CHAPITRE 4 : Départ mouvementé

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Tiana était prête à exploser de rage. Si seulement, les gardes n'étaient pas arrivés à ce moment-là, l'équipage entier aurait pu être payé. Le Charon aurait pu avoir ses pièces de rechange et tout se serait passé dans le plus grand des calmes. Sans le moindre souci pour eux. Mais au lieu de ça, tout était parti en vrille : des membres des forces de l’ordre de Fair Heaven, affiliées à l’Alliance, avaient pénétré dans le Kyben et paralysé les vigiles de Bradock. Mais surtout, ils avaient été à deux doigts de leur mettre la main dessus.

Comment pouvait-elle savoir que l'Alliance aurait mis un traceur dans la cargaison du croiseur ? Bradock lui-même l’ignorait alors que c’était lui le soi-disant marchand auto-proclamé d’informations et de biens volés...

Bien entendu, ce crétin avait rejeté la faute sur Tiana et son équipage, les accusant de vouloir “couler son business”, alors que justement, c’était ce genre de travail qui permettait à la pirate de gagner sa vie.

Finalement, la seule once de chance pour Fry et Daniels dans cette affaire avait résidé dans l’initiative de Seilah. Cette dernière avait pressenti l’arrivée des gardes de l’Alliance quelques minutes avant qu’ils n’investissent le club, et avait placé la Hover-Car près de la sortie arrière du bâtiment. Mais cela n’avait pas suffi à l’équipe de terrain qui était maintenant poursuivie par les équipes motorisées. Par chance, la capacité de lévitation du véhicule de Tiana lui permettait de se faufiler à des endroits bien plus difficiles d’accès pour ceux qui le talonnaient sans pour autant que cela soit suffisant pour les semer définitivement.

Alors que Daniels et Seilah criblaient les véhicules de poursuite derrière eux d’impact de tirs, Tiana attrapa le communicateur fixé à sa ceinture et le déplia pour contacter Tooms, qui, par chance, était revenu à son poste sur la passerelle. Il était hors de question que l’Alliance leur mette la main dessus.

— Tooms ! Fais chauffer les moteurs ! beugla-t-elle pour couvrir le bruit de l’air qui lui cinglait le visage et des détonations dans son dos. On a besoin d’un extraction dès que possible !
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a eu un problème ? demanda le timonier, affolé par les bruits qu’il entendait en fond.
— C’est pas le moment pour en parler. Je t’expliquerai tout dès qu'on sera en vol !
— Tu préconises quoi comme approche, Boss ?
— À ton avis...

La réponse de Fry ne surprit pas spécialement le pilote qui s’attendait à ce qu’elle fasse une fois de plus confiance à sa chance. Mais en entendant la voix anxieuse de sa Capitaine, Tooms était certain que quelque chose de grave s’était produit. Il enfonça brutalement le bouton de l’intercom et s’égosilla dans le microphone :

— Mei, lâche tout ce que tu fais et donne moi un maximum de puissance sur les moteurs et les boucliers ! Tiana et les autres sont dans de sales draps ! Et prépare-toi à faire fonctionner ta magie ! On va en avoir besoin ! Et pour les passagers, accrochez vos ceintures ! Ça risque de secouer sévère !

Le timonier était conscient qu’il en demandait peut-être beaucoup à la mécanicienne, mais il savait pertinemment qu’elle en était capable. Ce n’était pas comme s’il avait demandé tout ça à une débutante. Non, il donnait des ordres à Mei qui était un vrai petit miracle d'ingénierie à elle seule et en qui il avait une confiance aveugle pour ce qui concernait les systèmes de ce vaisseau. Et le timonier ne se trompait pas : après quelques instants, un voyant vert sur la console de pilotage signala que les moteurs étaient prêts à être démarrés.

Aux commandes du cargo, Tooms déclencha l’allumage des fusées latérales qui permirent au cargo de s’élever de quelques dizaines de centimètres. La porte de la soute étant toujours ouverte cependant, celle-ci racla sur le sol dans un gémissement métallique particulièrement désagréable. Le bruit attira l’attention de la foule qui s’enfuit en courant.

Tiana était aussi en vue de la cale béante du Charon et s’y engouffra sans prendre le temps de freiner. Heureusement pour elle, un filet y était sans arrêt étendu pour ralentir sa course. Les gardes de Fair Heaven étant à quelques dizaines de secondes de distance, Fry s'extirpa du véhicule aussi vite que possible et se dirigea vers la passerelle tandis que Seilah se jetait sur le bouton de fermeture de la soute. Daniels, lui, s’empara de son fusil et se prépara à faire tomber sur ses ennemis une pluie de lasers.

Passant par le mess, la Capitaine rencontra trois personnes qu'elle ne connaissait pas : deux hommes et une femme, à qui la Capitaine jeta à peine un regard. Elle n'avait pas le temps de se poser des questions. La priorité était de s'échapper de Fair Heaven et il était certain que ça n'allait pas être de tout repos.

Fry arriva rapidement dans le dos de Tooms qui regardait toutes les silhouettes holographiques que son tableau de bord lui affichait. La Capitaine demanda alors ce que son pilote avait en tête :

— Tu penses la jouer comment ?

Le timonier ne répondit pas. En effet, un signal sonore strident résonna dans l’habitacle : l’un des tirs des gardes avait réussi à toucher le fuselage latéral du vaisseau et à y faire un trou. Quelques peu affolée, Fry se jeta sur l’intercom pour demander à Mei comment un tir avait pu passer à travers les boucliers.

— Mei, on a une brèche sur le fuselage. Comment c’est possible ?
— C’est la partie qu’il fallait qu’on remplace avec les nouvelles pièces que tu m’avais promises. expliqua la jeune Azrienne. Je peux juste essayer de couper l’arrivée de carburant sur le moteur en question pour éviter que ça prenne feu.

Entendant les explications de Mei, Tooms fit pivoter l’énorme masse du cargo de manière à ne plus faire face aux agresseurs. Il augmenta la puissance des fusées latérales alors qu’un autre signal lumineux indiquait que la porte de la soute était enfin hermétiquement verrouillée. Un épais nuage de poussière opaque enveloppa alors toute la plate-forme, dissimulant le vaisseau aux yeux des gardes qui ne voyaient presque rien.

Dans le cockpit du Charon, Fry reprit alors les choses en main et donna un autre ordre à sa mécanicienne :

— Gamine, active ton écran d'invisibilité ! Maintenant !

Les forces de l’ordre entendirent l’intensité du ronflement des moteurs du vaisseau augmenter et tirèrent sans la moindre sommation là où aurait dû se trouver le cargo, mais sans succès : le vaisseau de Tiana avait déjà disparu.

Pour le Charon, désormais invisible, il était facile de se frayer rapidement un chemin entre les différentes unités aériennes appelées en renfort : une myriade de chasseurs patrouillait le ciel, à la recherche de la moindre trace du cargo. Mais l’invention de Mei avait encore fait des merveilles.

Quelques minutes plus tard, les signaux radio interceptés par Fry indiquaient que toute trace du Charon avait été perdue. Entendant ces nouvelles, le pilote reprit enfin son souffle et sortit un chiffon pour s’éponger le visage et le cou qui ruisselaient de transpiration.

— Franchement, on a eu chaud sur ce coup-là. déclara-t-il. Qu’est-ce qui s’est passé avec Bradock ?
— Un mouchard dans la cargaison. Je pense qu’il était destiné à des gens comme nous, pour remonter à la tête du réseau de contrebande.
— Et Bradock n’en savait rien ? C’est bizarre pour quelqu’un comme lui…

Tiana haussa les épaules alors que de l’autre côté de la verrière du cockpit le bleu du ciel se muait en noir, celui du vide intersidéral. La Capitaine réfléchissait à un nouveau plan d’action car elle savait que les crédits allaient bientôt se faire rares et qu’elle allait avoir besoin d’une nouvelle mission.

— Bon, direction la Bordure. ordonna-t-elle. Il faut mettre le plus de distance entre nous et les territoires de l’Alliance pendant quelque temps.

Fry se leva, laissant le commandement temporaire à son second, avant de se retourner vers lui :

— Et ces nouveaux passagers ? demanda Fry à brûle-pourpoint. Tu les sens comment ?

Le pilote passa une main dans ses cheveux frisés : il était apparemment gêné.

— Et bien… Comment te dire…? Tu devrais aller les voir. D’ailleurs, le vieux médecin voulait te voir.

Le Capitaine se dirigea donc vers le mess, la pièce centrale du vaisseau qui servait autant de lieu destiné aux repas que pour les réunions pour tout l’équipage. C’était par ailleurs la plus conviviale de tout le Charon. Fry y retrouva alors les trois inconnus qui semblaient s’interroger sur ce qu’il venait de se passer et put enfin les regarder en détail : un vieil homme qui semblait être l’archétype du retraité fatigué par tout ce qu’il avait pu vivre mais qui, malgré tout, voulait rester actif et qui semblait assez charismatique. Il était accompagné par deux jeunes gens qui semblaient d’une même classe sociale, celle des gens fortunés. La femme semblait un peu plus jeune que l’homme, qui fuyait le regard inquisiteur de Fry.

Voyant que les passagers ne savaient pas comment réagir à la suite des événements qu’ils venaient de vivre, elle leur présenta ses excuses :

— Désolée pour ce départ mouvementé de Fair Heaven. On a eu quelques problèmes avec les forces de l’ordre. Et je suis la Capitaine de ce vaisseau, Tiana Fry.
— Vous êtes des contrebandiers, c’est ça ? accusa le jeune homme.

L’ancienne militaire se tourna vers lui et le regarda de haut en bas, le regard mauvais : une chevelure châtain bien coiffée, un costume de très bonne facture et pas la moindre trace de saleté. Pas le moindre doute, c’était un bourgeois qui n’aimait pas se salir les mains. La jeune femme qui l’accompagnait se mit alors en avant, essayant de le protéger : Fry la détailla elle aussi et ne put voir qu’une autre bourgeoise qui portait pour sa part une robe turquoise et de longs cheveux bruns qui lui arrivaient jusqu’en bas du dos.

— Veuillez excuser l’attitude un peu brusque de mon frère. implora-t-elle. Il n’a aucun tact parfois, mais il n’est pas méchant. ajouta-t-elle en tendant la main vers Tiana pour la serrer. Je m’appelle Sarina et voici Ethan.

Al’ étant à l’écart, Fry se tourna vers lui pour qu’il se présente également :

— Et vous êtes ?
— Docteur Alistair Gun, médecin à la retraite.

Tiana leva un sourcil interrogateur : elle se demandait pourquoi un médecin prendrait part à un voyage sur un cargo. Mais surtout ce qui l’intriguait c’est que, pour un simple passager, il ne semblait pas particulièrement stressé par les événements dont il avait été le témoin. Bien au contraire, il était étrangement paisible.

C’est à ce moment-là que Tooms fit irruption dans la pièce, et qu’il nota la tension entre toutes les personnes présentes :

— Ah, je vois que tu as eu le temps de faire connaissance avec tout le monde. dit-il. Y compris ma soeur et son frère.
— Ta soeur ? répéta Tiana, incrédule.
— Demi-soeur, pour être plus exact. expliqua Tooms. Mais c’est du pareil au même...
— Ash ! intervint Sarina, en souriant. Arrête un peu d'embêter ta Capitaine. Elle n'a pas forcément besoin d'entendre tout ça.

Réalisant qu’elle n’avait jamais entendu le prénom de son second, Fry ouvrit des yeux exorbités :

— Ash ? répéta-t-elle une nouvelle fois. Tu t'appelles vraiment Ash ?
— Oh, arrête un peu, Capitaine ! répliqua-t-il en levant les yeux au ciel. C’est pas un secret. Et tu l’aurais su si tu m’avais demandé. Au lieu de parler de ça, tu devrais plutôt demander à Jack ou Seilah de leur faire faire le tour du propriétaire, et toi, me rejoindre sur la passerelle. Faut qu'on discute de la suite des opérations.

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