Chapitre 17

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Attention thématique très dure à venir ! 
TW : accouchement difficile, perte d'enfants

Chapitre 17

Les coïts étaient réguliers et son corps fatigué. Il devait trouver de l’énergie, il devait limiter les fuites et travailler, un peu plus dur encore pour produire du lait. Plus de lait. Beaucoup plus. De meilleure qualité. Le meilleur des laits. C’était comme une idée fixe et ce fut ce qui le décida à affronter sa première ponte.

Les œufs qui avaient été implanté en lui pour pousser son corps à croire à une grossesse lui coûtait de l’énergie. Pour les expulser, il existait fondamentalement deux ou trois méthodes. La première, la plus douce peut-être, était de déclenché un accouchement. Un simple gaz pour convaincre le corps qu’il était temps et il les chasserait de lui-même de son antre à travers la modification de sa paroi puis de grandes contractions. La seconde méthode plus brutale, consistait à ouvrir la matrice pour y injecter autre chose, de la semence, un liquide quelconque, peu importait. La pression chassait les œufs qui se précipitaient par l’ouverture. Les contractions étaient moins nombreuses, moins violentes, mais la matrice était profondément lésée et demandait un petit temps de repos tout en conservant une fragilité. La troisième méthode ne demandait pas une déchirure importante mais la manipulation était particulièrement lourde. Une machine, parfois une main, allait saisir les œufs un par un, jusqu’au plus profond de la matrice après une ouverture progressive. C’était surtout pratiqué lorsque les contractions étaient trop faibles ou le corps, trop fatigué. Etrangement, avec les méthodes de soins, c’était souvent la solution la moins traumatique sur le long terme.

Comme chacun à ce stade, il avait dû choisir ce qu’il préférait comme s’il y avait une bonne solution, comme s’il y avait la moindre chance qu’il le vive bien. Tout en caressant son ventre rond, il se répéta que ce n’était que des machines, des œufs factices, ce n’était pas des petits, ça n’avait même rien à voir quoiqu’en pense son corps.

Lorsqu’il se sentit près, il inhala le gaz qui provoquerait un accouchement des plus naturels. Il avait choisi cette méthode pour la première ponte tout en sachant pertinemment qu’il devrait sans doute en vivre une seconde et une troisième, à moins qu’il ne parvienne à convaincre l’Akoutie dans les jours qui viendraient ? Encore fallait-il qu’il soit sélectionné et rien n’était gagné même s’il paradait en tête des classements.

Le gaz avait une odeur terrible qui lui donna la nausée et à peine renifler, il alla jusque dans la salle de travail où d’autres l’attendait. Ils n’étaient pas nombreux, mais sa princesse au gout de sucre, son bel androgyne qui aimait se planter en lui et quelques autres amis proches étaient là. Tout en se blottissant entre leurs bras, il se fit la réflexion qu’il avait finalement réussi cela : il avait des amis. Pendant des années il avait cru que ça n’arriverait jamais. Un jour, il serait le compagnon de l’Akoutie, mais il n’aurait aucun ami, des connaissances tout au plus. Le destin l’avait fait mentir et il s’en sentit heureux pendant une petite seconde avant que la première contraction ne le fauche. Ça faisait mal. Son cœur s’emballa et ses mains se mirent à trembler sans aucune retenue. La contraction suivante lui arracha un véritable cri. En réponse, une paire de bras le berça lentement et des caresses de réconfort furent apposés sur sa peau chaude et transpirante.

Intellectuellement, il savait que son corps était en train de se modifier mais il ne ressentait que la douleur et ce voile glacé qui le recouvrait peu à peu lui donnant soudainement froid. Il fallut près d’une heure avant que le travail ne commence et que son corps ne se mette à expulser activement les intrus. Un par un, les œufs gagnèrent le conduit de son intimité, tracter lentement par les muscles qui travaillaient à leurs expulsions. La ponte fut horriblement longue et son anneau de chair, celui-là même qu’il avait tant travailler pour tolérer les pénétrations les plus brutales resta fermement clos comme s’il refusait simplement de laisser le passage aux œufs.

Des doigts amicaux vinrent le masser et le lubrifier, mais la douleur qui le brutalisait l’empêchait de se décontracter tout à fait. Ce ne fut que l’épuisement qui vient balayer les dernières réticences de ses muscles et les œufs tombèrent, l’un après l’autre, tout en lui arrachant des hoquets d’effroi. Son corps hurlait. Une partie de lui s’escrimait à retenir ses petits.

- Prend le temps. Touche-les. Regarde.
- Je sais… je sais que… ce n’était que des machines.
- Ton corps ne le sait pas. Touche-les.

Il le fit et sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi, il sentit les larmes s’écoulaient librement sur ses joues. C’était pour cette raison que le travail en laiterie était une véritable punition. C’était pour cette raison qu’on ne leur demandait rien d’autres. On leur réclamait déjà l’impossible. Son cœur se serra et soudainement, il sut, que quelque part l’Akoutie devait le haïr pour l’avoir condamné à une telle vie et son obsession, son ambition, était vaine, vouée à l’échec.

Il pleura un peu plus fort, il pleura sur ces petits qui n’en étaient pas. Il pleura sur ceux qui ne naitraient jamais. Il pleura sur son rêve qui ne se réaliserait pas. Il pleura de tout son saoul comme pour faire son deuil. Il pleura encore et encore jusqu’à ce que ses yeux rougeoyants le brulent tout à fait et après, il pleura encore.

Les œufs étaient froids sous ses doigts et la technologie qui les envahissaient était exposée au grand jour. Entre deux hoquets, le nez bouché et les joues brulantes, il les observa avec haine. Pourquoi lui faisait-on une chose pareille ? Pourquoi ? Il avait étudié autant que possible, il avait été le meilleur durant des années sans pour autant relâcher la pression. Il était qualifié pour de nombreux postes en plus d’être tout à fait apte à servir n’importe quel mâle candidat à la recherche d’un prétendant. Alors pourquoi ?! Ses jambes étaient trop faibles pour le porter et ses yeux coulaient toujours sous l’effroi de ce qu’il venait de perdre.

Yu savait bien qu’il lui faudrait des jours, peut-être des semaines pour s’en remettre pleinement, mais quelques heures plus tard, aidé par ses amis, il retourna à la trayeuse et s’asseyant simplement au sol, l’intimité trop ravagé pour prendre du plaisir dans une pénétration quelconque, il donna son lait. La constatation brutale de sa déchéance la plus totale l’avait fauché mais il ne voulait pas être de ceux qui abandonnent. La volonté, le courage et la force n’avaient pas à le quitter. Il pouvait encore y parvenir. L’Akoutie le haïssait peut-être, et bien, il n’aurait qu’à lui faire changer d’avis. Il allait lui montrer qui il était, parce qu’il était Yu, il était quelqu’un. Il n’était pas de ceux que l’on jette sans un regard en arrière.

S’il le fallait, il prendrait des années pour réussir, mais il sortirait de ce trou profond dans lequel on l’avait fait tomber. Il se tiendrait debout et avancerait car il était simplement hors de question qu’il en soit autrement. Et puis, ce n’était pas impossible à atteindre. Actuellement, le petit Oom avait réussi à obtenir la meilleure qualité et quantité de lait au prix d’efforts importants. En se reposant et en poursuivant sur cette voie, il devrait très logiquement être sélectionné pour son premier rendez-vous avec l’Akoutie. Ce serait un moment important et ça aurait lieu dans quelques temps à peine.

Durant les jours qui suivirent, sans même qu’il ne se l’explique, il se retrouva régulièrement en larmes, le cœur en miette et la main sur son ventre qui redevenait tristement plat. A chaque fois la même vague de tristesse et d’incompréhension s’abattit sur lui, manquant de le faire abandonner, avant qu’il ne parvienne à se ressaisir pour affirmer qui il était. Il n’abandonnerait pas même si chacun de ces moments le poussait un peu plus loin encore vers un précipice de dépression.

Lorsque le moment du choix fut enfin arrivé, il était toujours dans cet entre-deux, capable de basculer à tout instant entre détermination et abandon. Il s’installa dans la grande pièce de dortoir, au milieu de ceux qu’il avait appris à connaitre et à apprécier. De nombreux corps le touchaient comme pour lui apporter du soutien. Tout le monde rêvait de le voir réussir, juste pour faire renaître un peu d’espoir au sein de la laiterie, juste pour voir de leurs yeux une véritable victoire. Ce petit Oom aux seins ridiculement sous-dimensionnés et à la volonté de fer était en train de leur montrer une épopée. Il était en train de leur raconter que tout, absolument tout, était possible. S’il parvenait à s’extirpait de la laiterie, alors il le leur aurait prouvé.

Ils attendirent sagement qu’un examinateur arrive et finalement un magnifique Nicti fit son apparition. Il n’avait pas cet air colérique qu’avait arboré le précédent examinateur et sa douceur naturelle transparaissait. Un tel être ne pouvait qu’être porteur de bonnes nouvelles se dirent certains. Tout en lui était appréciable, jusqu’à sa voix, si tendre, lorsqu’il désigna celle qui les représenterait.

Yu regarda la petite femelle se lever, tourner la tête dans sa direction avec tellement de tristesse dans les yeux qu’il eut envie de la rassurer. Elle n’y pouvait rien et visiblement, ses propres performances n’avaient pas plus d’impacts. L’Akoutie le détestait sans doute et il n’avait pas envie d’avoir le moindre contact avec lui. Le message était suffisamment clair. En baissant la tête sous le poids de la déception, il vit ses propres mamelons qui pointaient vers l’extérieur, figés ainsi par les traites brutales. Ils étaient rouges et gonflés. Ils étaient sensibles et douloureux. En soupirant, il dut admettre qu’il ne pourrait pas tenir jusqu’au prochain appel sur le même rythme. Il était simplement trop fatigué. Il devait se reposer et réfléchir à l’avenir.

Se laissant tomber en arrière au milieu des autres corps agglutinés, il se retrouva à observer le plafond avec une seule question en tête : ne ferait-il pas mieux d’abandonner ? Mais à peine l’eut-il formulé que la réponse jaillit en lui, en hurlant et en bataillant pour ne pas être ignorée : « NON ! ». Alors Yu se mit à sourire, d’un de ces sourires tristes qui ne montent pas aux yeux et il murmura pour lui-même :

- Je suis Yu et je serais le compagnon de l’Akoutie. 

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