Quatrième photo

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Décidément, j’aime bien les photos en noir et blanc.

Celle-ci montre un harmoniciste en action. Pas de pose pour l’éternité, juste un harmoniciste en train de jouer, devant un micro. Sur scène, donc.

La première chose que je remarque, en voyant cette photo, c’est la grandeur des mains du musicien. Car il a des mains gigantesques ! Je recompte le nombre de phalanges de chacun de ses doigts, pour m’assurer que ce cliché n’est pas un trucage.

Sa main gauche enfourche l’harmonica, trois doigts de son autre main sont placés devant l’instrument, pour créer les effets sonores bien spécifiques à son jeu.

L’homme est âgé. Très âgé, même. Comme beaucoup de Noirs de son époque, il doit savoir de quoi il parle, quand il chante le blues.

Malgré tout, il est très élégant, comme à son habitude : costume, chemise blanche, boutons de manchettes, cravate, chapeau melon. Et son parapluie posé dans le repli de son bras gauche.

Il n’est pas très beau, avec son nez proéminent et les dents qu’il lui manque. Mais quel dandy ! C’était sans doute le plus élégant des bluesmen. Avec une impression de désinvolture, lorsqu’il se présente sur scène, qui fait souvent rire le public.

Son comportement n’était pas toujours aussi classe, malheureusement.

Originaire du Mississippi, né dans une plantation – vraisemblablement au tout début du XXème siècle – il est très influencé par les grands noms du blues des années 1930, dont Robert Johnson, avec qui il a joué et perfectionné sa manière de jouer de l’harmonica.

Redécouvert par les artistes anglais des années 1960, il a notamment joué et enregistré avec The Animals et The Yardbirds, le groupe d’Eric Clapton.

On disait qu’il ne se séparait jamais d’une flasque à whisky, d’un pistolet et d’un couteau. Pour attaquer ? L’homme était réputé colérique. Pour se défendre ?

N’empêche qu’il aurait pu en avoir besoin, pour se défendre, quand l’artiste dont il a usurpé le nom avait juré de lui faire la peau.

Quand même… Il y avait quand même mieux à faire, pour gagner en célébrité, que de prendre le nom de scène d’un concurrent et de faire croire que l’imposteur, c’était l’autre ! Imaginez un peu qu’un harmoniciste de 45 ans se fasse appeler Greg Zlap et qu’il crie sur les toits qu’il en a assez, de cet imposteur qui prend l‘accent polonais, pour faire croire qu’il est le vrai Greg Zlap !

En 1940, il a effectivement pris le nom d’un grand harmoniciste, qui a fait tout ce qu’il a pu pour empêcher cela. En vain. Il a fini par le lui pardonner, dit-on. On ne risque pas de le lui demander, aujourd’hui : il est mort assassiné en 1948, d’un coup de couteau.

Le plus ironique, c’est qu’il est effectivement devenu beaucoup plus célèbre que son aîné, jusqu’à sa mort, survenue en 1965.

Il s’appelait Alek Miller, mais on le connaît aujourd’hui sous le nom Sonny Boy Williamson. Pour ne pas le confondre avec l’artiste dont il a volé le nom, on a tendance à l’appeler aujourd’hui Sonny Boy Williamson II, comme s’il était le second d’une grande lignée de Sonny Boy Williamson.

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