Troisième photo

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Cette photo n’est pas vraiment en noir et blanc, c’est plutôt une photo sépia. Un détail extrait d’une photo plus large. Pour le coup, c’est un cliché instantané.

Le jeune bambin qui sourit sur cette photo respire la joie de vivre.

Bon, j’exagère un peu, quand je parle de « bambin » : cela fait longtemps qu’il n’est plus en culottes courtes. Mais il est quand même très jeune. Et il semble avoir conservé la joie de vivre et la spontanéité de l’enfance.

Un sourire large, tout en dents, illumine son visage. Les yeux en amande, plein d’espièglerie. On ne distingue pas, dans ses yeux rieurs, sa très mauvaise vue. On le surnommait « le hibou aveugle », tellement il y voyait mal.

Il arbore une coiffure très ample : ses cheveux ondulés retombent sur ses épaules.

Cela se pratiquait beaucoup, à cette époque. Car nous sommes dans les années 1960.

Il porte un T-shirt très bariolé, sans doute à la mode psychédélique.

En voyant cette photo, je ne parviens pas à m’imaginer comment on peut être à la fois aussi heureux et aussi désespéré. Désespéré par le fait que l’on coupât des arbres et détruisît des forêts entières. Ce n’était pas un écologiste à la petite semaine : il était capable de s’attacher à un arbre, pour éviter qu’on lui fît l’écorce.

Mais pourquoi s’être autant auto-détruit ? Pourquoi avoir consommé de la drogue ? Ses actions pour la protection de l’environnement et sa célébrité grandissante n'auraient-elles pas pu servir la cause qu’il défendait ?

Diplômé de musicologie à l’Université de Boston, chanteur, excellent guitariste, il jouait aussi du tampoura, une sorte de luth indien, proche du sitar, dont jouait George Harrison.

A l’instar des Beatles, il aimait explorer de nouveaux sons, qu’il mêlait au blues. Car c’est dans le blues qu’il aimait se plonger. Bien sûr influencé par l’homme qui pactisa avec le Diable et Son House, avec qui il enregistra.

John Lee Hooker, avec lequel il a enregistré un album, le présentait comme « le meilleur harmoniciste de la planète » ! Il était en effet très créatif, accordant parfois son petit instrument différemment – en lydien, plutôt qu’en mode majeur – pour obtenir d’autres sons, d’autres accords, d’autres effets.

Cinquante après, les jeunes harmonicistes sont impressionnés et inspirés par son jeu. Comment peut-on aujourd’hui être harmoniciste et ne pas connaître On The Road Again de Canned Heat ?

Notre jeune héros avait entamé une carrière qui aurait dû le mener au Panthéon de la Gloire.

C’est un peu le cas depuis cinquante ans, par les connaisseurs et les passionnés.

Mais quel gâchis…

Un talent gâché par la prise de drogue. On l’a retrouvé dans son sac de couchage, en forêt. Une overdose. Lui aussi a rejoint le tristement célèbre Club des 27.

Il s’appelait Alan Wilson.

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