5 - Le 4 septembre (1/3)

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Une semaine s’était écoulée depuis sa rencontre avec Monky, l’elfe de maison, et Édouard comptait les jours qui le séparaient de la rentrée dans sa nouvelle école. Mme Vittel, qui s’était finalement remise de l’altercation de la cuisine avec une grosse bosse sur la tête, ne lui avait toujours pas adressé la parole. Elle lui avait juste informé qu’une bande de zigotos disant appartenir à un gouvernement bizarre leur avait rendu visite pendant qu’il était au marché des sorciers afin de réparer les dégâts causé par l’elfe.

« Ils sont arrivés avec des costumes louches et ils nous ont parlé avec des mots qui n’existent même pas dans la langue française, on aurait dit une secte ou je ne sais quoi » avait-elle critiqué en espérant qu’Édouard prenne conscience qu’il ne fallait pas qu’il rejoigne ce monde de barjos.

En réalité ces gens étaient des sorciers venus expliquer à la famille Vittel qu’Édouard serait pris en charge par le gouvernement de la magie et qu’ils ne devaient pas se soucier de leur fils à la seule condition qu’ils gardent le secret sur le monde magique et qu’ils acceptent de récupérer leur fils a la fin de l’année scolaire. Mme Vittel ne l’a jamais avouée à Édouard mais elle a accepté les conditions et préparer les mensonges qui expliqueraient aux voisins pourquoi il n’a pas rejoint le collège où était scolarisé Ludovic.

« On leur dira que tu as rejoins l’internat d’un centre spécialisé pour enfants en difficultés scolaire sur Angers. » avait-elle dit à Édouard à son retour des achats.

En attendant, Édouard devait encore passer quelques jours à Saint Clément sur Oudon au sein d’une famille qui l’ignora totalement. M. Vittel, qui ne parlait déjà pas beaucoup, resta totalement indifférent à cette histoire et préféra se diriger au travail sans faire de bruit et revenir très tard le soir afin de ne pas avoir affaire à Édouard.

Ludovic, lui, se tenait très éloigné de son petit frère, ce qui n’était pas pour lui déplaire, car il avait peur de se retrouver transformé en pot de fleur après sa mésaventure de la cuisine.

Mais la situation la plus difficile était celle imposée par Mme Vittel qui décida de ne plus s’occuper d’Édouard. Elle était encore plus distante avec lui que lorsqu’elle essaya de lui cacher ses lettres. Elle ne voulait pas se retrouver dans la même pièce que lui et préférait l’éviter, ce qui ne gêna aucunement Édouard, au contraire.

A présent, il préparait lui-même ses repas, lorsque tout le monde avait déjà finit de manger et s’était installé devant la télévision. Cela ne le dérangea pas non plus puisqu’il trouva sa cuisine largement plus mangeable que les steaks caoutchouteux de sa mère.

Le reste du temps, Édouard ne s’ennuyait plus, du moins, moins qu’avant. Certes il restait cloitré dans sa chambres, il pouvait néanmoins lire pratique de protection à la magie noire ou encore maniement de la baguette magique, sortilèges et enchantement de base qu’il avait acheté au marché des sorciers. Ces livres le passionnaient et il avait hâte d’être en cours pour apprendre des sortilèges ou se défendre contre ses ennemis.

Souvent, il sortait sa baguette et la contemplait pendant des heures. Il s’imagina jeter des sorts à Kevin ou Ludovic pour se venger de tous les malheurs qu’ils lui ont fait subir et il vit tout le monde le regarder avec jalousie devant ses pouvoirs magiques.

Mais il se rappela aussitôt du dernier conseil de Monky qui lui interdisait d’utiliser la magie avant d’entrer à l’Académie sous peine d’être sévèrement punit, voir même renvoyé ! Édouard n’avait aucunement l’intention de se faire renvoyer dès la rentrée, alors, il rangea soigneusement sa baguette en attendant le jour où il pourrait enfin l’utiliser.

Quand il ne fixait pas sa baguette du regard, Édouard essaya et réessaya sa tenue de soirée qui lui allait à merveille. En y repensant, il s’agissait de sa première tenue neuve jamais portée par quelqu’un d’autre auparavant. Pour lui, c’était quelque chose d’exceptionnelle.

Il revêtit aussi sa cape noire et son chapeau pointu en se prenant pour Merlin l’enchanteur. Il essaya tous ce qu’il avait acheté, toucha à tout, testa tout… Avec son télescope, il put même voir Ludovic traîner avec sa bande dans le parc derrière l’avenue du roi Ubu.

Mais son plus bel achat fut sans conteste, Panache, son hibou. C’était sa première et unique compagnie qu’il n’a jamais eu. Il passa des heures entières à caresser son plumage dépareillé et il le laissa s’envoler chaque soir pour qu’il ramène un mulot ou une souris morte dans le bec, au milieu de la nuit.

Le jour tant attendu arriva enfin et Édouard prépara soigneusement ses bagages. Il dissimula ses horribles lunettes au fond de sa malle rétrécissant afin que personne ne puisse les voire et plaqua sans cesse son épi rebelle avec sa main. Il voulait avoir l’air irréprochable pour ne pas qu’on se moque de lui dès le premier jour d’école.

« le premier regard, c’est important quand on veut se faire des amis, se répétait-il devant le miroir. »

Malgré tout, Édouard trouva que c’était une journée comme les autres car tout le monde l’ignora lors du petit déjeuné. Mme Vittel était trop occupée à préparer les affaires de Ludovic qui allait entrer en 5ème pour remarquer le sourire rayonnant d’Édouard. M. Vittel pensait beaucoup trop à son arrivage d’abat-jour du Chili pour se soucier du départ d’Édouard.

Son rendez-vous au 21ème arrondissement de Paris n’était prévu qu’à dix-neuf heures, il ne lui restait donc plus qu’une journée à supporter ses parents. Les minutes défilaient difficilement et Édouard eut l’impression que quelqu’un avait trafiqué les pendules pour retarder l’heure du départ.

« Et si c’était vrai ? » pensa-t-il soudainement.

Et si ses parents avaient délibérément reculé l’heure de toutes les pendules pour qu’il arrive en retard à l’Académie ? Il serait immédiatement renvoyé et Mme Vittel serait heureuse de voir Édouard retrouver « le droit chemin » au collège de son frère.

Mais en regardant la pendule de l’église de sa fenêtre, il fut soulagé de se dire que ses parents ne pouvaient pas modifier l’heure de toutes les pendules de la ville… Un sorcier le pourrait-il ? s’imagina-t-il en pensant à un vieil homme barbu au chapeau pointu s’amuser à reculer les horloges des mairies et des églises de la région en agitant sa baguette magique.

Finalement, l’heure était venue de partir et Mme Vittel préféra conduire elle-même Édouard au moins jusqu'à la gare d’Angers pour prendre un train pour Paris.

  • Je ne veux pas qu’on te voit prendre un train pour Paris à la gare de St Clément alors que tu es censé étudier à l’internat à Angers, avait-elle sortit pendant le trajet. Que penserons les autres ?

Le trajet en voiture fut long et silencieux. Mme Vittel laissa Édouard avec sa malle de la taille d’une boîte à chaussure et une cage avec un hibou au plumage en bataille qui hululait paisiblement devant l’entrée de la gare. Pas un « au revoir » ni de « bonne année scolaire » ou « travaille bien à l’école » juste un « on se retrouve ici en juin » froid et sec.

Ainsi, Édouard se retrouva seul, livré à lui-même avec un hibou dans les bras. Tout le monde le regardait avec curiosité tandis qu’il attendait son train pour Paris-Montparnasse. Il est vrai qu’avec Panache comme animal de compagnie, on le regardait un peu de travers.

Le trajet jusqu'à Paris se déroula sans problème, il retrouva facilement la boutique de chaîne de vélo qui masquait l’entrée du métropolitamagie et finalement, il se retrouva au beau milieu de la station Calysthènes dont la sortie était le point de rendez-vous pour prendre les carrosses qui menèrent à l’Académie.

La sortie du métropolitamagie donnait directement sur une grande place au cœur du 21ème arrondissement portant l’inscription « place de Calysthènes ». C’était une place immense, semblable à une piste d’atterrissage. Les pavées dont elle était garnies étaient inondée par la lumière des lampadaires. Édouard dut se cacher les yeux quelques secondes avant de s’habituer à toute cette clarté.

Il fini par remarquer tout un groupe d’élèves rassemblés sur un trottoir face à la place. Il se dirigea naturellement vers eux, la malle sous le bras et Panache dans l’autre main. Il sentit ses jambes trembler devant autant d’inconnus. Il resta muet comme une taupe pour ne pas se faire remarquer et s’isola, seul dans un coin.

Dans l’euphorie des retrouvailles, tout le monde discutait en se racontant leur meilleur moment de l’été. Édouard eut l’impression que tout le monde se connaissait déjà et qu’il était le seul a ne pas avoir de compagnie. C’était frustrant mais il profita de ce moment de solitude pour se changer et revêtir sa tenue de soirée.

Édouard était complètement paralyser de voir que tous ces élèves semblaient déjà se connaitre. Les plus âgés étaient très impressionnant, ils semblaient tous mesurer deux mètres de hauts et Édouard n’osait pas s’en approcher. L’immense tour qui faisait office de pendule sonna 19h00 et le soleil commençait à disparaitre à l’horizon. Presque quelques secondes plus tard, un jeune élève s’écria.

  • Les voila !

Instantanément, tout le monde orienta son regard vers le ciel et lorsqu’Édouard réagit, il vit fondre sur la foule une trentaine de carrosses bleus étincelants tirés par d’immenses chevaux ailés couleurs d’or aux yeux flamboyants. Certains élèves de 6èmes, qui n’avaient jamais vus ses créatures de leurs propres yeux s’exclamèrent.

  • Des Abraxans !

Ainsi, lorsqu’ils atterrirent, Édouard comprit pourquoi la place était si imposante. En effet, il fallait de la place pour pouvoir accueillir tous ces énormes carrosses et leurs montures. Tous le monde se rua aussitôt vers eux afin de trouver une place confortable et Édouard, qui n’avait pas encore sortit un mot à un autre élève, se dirigea, mal à l’aise, vers l’un des carrosses en espérant qu’il reste de la place, ou mieux, qu’il soit totalement vide.

Manque de chance, il ne restait qu’une petite place ridicule au milieu d’un groupe de Lycéens qui semblaient se connaitre depuis leur entrée en 6ème. Édouard s’installa sans se faire remarquer et personne ne détourna le regard pour l’observer. Il était passé totalement inaperçu, ce qui n’était pas plus mal.

Soudain, le somptueux carrosse trembla puis s’éleva dans les airs sous l’impulsion du puissant Abraxan à la robe palomino qui le tirait. Surpris, Édouard s’agrippa à la poignée de la portière en retenant son souffle. Fort heureusement, personne ne remarqua son angoisse et aucun des Lycéens n’a sursauté lors de l’envol de la créature titanesque.

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