CHAPITRE 3 : Relations publiques

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Peu après le départ de Fry, Seilah et de Jack, la jeune Azrienne s'était installée devant la soute de l'appareil. Elle avait eu l'ordre de proposer le Charon comme vaisseau de transport de passagers à destination de systèmes éloignés contre une forte rétribution. La jeune alien n’avait pas compris, du moins au début, puis en y réfléchissant, elle s’était dit que celle qui les commandait s’était imaginé qu’elle aurait besoin d’un petit bonus en plus des crédits que lui auraient rapportés les deux caisses de lingots.

Afin d’y parvenir, Mei avait donc dressé un véritable stand devant la soute béante du Charon, avec notamment un écriteau holographique qui lévitait à quelques mètres du sol, et une simple chaise qu’elle avait dépliée. Elle regardait passer les différents bouseux du coin, mêlés aux voyageurs qui naviguaient au milieu de la foule, allant d'un transport à l'autre, et espérant rester sur la surface de Fair Heaven le moins de temps possible.

Elle s'était dit que Tiana avait fait une erreur en lui demandant de servir de “tête d'affiche” pour le Charon. Surtout elle, alors que quelqu'un de plus ouvert et plus séduisant, comme Seilah, aurait mieux convenu. Quoique peut-être pas... Son allure aurait pu en effrayer certains : les humains étaient en effet facilement impressionnables, notamment par tout ce qui pouvait se rapprocher des images diaboliques de leurs légendes et mythes. Pas facile donc de charmer quand on est affublé d’une paire de cornes.

Les Azriens, quant à eux, étaient également des aliens humanoïdes, mais possédaient des caractéristiques félines, comme une longue queue, des griffes acérées et des canines supérieurement développées, ainsi qu’un odorat extrêmement fin. Nul besoin de dire que la situation était compliquée pour la mécanicienne avec les nuages de poussière déplacés par toute la foule des alentours.

Pourtant elle s’était fait violence : “pour séduire de gros richous…”, s'était-elle dit, “... il va falloir que j'en impose et avec classe.”

Ainsi, Mei s’était changée et avait troqué son habituelle salopette de mécanicienne pour un costume beaucoup plus formel : un chemisier blanc au col dentelé par-dessus lequel la petite Azrienne avait mis une veste sombre ; une jupe rouge ainsi que des petites chaussures, également sombres. Et dans sa chevelure d'un blanc immaculé qui, pour une fois, était bien coiffée, sa mèche rebelle était maintenue par une simple barrette. En un mot, pour ceux qui la connaissaient dans la vie de tous les jours, elle était méconnaissable.

Tooms, qui s’ennuyait seul sur la passerelle du cargo, était venu la voir et n’en crut d’ailleurs pas ses yeux :

— Et bien, tu en jettes, Mei ! s’exclama-t-il en voyant l’Azrienne, qui rougit face à ce compliment.
— Arrête Tooms, c’est gênant.

La jeune femme était si mal à l’aise qu’elle fixa le bout de ses souliers qui étaient déjà recouverts d’une fine couche de poussière ocre. Le timonier, lui, la regardait avec un sourire malicieux. L’alien le poussa gentiment vers l’intérieur du vaisseau :

— Va-t’en, tu vas faire fuir les clients avec ton regard de psychopathe.
— Oh, crois-moi, avec toi pour les attirer, c’est pas près d’arriver. Ils vont être sous ton charme.

Écarlate, Mei se contenta de le pousser plus fort alors qu’un premier client se présentait et redescendit rapidement pour observer son interlocuteur qu’elle salua d’un rapide “Bonjour”.

L’homme était sale et barbu. Mais le pire c’était qu’il empestait l’alcool à plein nez, effluves qui étaient déjà particulièrement désagréables pour un odorat humain et qui étaient horripilants pour celui des Azriens. Malgré cela, elle lui offrit son plus beau sourire avant de lui proposer les tarifs. Toutefois, il était évident que quelque chose clochait.

— Vous êtes une alien, non ?
— Exact.
— Alors c'est mort ! Jamais je monterai dans ce tas de ferraille ! s’emporta alors le type, en gesticulant dans tous les sens.

L’homme se mit alors à tituber pour se retrouver sur la chaussée qui passait juste devant la plate-forme d’atterrissage, juste au moment où un véhicule de chargement roulait, droit sur lui, à tombeau ouvert, menaçant par la même occasion d’écraser toute personne se dressant sur son passage.

Un vent de panique le précéda et plusieurs personnes se jetèrent de côté pour éviter le véhicule. Mais l’ivrogne, lui, n’avait pas les réflexes nécessaires. Il était certain qu’il allait terminer écrasé. D’instinct, Mei se jeta sur l’alcoolique et le plaqua en dehors de la trajectoire de l’attelage.

Choqué, le sac-à-vin se releva péniblement, tant à cause de la puissance déployée par Mei que par le nombre de bouteilles de liqueur ingurgitées. Il vit à ses côtés la jeune alien qui se remit rapidement debout, en époussetant ses vêtements du revers de la main. L’Azrienne eut un geste amical vers celui qu’elle avait sauvé afin de l’aider à se lever. Pourtant, l’émotion qui se lisait sur son visage n’était en rien de la gratitude :

— Je le savais ! Tu n’es qu’une sale raclure d’alien ! Tu as essayé de me tuer ! s’écria-t-il en la pointant du doigt. Vous avez vu, elle a essayé de me tuer ! Elle est dangereuse !

Parmi la foule qui grossissait tout autour des deux adversaires, un homme d’un certain âge, qui passait par là et qui avait vu toute la scène, entendit les propos de l'homme et s'interposa. Il le prit par le bras et chuchota d’un ton plus que menaçant :

— Écoute, mon gars. Je te conseille de débarrasser le plancher, à moins que tu veuilles aggraver ton cas. Cette jeune femme a simplement proposé son vaisseau pour le voyage et tu devrais la remercier d’avoir bien voulu mettre sa propre vie en jeu pour sauver ta peau d’ingrat. Si ça ne te convient pas, passe ton chemin. D'autres transports, parmi ceux affrétés par l'Alliance, sont uniquement gérés par des humains. Mais surtout, ne t’avise pas de rejeter tes propres fautes sur les aliens en ma présence.

À la fois dégoûté et effrayé par l’inconnu qui avait fait irruption, l'autre tourna les talons, non sans avoir craché en direction du Charon.

Le vieux se tourna alors vers Mei et lui lança un sourire radieux. Il ne fut pas surpris de voir la jeune femme encore choquée par les événements. D’une voix rassurante, il essaya de la réconforter :

— Je suis désolé pour lui. s'excusa-t-il. Parfois, on fait tout pour plaire et pourtant, ils n'ont que le mot “race” à la bouche. Je les plains vraiment de ne pas voir plus loin que le bout de leur nez. Mais veuillez me laisser me présenter : je suis le Docteur Alistair Gun. Mais vous pouvez m'appeler Al’. ajouta-t-il en retirant son chapeau.

La jeune Azrienne qui était au bord des larmes intériorisa sa douleur et après quelques instants tourna son regard vers le médecin. Assez grand, avec des cheveux bien coupés et une barbe tout aussi grisonnante que ceux-ci, l'homme portait un long manteau beige qui dissimulait en grande partie le reste de sa tenue mais il n'en restait pas moins élégant. Ses yeux rieurs fixaient la jeune femme derrière des lunettes à fine monture métallique. Il tenait à la main une imposante valise.

— J'ai cru comprendre que vous partiez vers d'autres contrées. Aussi, je prendrais bien place à bord. Je suis à la retraite depuis quelques mois et j'avoue que les systèmes de l'Alliance m'ennuient. expliqua Al’. Cela est-il possible ?

La jeune femme ne répondit que par un hochement de tête affirmatif et pointa du doigt l'écriteau qui lévitait toujours près de l’entrée de la soute et sur lequel était inscrit l’unique tarif à la journée. Le retraité, en prenant connaissance, sourit chaleureusement à l'Azrienne, qui, épuisée par la succession des événements, s'effondra lestement sur sa chaise.

Tooms, qui venait de passer, vit la scène et s'inquiéta aussitôt de l’état de sa camarade.

— Mei, ça va ?

Mais ce fut le médecin qui répondit, arrêtant le pilote dans sa course pour le mettre au parfum :

— Non, ça ne va pas, monsieur…
— Moi c’est Tooms. Et vous êtes ?
— Docteur Al’ Gun. Votre amie a été confrontée à l’un des pires vices de notre monde : la stupidité.

À mesure que le vieil homme continuait son récit, le teint du timonier prit une teinte de plus en plus cramoisie. De rage, Tooms se mit alors à boxer la paroi métallique de l’entrée de la soute.

— La prochaine fois qu’un connard dans ce genre-là lui sort un truc comme ça, je vous jure que je le dessoude ! hurla-t-il, déclenchant par la même occasion les pleurs de Mei, qui courut se cacher dans les entrailles du Charon.

— Vous pensez qu’elle ira bien ? s’inquiéta Alistair alors qu’il ne distinguait déjà plus le dos de la jeune femme.
— J’espère. Elle est forte, mais les insultes à son égard sont jamais aussi claires. D’habitude, c’est plutôt des regards mauvais ou des murmures. Là, c’était beaucoup plus violent...
— J’ai vu ça. Le Capitaine est-il là ? J’aimerais me présenter à lui.
— Non, elle est partie faire une course en ville. Elle devrait revenir bientôt.

Tooms était en effet dans le vrai car déjà des bruits de moteur venaient dans leur direction. Fry, Seilah et Daniels étaient de retour et ils n'étaient pas seuls : un nuage de poussière s’élevait, signe qu’un ou plusieurs véhicules étaient à leur poursuite.

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