouver un morceau de chair sanguinolent ou même une partie du crâne de Sarina qui aurait été mis à nu, le pilote avait sous les yeux un bout de métal sombre en lieu de l’os de la tête de la jeune femme. Intrigué, Ash se tourna alors vers Al’ et, d’un signe de la main, il lui demanda d’approcher :

— Euh, Doc ! C’est quoi, ça ?

Le médecin avança d’un pas rapide vers la paillasse et remis ses lunettes avant d’attraper un scanner. Il l’approcha du bout de métal et haussa un sourcil, intrigué par les résultats qu’il lisait sur l’écran :

— J’avoue que je ne comprends pas… À moins que…

Le médecin se dirigea vers l’un des rares tiroirs installés dans la pièce et en sortit un scalpel avant d’approcher l’instrument tranchant de la chevelure de la jeune femme. Affolé à l’idée de ce que le médecin allait faire, Tooms attrapa brutalement le poignet du vieil homme :

— Vous faites quoi là, Doc ? s’écria-t-il, sa voix montant brusquement dans les aigus tant son angoisse était palpable.

Alistair lâcha un soupir compréhensif : il savait que Tooms était très peu confiant de nature et qu’à cet instant, il ne pouvait avoir l’esprit serein. Il s’expliqua alors :

— Mon cher, faites-moi un peu confiance, voulez-vous ? Je ne suis pas devenu médecin pour faire du mal aux autres et vous le savez. Je pense avoir une théorie pour expliquer l’état de votre soeur. Mais pour ça, il faut que vous me laissiez faire. Dans l’état, votre soeur est décédée, mais si j’ai raison, il me sera peut-être possible de la sauver.

Le médecin jeta un regard à son poignet toujours maintenu fermement par le pilote et ce dernier le lâcha, résigné. Alistair réitéra son geste vers la tête de la jeune femme et entailla la peau au niveau de son crâne. Un liquide verdâtre suinta hors de la plaie sous le regard ébahi des deux hommes. Le médecin attrapa alors une minuscule pince et écarta les deux lambeaux de peau pour découvrir que la totalité de la tête de Sarina était en réalité composée de métal :

— C’est bien ce que je pensais… annonça-t-il alors qu’il apercevait Tiana appuyée dans l’embrasure de la porte. Sarina n’est pas ce que nous croyions…
— Comment ça ? répliqua Ethan. C’est ma soeur, merde !

Le jeune homme sentit alors une main lui caresser le dos : il s’agissait de Mei qui,sans un mot, s’était approchée de lui pour le réconforter.

— Jeune homme, sachez que je sais ce que je dis quand j’affirme que Sarina n’est pas humaine. rétorqua le médecin.

Lui qui avait pourtant toujours semblé bienveillant, revêtait maintenant une sévérité qui faisait froid dans le dos. Voyant ce changement d’attitude si subit, Tiana croisa les bras sur sa poitrine :

— D’accord, Doc. Qu’est-ce que vous ne nous dites pas ?

Le Docteur Gun secoua alors la tête, refusant catégoriquement de s’expliquer :

— Non, Capitaine. Je ne peux pas vous en parler maintenant. L’important est ce que vous allez décider : acceptez-vous de sauver la jeune femme qui se trouve sur cette paillasse ?

Tous les regards se tournèrent alors vers Tiana qui ne savait pas trop quoi penser de toute cette situation. En effet, sa principale préoccupation avait été la sécurité de son équipage et sa décision allait de nouveau la mettre en jeu. Elle toisa le corps inanimé de Sarina en se rappelant la manière dont il les avait menacés en étant sous le contrôle d’Atlan. La Capitaine inspira profondément et remarqua l’inquiétude qui s’affichait sur les visages d’Ethan et de son pilote.

— D’accord, Doc. Mais je veux savoir à quoi on a affaire là.
— Ne vous inquiétez pas, Capitaine. assura le médecin. Je vous dirai tout ce que vous aurez besoin de savoir.

— Qu’est-ce qu’il faut faire ? demanda alors Tooms, inquiet.

Alistair fit volte-face vers la mécanicienne, toujours au côté d’Ethan Rem, et déclara :

— Je suis médecin, pas ingénieur, mon cher Tooms. L’état de votre soeur dépasse un peu mes compétences. Fort heureusement, nous avons parmi nous la personne idéale pour cette tâche.

Les oreilles de la jeune Azrienne s’agitèrent en entendant les paroles d’Alistair et, de son mètre cinquante, Mei fixa ce dernier, sans comprendre :

— Comment ça ? Tu as besoin de mon aide ? demanda-t-elle, interloquée.

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