CHAPITRE 6 : Récupération

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Cela faisait bien deux heures que le Charon volait à vitesse réduite, à la recherche d'une station abandonnée et que Tooms était derrière sa console de pilotage. Le problème venait de la puissance allouée aux senseurs du cargo qui se coupait à chaque fois que le timonier cherchait à étendre la distance scannée.

Deux heures pendant lesquelles, tout en lisant un roman, Tiana devait supporter ses cris à l’encontre de cette technologie qui, dans des termes particulièrement grossiers, laissait à désirer. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir expliqué au pilote que c’était normal et que Mei essayait de régler le problème le plus vite possible.

— Laisse faire la petite et sois un peu patient ! soupira à nouveau Tiana. T’agacer pour rien va pas faire avancer les choses...

Mais le timonier, lui, n’aimait pas attendre, surtout depuis que sa Capitaine lui avait annoncé qu’ils risquaient tous d’y passer. Il se jeta presque sur le bouton de l’intercom et sa voix résonna aux quatre coins du vaisseau :

— Mei ! Elle arrive cette puissance, oui ou non ? On a pas que ça à faire que d’attendre après toi ! beugla-t-il.

Puis voyant que le regard de Tiana avait quitté les pages de son roman pour le fusiller, il s’excusa :

— Désolé. Je voulais pas être…
— Parce que tu crois que c’est à moi que tu dois présenter des excuses, peut-être ? s’exclama Fry, le coupant.

Le pilote pressa à nouveau le bouton de l’intercom et d’une voix beaucoup plus calme, il déclara :

— Excuse-moi, gamine. Je ne pensais pas à mal.

Voir son second se confondre en excuses auprès de la petite Azrienne fit esquisser un sourire à Tiana, qui, secrètement, était bien contente de l’existence d’un tel rapport de force entre ces deux membres de son équipage. Soudain, alors qu’une ribambelle de voyants s’allumaient enfin sur la console de pilotage, la voix de Mei se fit entendre :

— La voilà, ta puissance ! Et ne me parle plus sur ce ton si tu ne veux pas que je te morde !

L’ancienne militaire étouffa un rire en entendant la menace en l’air que proférait l’Azrienne, car bien qu’elle en ait été capable, Mei aimait trop Tooms pour lui faire le moindre mal. Cela ressemblait plus à un jeu, avec Tiana faisant office d’arbitre pour éviter que cela n’aille parfois trop loin.

— Bon, les gamins. intervint Tiana en posant son roman de côté. On arrête les chamailleries et on se remet au travail. Tooms, ça donne quoi ?
— Encore quelques instants et on devrait avoir une première réponse. répondit l’intéressé en pressant certains boutons de sa console. Voilà ! Il y en a une tout près. Station de type 7, puissance minimale. énuméra-t-il en effectuant une analyse plus détaillée. Systèmes de survie non fonctionnels, aucune trace de tirs récents, ni d’un quelconque système de sécurité. À croire qu’il a été détruit.

— Aucun ? Elle appartenait à qui alors ? À l'Alliance ?

— Non ! Tu le croiras jamais ! répondit le timonier, effaré. C’était l’une des nôtres pendant la Guerre !

Tiana n'en revenait pas. L'une des rares stations indépendantistes à ne pas avoir été récupérée par l'Alliance allait leur servir pour effectuer des réparations de fortune après leur départ mouvementé.

— À combien on en est ?
— Dix minutes à vitesse maximale. En espérant que la rustine de Mei tienne jusque là.

Les lèvres de Tiana se tordirent en un sourire sans joie : l’inquiétude de la Capitaine reprenait de nouveau le dessus. Pourtant ils n’avaient pas le choix : il fallait que le raccommodage que sa mécanicienne avait mis en place résiste. Leur survie en dépendait.

— Alors on y va. On a plus le temps d’attendre.

Tooms se mit alors à glousser alors que Tiana se dirigeait vers ses quartiers pour se préparer.

— Alors, qui est pas patient maintenant ? s’esclaffa le timonier.

La jeune femme descendit rapidement l’échelle qui menait à son lieu de vie tout en entendant la voix de son timonier appeler Mei et Jack à se réunir dans la salle de chargement principale. Il était évident que ce serait eux qui l’accompagneraient : la première pour trouver les pièces nécessaires à la bonne marche du vaisseau ; le deuxième car, malgré son alcoolisme, il restait la meilleure gâchette du vaisseau.

La Capitaine observa sa cabine et soupira : le petit nid d’amour qu’elle partageait avec Seilah avait vraiment besoin d’un rangement en bonne et due forme. Après avoir passé tout ce qui n’allait pas en revue, elle retrouva enfin ce qu’elle était venue chercher : sa cartouchière accrochée sur une chaise posée dans un coin, ainsi que sa carabine-blaster, juste à côté. Fry vérifia le bon fonctionnement de cette arme ainsi que du pistolet qu’elle avait toujours à la ceinture et attrapa la réserve de munitions avant de la mettre en bandoulière.

Elle fit demi-tour et, en remontant à l’échelle, vit par la trappe au-dessus d’elle se découper le visage souriant d’Alistair. Il semblait sur le point de demander quelque chose.

— Vous me cherchiez, Doc ? anticipa l’ancienne militaire, assez pressée.
— En effet, chère amie. J’ai cru comprendre que nous allions faire une halte imprévue et je souhaiterais me joindre à votre expédition.

Tiana se mit alors à ricaner. Elle imaginait mal en quoi le médecin pourrait aider l’équipage. Aussi, elle lui demanda, alors qu’elle sortait de l’ouverture :

— Vous savez qu’on va aborder une ancienne station délabrée juste pour récupérer quelques pièces mécaniques, n’est-ce pas ?
— Je le sais bien. C’est justement pour ça que je suis venu vous voir. Je pense qu’il y a une possibilité pour que nous y trouvions d’autres denrées. Par exemple, j’ai cru bon de demander à votre compagne où en étaient les stocks de kits médicaux et, apparemment, ils sont largement insuffisants. D’après ce que j’ai également compris, vous n’avez pas les moyens financiers pour vous en procurer.

Fry sourit malgré elle : décidément le médecin avait bien potassé son sujet avant de venir la voir et lui demander son autorisation pour les accompagner. Et le pire, c’est qu’il n’avait pas tort : dans le cas d’une attaque, il serait préférable d’avoir tout le matériel nécessaire à disposition. Mais Tiana ne voulait pas montrer au bon Docteur Gun qu’il était facile de la raisonner : il fallait qu’elle le laisse mijoter un peu...

— Et si jamais il y avait du danger ? Je peux pas garantir votre sécurité.

Ce fut au tour du médecin d’esquisser un sourire tandis qu’il sortait un fusil de derrière son dos :

— Croyez-moi : vous n’aurez pas à vous en occuper. Je sais très bien me défendre.

Voyant qu’Alistair semblait avoir réponse à tout, Tiana céda :

— Dans ce cas, je vois pas ce que je peux dire de plus pour tenter de vous décourager. Rendez-vous dans la salle de chargement. Je vous y rejoins dès qu’on sera amarré.

L’ancien Sergent se rendit donc dans le cockpit et y pénétra au moment même où le moteur supraluminique se coupait, laissant apparaître l’ancienne station indépendantiste.

La structure métallique en ruines se trouvait au beau milieu d’un champ d’astéroïdes que Tooms dut rapidement éviter, mettant ainsi toutes ses compétences de pilote à l’épreuve.

— Désolé tout le monde ! s’exclama-t-il alors qu’il faisait faire au cargo d’innombrables embardées, secouant l’équipage par la même occasion.

Tiana se jucha avec difficulté sur son fauteuil, et attacha sa ceinture. Elle avait une totale confiance en son timonier et ses capacités, mais savait qu’il était possible de se blesser bêtement si elle n’était pas maintenue.

En quelques secondes, Tooms évita la plupart des massifs météores et se dirigea droit vers la station que Tiana put enfin discerner à travers la verrière : elle était composée d’une immense base cylindrique supplantée par deux anneaux à partir desquels étaient déployés de gigantesques panneaux solaires troués par endroits, certainement par les astéroïdes avoisinants.

Tooms afficha les résultats holographiques de l’analyse de la station et trouva rapidement ce qu’il cherchait : un sas d’amarrage encore en bon état. Tiana, elle, se précipita droit vers la cale où l’attendaient tous les membres de l’équipe, qui enfilaient leurs combinaisons spatiales, ainsi que Seilah qui les aidait dans leur tâche. Même Ethan et Sarina regardaient ce curieux manège depuis les galeries métalliques qui surplombaient l’immense pièce.

— Je comprends pas pourquoi faut toujours mettre ces combinaisons. ronchonnait Daniels, qui était déjà prêt à sortir. En plus, tu transpires là-dedans et ça pue.
— Peut-être que ça sentirait meilleur si tu te lavais plus souvent ! répliqua Mei en testant sa radio. Sinon Boss, pourquoi Alistair est-il avec nous ? questionna-t-elle Tiana.
— Le bon Docteur Gun pense qu’on pourrait trouver d’autres trucs utiles. Et je pense qu’il a raison. Jack, tu iras avec lui, et Mei viendra avec moi. C’est clair ?
— Bien compris, Boss. répondirent l’ancien mercenaire et la mécanicienne à l’unisson.

Un claquement sourd et mécanique retentit dans toute la soute, signe que Tooms avait réussi à amarrer le Charon à ladite station et un léger ronronnement suivit, prévenant ainsi Fry que le Charon était en train de se recharger en carburant. L’équipe d’exploration se rendit alors vers la porte du sas et se verrouilla à l’intérieur avant de le dépressuriser. Puis, Tiana et Jack avancèrent doucement vers l’autre extrémité qui donnait sur l’intérieur de la station et tournèrent le lourd verrou de l’écoutille qui la maintenait hermétiquement fermée.

La porte s’ouvrit silencieusement sur l’un des ponts de la station qui était parsemé de poussière en lévitation et d’objets en tout genre. Elle-même se sentant décoller, Tiana ordonna à toute son équipe de mettre en place les contre-mesures nécessaires :

— Vite ! Activez vos semelles magnétiques ! Je veux pas vous perdre dans l’Espace !

Chacun des membres de l’équipe pressa un bouton sur un boîtier fixé sur leur poignet et ils se retrouvèrent immédiatement collés au sol métallique.

— Bon, on va où ? demanda Jack, apparemment peu ravi d’être là. C’est pas comme si nous on connaissait ce genre de station par coeur.

Tiana réfléchit un moment : les stations de type 7 étaient vouées à la télécommunication et avaient servi d’avant-postes temporaires pendant la Guerre.

— Nous, on va aller dans les ponts inférieurs. C’est là qu’on trouvera les générateurs. Quant à vous, c’est quelques niveaux au-dessus que vous trouverez les salles médicales.

La Capitaine vit Alistair et Jack hocher de la tête à travers la visière de leurs casques et changer le canal de leurs radios personnelles avant de bifurquer de leur côté, tandis que Mei se rapprochait un peu plus d’elle. Fry entendait sa respiration saccadée dans le microphone de sa combinaison.

— Calme-toi, Mei. Tu n’as pas à avoir peur. Je suis là. essaya-t-elle de la rassurer.

Mei était terrifiée, ce que Tiana comprenait : sa peur du vide intersidéral allait de pair avec l’absence des sons et des odeurs qui permettaient aux Azriens de se guider depuis leur naissance. Là, il n’y avait rien... Que les ombres projetées par les torches frontales des combinaisons.

— Ça va aller. déclara la jeune alien. J’ai juste du mal à m’y faire, mais ça va passer.

Tiana soupira. Elle avait craint une crise de panique de la part de sa mécanicienne, mais était fière de voir qu’il en était autrement. L’ancienne militaire lui fit signe de la suivre et avança prudemment sur le sol traître du pont. Arrivées au bout du couloir sombre, les deux femmes se retrouvèrent devant la porte arrachée d’un turbo-ascenseur derrière laquelle la cage s’enfonçait profondément jusqu’aux niveaux qui les intéressaient.

— Tu as une idée de comment descendre ? demanda Mei, toujours aussi anxieuse.
— Je crois que oui. répondit Fry en sautant droit dans l’ouverture béante.

Puis au dernier moment, elle désactiva ses semelles magnétiques et laissa faire l’inertie, la propulsant doucement vers les étages inférieurs.

L’Azrienne, elle, était si terrorisée qu’elle n’osait même pas regarder, ni même appeler sa Capitaine. Elle entendit alors la voix de Tiana résonner dans son casque :

— C’est bon, j’ai touché le sol. Tu n’as rien à craindre, je t’assure.

Mei prit alors une série de grandes inspirations et effectua la même manoeuvre que sa Capitaine et se laissa tomber le long de la cage de l’ascenseur et ferma les yeux, paralysée par la peur. Après quelques minutes en apesanteur, elle sentit enfin le sol dur sous ses semelles et enclencha la propriété aimantée de ces dernières pour reprendre l’exploration de la station.

— On est où ? demanda-t-elle, tout en essayant de masquer sa nervosité à l’ancienne militaire qui n’était pas dupe.
— Là où on voulait aller. déclara cette dernière. Dans la salle d’ingénierie.

Malheureusement pour Mei, ce qui aurait dû être un vrai paradis pour elle ressemblait plus à un tas de déchets sans la moindre valeur : certaines parties des revêtements des murs étaient tombés à même le sol et les quelques consoles encore entières étaient dissimulées derrière des amas de décombres en suspension.

— Ça doit être la passerelle au-dessus qui est tombée. expliqua Tiana à sa mécanicienne. Je pense qu’elle a dû s'écrouler pendant une explosion et qu’avec l’absence de gravité, elle est restée là, comme ça.

Puis, désignant l’une des consoles qui se trouvaient juste en dessous, elle ajouta :

— Tu crois que tu pourrais nous donner un peu de lumière ?
— Je pense que je peux même faire bien mieux… répondit Mei en s’élançant aussi rapidement que possible vers les générateurs alors inertes.

Si Mei avait regardé le visage de Tiana à ce moment-là, elle aurait vu de la stupeur quant à ce que la jeune ingénieure essayait de faire. Elle était en effet en train d’ouvrir un panneau près de l’un des ordinateurs contrôlant les bobines d’allumage. Après quelques instants, prenant les rênes de l’opération, la jeune femme héla sa Capitaine :

— Boss, regarde s’il y a encore des cristaux dans le compartiment là-bas.
— Oui, chef. répondit Tiana, amusée que Mei lui donne des ordres.

Le teint de Mei vira rapidement au rouge quand elle se rendit compte de ce qu’elle venait de faire. Mais elle se remit rapidement au travail quand Fry lui fit signe du pouce que les cristaux nécessaires à l’alimentation des générateurs étaient bien présents.

En quelques secondes, la lumière se fit dans la pièce. D’abord hésitante, puis de plus en plus puissante, jusqu’à atteindre une clarté optimale. Fry regarda alors le boîtier à son poignet qui indiqua rapidement que les niveaux de dioxygène dans l’air étaient en train d’augmenter, autant qu’une légère vibration des dynamos qui étaient enfin en train de tourner. Tiana entendit rapidement un bip régulier provenant des relevés de sa combinaison lui signifiant qu’une atmosphère respirable leur était accessible. Elle déverrouilla son casque en même temps que la mécanicienne qui inspira profondément, tant quitter l’espace étroit qui lui enserrait la tête lui était vital.

— Bien joué ! la félicita sa Capitaine, avec un sourire. Bon maintenant, essayons de trouver les pièces qu'il te faut.

De leur côté, Daniels et Alistair ne se disaient pas grand chose. Le premier parce qu'il était, dans son état normal, quelques peu taciturne, et qu’il détestait se retrouver en compagnie d’un inconnu comme Alistair ; ce dernier, quant à lui, était silencieux parce qu'il n'avait strictement rien à dire, préférant rester dans ses pensées. Soudain, alors que les deux hommes se retrouvaient à sortir de l’écoutille de secours, Alistair étouffa un cri de surprise et de joie alors qu’ils étaient en face de la baie vitrée de l’infirmerie. Puis, calmant ses ardeurs, il déclara :

— Monsieur Daniels, c’est ici.

L’ancien mercenaire, lui, grogna simplement, peu intéressé par ce que le médecin lui disait. Il se retourna plutôt, quand d’un seul coup il put voir que des champs de force énergétiques se dressaient là où les parois extérieures de la station avaient été endommagées. Il nota également la présence d’une atmosphère respirable qui se faisait de plus en plus intense. Il déposa son arme contre un mur et entreprit d’enlever son casque.

Les détecteurs de la combinaison d’Alistair lui indiquant les mêmes informations, le médecin avait fait de même, enfournant rapidement les quelques denrées qu’il avait pu trouver dans la poche ventrale de son habit du moment, notamment quelques kits médicaux et un curieux flacon, rempli de graines. Toutefois, le comportement de l’artilleur le troublait. Il revint donc vers l’ancien mercenaire et l’apostropha :

— Monsieur Daniels, puis-je savoir ce que vous me reprochez exactement ? Je ne crois pas vous avoir fait de tort, à moins bien sûr que je ne me trompe…

Jack ne prit même pas la peine de répondre et lui ordonna :

— Dépêchez-vous de trouver ce que vous vouliez qu’on puisse foutre le camp.

Soudain, une créature, qui, jusque là n'avait pas bougé, se jeta sur le crâne chauve de Daniels qui fut projeté en arrière, tant par le choc que par la surprise. La bête était noire, velue et avec ses ailes déployée, faisait au moins un mètre d'envergure. Mais le plus inquiétant étaient les griffes acérées qui lacéraient la surface du visage de l’artilleur. N’écoutant que son instinct, le médecin s’empara du fusil de Daniels par le canon et envoya valser la crosse de l’arme dans le corps de l’animal. Puis, d’un habile mouvement du poignet, il la fit tourner autour de sa main et pressa la détente, tirant une puissante décharge énergétique qui tua la créature instantanément.

Daniels, lui, avait été tellement surpris qu’il mit un moment avant de reprendre ses esprits et de remarquer le bras d’Alistair, tendu vers lui. Il s’en empara et se releva avec difficulté avant de demander au médecin :

— C’était quoi ça ?
— La créature ? Aucune idée, mais elle se trouve juste là si vous souhaitez l’examiner… dit-il en désignant de la tête l’animal mort.
— Non, pas ça. Je veux dire… Ce que vous venez de faire…

Gun rigola. Il était évident que Jack était plein de préconceptions notamment quant à sa manière d’être. Aussi l’expliqua-t-il :

— Vous savez, j’ai voué toute ma vie à la protection de la vie des êtres humanoïdes et ce n’est pas prêt de changer. D’ailleurs vous êtes blessé. dit-il en redonnant son arme à Jack.
— C’est rien, juste des éraflures. En tout cas, merci Doc. lâcha l’ancien mercenaire, un peu honteux de son propre comportement avec Alistair.

Après tout, si ce dernier n’avait pas été un médecin, il aurait pu en profiter pour laisser la bête lui donner une bonne leçon sans rien faire. Mais le Docteur Gun n’avait pas hésité et lui avait sauvé la vie.

L’artilleur se tourna alors vers la défunte créature et la reconnut tout de suite : sa longue queue et fine se terminait par un morceau de peau en forme de losange, et sa tête, emmanchée au bout d’un cou court et épais, ressemblait plus à une boule osseuse scindée en deux, formant les mâchoires. Chacune d'elles était ornée de trois rangées de dents aiguisées comme des rasoirs.

— Merde ! lâcha Jack.
— Que se passe-t-il ?
— Essayez de ramasser le plus de matériel possible. Il faut pas qu’on reste ici plus longtemps. Et remettez votre casque. Ça vous protégera.

Au vu de l’inquiétude subite de Daniels, le médecin repartit rapidement vers l’intérieur de l’infirmerie pour récupérer son casque et son arme quand il vit que deux spécimens de ces créatures lui barraient le chemin :

— Monsieur Daniels ? appela-t-il, inquiet. Je crains de ne pas pouvoir faire grand chose sans votre aide.

Malheureusement, si les monstres semblaient aveugles, ils n’étaient certainement pas sourds et fondirent sur Gun, l’obligeant à se jeter au sol. Quelques instants plus tard, il entendit deux déflagrations et se retourna : Jack venait d’abattre les monstres en plein vol.

— Je crois qu’on est quittes. déclara Daniels, non sans apostropher le médecin d’un clin d’oeil malicieux et en l’aidant à se relever.

Les deux hommes remirent leur casque et, alors qu’ils revenaient aussi vite que possible vers leur point de départ, Alistair put entendre la voix rocailleuse de Jack s’élever dans le microphone :

— Boss, répond ! On est en plein milieu d’un nid de Ryrklogs !

Par chance, Tiana et Mei étaient également de retour, en train de grimper périlleusement à l’échelle qui remontait le long de la cage d’ascenseur. La combinaison était lourde et entravait les mouvements des deux femmes qui étaient également lestées par le poids des pièces métalliques récupérées.

Quand Fry entendit enfin la voix de Daniels résonner dans son casque, elle comprit : ces créatures aveugles vivaient principalement dans les lieux stellaires abandonnés, où le vide était omniprésent, puisque c’était leur lieu de vie privilégié. Malheureusement quand Mei avait remis la génération d’atmosphère et la gravité en place, la colonie avait été dérangée et les monstres qui la composaient s’étaient réveillés, prenant en chasse les seuls autres êtres vivants présents sur la station.

Tiana pencha la tête pour essayer de croiser le regard de sa mécanicienne, mais ne put rien discerner. Cependant, elle l’entendait, elle et sa respiration saccadée. Une nouvelle crise d’angoisse la prenait à la gorge et cette fois-ci, elle était plus que compréhensible. Essayant de cacher sa propre terreur, Fry entreprit de rassurer son ingénieure :

— T’en fais pas, gamine. Je te promets qu’on va s’en sortir.

Pourtant Tiana n’était sûre de rien, surtout depuis qu’elle entendait des crissements lointains, provenant d’autres Ryrklogs. Mais par chance, la montée était presque terminée. La Capitaine se hissa dans l’ouverture défoncée de la porte et se retourna pour aider l’Azrienne à monter, sans voir ce qui allait lui tomber dessus : l’une des créatures, beaucoup plus grosse que les autres, était agrippée dans le renfoncement du plafond et attendait le bon moment pour attaquer. La masse sombre de la créature se découpa alors que Mei releva la tête vers l’ancienne militaire qui fut projetée de côté, loin de sa carabine, que le choc lui fit lâcher.

— Tiana ! s’écria la jeune Azrienne alors que le corps de Fry disparaissait de son champ de vision et que la créature se tournait vers cette dernière.

Puis voyant que l’arme de Fry était toujours près d’elle, Mei s’en empara et, après avoir visé la bête, pressa la détente. La rage de l’animal n’en fut que plus grande tandis qu'elle se retournait vers la mécanicienne. Celle-ci n’eut que le temps de se pendre à l’intérieur de la cage d’ascenseur afin d’éviter un coup de griffes meurtrier. S’en suivit une salve de tirs de blaster et un immense crissement métallique qui déchirèrent le silence de la station : Jack et Al’ étaient de retour et avaient apparemment fait fuir la créature.

La main gantée de Daniels s’approcha de l’ouverture où Mei s’était cachée, que l’Azrienne empoigna avec force, tandis qu’Alistair allait voir comment se sentait Tiana :

— Capitaine, vous allez bien ? demanda-t-il précipitamment, ne réussissant pas à voir le visage de Fry à travers la visière embuée du casque.
— Oui, vous inquiétez pas pour moi. Je me suis juste cognée la tête en tombant.

La Capitaine se releva seule, refusant l’aide de Gun, et se dirigea rapidement vers les autres membres de son équipage. Elle prit rapidement connaissance de leur état avant d’être coupée dans son élan par une longue plainte bestiale : la créature qui avait fuit venait d’appeler les autres membres de la colonie et il ne fallut pas longtemps à Tiana pour comprendre à quelle fin.

— Vite ! Il faut qu’on se tire d’ici ! s’exclama-t-elle en s’élançant dans le long couloir qui menait vers l’écoutille extérieure du sas reliant la station au Charon.

Les quatre explorateurs coururent sur le sol peu stable quand soudain le pied de Mei s’enfonça à travers une dalle qui s’effrita. L’Azrienne se sentit tomber dans le vide séparant cet étage de celui d’en-dessous, mais fut rattrapée dans sa chute par Jack et Al’ qui la retirèrent du guêpier dans lequel elle s’était mise.

Les cris se rapprochant, l’inquiétude de Tiana monta d’un cran : les Ryrklogs étaient des créatures habiles, qui pouvaient se mouvoir dans des espaces confinés, comme les vides qui séparaient les différentes pièces ou encore sous les planchers ou les plafonds de la station en ruines. Aussi, elle prévint Tooms qu’il fallait qu’il se prépare à un départ en catastrophe :

— Tooms, démarre vite !
— Pourquoi ? Un problème ?
— Des Ryrklogs !

Tandis que le timonier étouffait un juron à l’autre bout, Tiana tourna la tête pour voir si les autres membres de son équipe suivait, sans voir que deux des créatures qui les chassaient lui fondaient dessus. Heureusement pour elle, Alistair et Jack avaient dégainé en même temps et pulvérisé les deux animaux en plein vol.

— Bien joué, Doc ! lâcha l’artilleur, surpris par l’adresse au tir du médecin. Moi qui vous prenais pour un pacifiste…
— Je n’ai aucun amour pour la violence, Monsieur Daniels. précisa l’autre. Mais cela ne signifie pas que je rechigne à l’utiliser quand c’est nécessaire.

Alors qu’ils étaient enfin arrivés au niveau de l’écoutille extérieure, Daniels entreprit d’en faire tourner le verrou alors qu’une masse sombre déchirait le plafond derrière eux : la Reine de la colonie de Ryrklogs était de retour.

Tiana et Alistair se mirent alors juste devant Mei et Jack et canardèrent le monstre alors que ces derniers franchissaient la porte du sas et en ouvraient l’autre extrémité. Voyant que les deux premiers membres de son équipe étaient enfin en relative sécurité, Fry ordonna au médecin de remonter à bord du Charon, restant seule pour retenir la créature. Mais c’était sans compter l’intervention de ce dernier qui la força à rentrer dans le sas avec lui, pendant que Jack s’efforçait de fermer l’écoutille qui se détacha de la station.

Tiana se releva alors rapidement et commença à se défaire de sa combinaison. Il fallait qu’elle se dépêche d’atteindre la passerelle afin d’aider Tooms à se sortir du guêpier. Alistair, surpris par l’attitude de la Capitaine, se tourna vers Jack et lui demanda les raisons d’une telle anxiété :

— Pourquoi est-elle si inquiète ? Après tout, ces animaux ne peuvent pas nous suivre ... Si ?
— Bien sûr que si. Les Ryrklogs sont habitués au vide spatial et les plus gros comme la Reine ne craignent pas les armes énergétiques. Le petit que vous avez abattu n’était qu’un jeune.

Alistair se tourna alors son regard vers la porte du sas, inquiet par rapport aux dangers qui lui étaient inconnus. Il devait bien avouer qu’il ne s’attendait vraiment pas à faire une telle rencontre lors de ce voyage.

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