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A cet instant, ce n’était plus cette vision enchanteresse de l’hôtel qu’elle avait eu en arrivant ; les qualificatifs auxquels Cristina pensait, étaient plutôt lugubre et effrayant. Acroupie, adossée contre l'un des arbres de l'autres côté de la passerelle, la tête dans les mains, Cristina tentait de reprendre ses esprits. Une brume s’élevait de la rivière venant envelopper le pieds des arbres. L’atmosphère inquiétante s’en trouvait renforcée.

« Et si ça n’avait été que mon imagination ? ! ». Seulement ce rêve qui lui avait semblé si réel lorsqu’il l’avait tirée de son sommeil, ne lui avait laissé pas le moindre souvenir de son contenu, comme souvent. Ormis ce grogmement abominable qui lorsqu'elle avait ouvert les yeux de terreur, retentit à nouveau. Dirigeant son regard vers la source de ce son, elle rencontra deux yeux assoifés qui la fixaient. Cette chose ne lui avait laissé d’autre échappatoire que de bondir hors de son lit, de se ruer hors de la chambre et de quitter cet endroit au plus vite...

Mais, elle y avait laissé tous ses effets personnels… Il fallait donc y retourner.

Elle se releva péniblement laissant glisser ses mains sur le tronc puis se retourna et posa son front contre l'écorce, ses mains de part et d'autre de sa tête. Elle se répéta plusieurs fois qu’il n’y avait rien de réel, que ce n’était qu’un rêve. Lentement, elle se pencha espérant que la brume ne lui masque pas tout du chemin qu'elle allait devoir refaire pour regagner sa chambre. Rejoindre plutôt la réception, il lui fallait de l'aide. Enfin un peu de bon sens.

L’hôtel était plongé dans le noir. Seule la clarté de la lune, tantôt présente, tantôt masquée par les nuages, faisait apparaître et disparaître le relief de la façade. Ainsi on distinguait plus ou moins la porte par laquelle elle s’était échappée plus tôt, toujours ouverte. Elle se tenait là, interdite. Comment un lieu pouvait passer d’une atmosphère si paisible et réconfortante à aussi épouvantable... La chair de poule la gagnait plus encore, mais pas de celle qui n’était présente que sur la peau. Celle-là remontait le long de la colonne vertébrale, elle était désagréable, très désagréable…

Machinalement elle croisa les doigts pour que ce qu’elle pensait soit vrai et s’engagea sur la passerelle. Ses pas n’étaient pas assurés, elle progressa lentement. Le bruissement de l’eau, sous elle, la hérissa car elle ne savait pas si ce bruit était uniquement celui de la Lizaine…

Un craquement lugubre surgit de nulle part.

Elle se retourna car devant elle, il n’y avait rien, elle ne voyait rien. Elle continua à progresser à reculons et ses chevilles nues butèrent rapidement contre les quelques marches qui menaient à la terrasse, ce qui lui fit perdre l’équilibre. Cristina essaya de se rattraper à la rambarde et finit par retomber lourdement sur les escaliers. Elle se retourna, progressa tant bien que mal et posa ses mains sur la dernière marche afin de se relever. Elle y rencontra quelque chose de dur, de visqueux… Par réflexe, elle se rejeta en arrière et chuta sur la passerelle.

Un grognement sourd s’éleva du bord de la terrasse.

Le rythme cardiaque de Cristina augmenta si violemment que sa respiration devint courte et saccadée… Elle était complètement paralysée par la peur car cette fois, il n’y avait plus de doute, ce grognement sourd qui l’avait réveillée dans sa chambre et ces yeux meurtriers qu’elle avait vu dans la pénombre, tout cela était vrai. Elle avait d’abord pensé que son passé l’avait retrouvée, puis que c’était le propriétaire qui s’était introduit dans sa chambre et quand elle s’était enfuie, des pas lourds l’avaient suivie dans le corridor. Quand elle avait emprunté la passerelle, les pas s’étaient faits plus discrets sur la terrasse mais ils étaient toujours à sa poursuite.

Arrivée de l’autre côté de la berge, elle s’était réfugiée derrière un arbre, de façon à masquer sa présence à son poursuivant. Le silence était revenu, les pas arrêtés, seule l’eau continuait de s’écouler dans un murmure. Un peu comme si la passerelle était une limite à ne pas dépasser pour son agresseur… Et elle était restée là un temps certain, au pied de l’arbre, accroupie, son dos reposant contre l’écorce bien réelle.

Ce n’était pas un rêve !

Depuis combien de temps avait-elle patienté derrière cet arbre ? Une éternité lui avait-il semblé. Elle n’aurait pas été surprise de voir le jour se lever. Elle avait perdu la notion du temps. Elle leva les yeux vers le ciel, chercha les prémices des lueurs de l’aube mais rien n’apparaissait. Elle avait eu raison de fuir car la menace était bien là. Sa seule erreur avait été d’y retourner sans attendre l’aide précieuse du jour.

Et elle le savait à présent.

La lune se dévoila tout à coup après avoir été longuement cachée par des nuages, le « lion rouge », le lion aux pattes rougies par le sang se tenait là, imposant, prêt à fondre sur elle. Au travers de son esprit embrumé par la peur, elle comprit enfin pourquoi ce lieu portait le nom d’« Hôtel du Lion Rouge ».

Relevant la tête vers le lion, elle le vit descendant lentement les marches, là où Cristina se tenait quelques instants auparavant. Un grondement sourd accompagnait son déplacement. Il la fixa de ses yeux meurtriers et elle n’osa regarder ailleurs. Elle était tétanisée. Il fallait qu’elle se reprenne, qu’elle essaye de mettre de la distance entre eux. Sans le quitter du regard, elle progressa de quelques malheureux centimètres, ses pieds glissant sur le bois humide.

La lune s’étant masquée à nouveau, c’est dans la nuit qu’elle tenta d’échapper à cette chose sortie des tréfonds de l’hôtel. Le lion la cherchait et Cristina devait lui échapper car c’était sûr, s’il la trouvait, s’en serait fini pour elle.

Son esprit, encore embrouillé, réussit tout de même à se mettre en marche.

C’était l’instant ou jamais.

Elle réfléchit vite, mais très peu de solutions s’offraient à elle. Fuir en courant ne lui laissait que très peu de chance. Sauf si elle arrivait au bout de la passerelle avant que la bête ne soit sur elle comme elle l’avait déjà fait précédemment. Peu probable qu’elle réussisse par deux fois cet exploit. Il ne restait plus qu’une chose à faire : se laisser glisser dans la Lizaine, il ne la suivrait peut-être pas et pourrait probablement en réchapper.

Sa décision était prise : entre deux maux, il fallait choisir le moindre. Elle se redressa s’aidant des croisillons de la rambarde et l’enjamba du plus vite qu’elle le put. Elle sentit le souffle chaud du lion rouge sur ses jambes et une odeur fétide remonta à ses narines… Elle l’entendit humer l’air. Il fallait sauter avant qu’il ne soit trop tard.

Et elle se jeta à l’eau.

Sauvée… ?!

Peut-être…

Sa chute ne fut pas longue.

Son corps toucha rapidement l’eau glacée…

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