Un départ difficile

5 minutes de lecture

A l’âge de 3 mois, je suis enlevée à ma famille. Je ne sentirai plus l’odeur apaisante de maman, je ne courrai plus avec eux, je n’entendrai plus leurs aboiements, ni les ronflements de mon frère en dormant et plus jamais je ne les reverrai. Je viens d’être vendue à une dame aux cheveux gris qui m’emmène loin de ceux que j’aime.

Dès le début, je fais tous mes besoins sur un torchon, car je ne sors pas de ce sombre petit appartement. Une odeur de renfermé y règne en permanence. Le bois noirci du plancher, grince à chacun de ses passages et me fait sursauter, lorsque je dors sur mon vieux coussin.            Mes repas, composés de ses restes de nourriture, ne sont pas pour me déplaire et le soir venu, elle me prend sur ses genoux, pour regarder la télé dans son fauteuil déformé. J'aime, ses brefs instants de tendresse.

Mais peu à peu, elle se désintéresse de moi et me cède à une famille dont les deux enfants me mènent la vie dure. Je suis encore petite à sept mois et leur constante hyperactivité, me provoque souvent des pipis de peur. Ce trouble, est le motif de ma revente deux mois plus tard, à une autre dame, qui élèvent 20 chihuahuas assez batailleurs, 15 chats très chatouilleux et 2 canés corso terrifiants.

Dans cette maison-là, je suis persécutée par mes congénères, qui m’empêchent de manger et aboient dès que je bouge une patte. Terrorisée, j’attends la nuit pour finir le peu de restes des gamelles, dès que les autres dorment. Pendant la journée, je reste bien calée sur un coussin attendant ma maîtresse, car je ne sors pas seule dans le jardin pour mes besoins, même les chats s’en prennent à moi.

Mais à l'âge d'un an tout bascule, l'on me met à part des autres « quelle tranquillité », j'ai une gamelle bien remplie « quel luxe », j’ai droit à une toilette assez rapide « quel bienfait », suivi d’un parcours en solitaire dans le jardin « Quelle paix ».

La maison est mieux rangée, les chats et les chiens sont séparés dans des pièces contigües, quant aux Canés Corso, ils sont de garde devant de la maison. Pas besoin de sonnette avec de tels molosses. L'alerte est instantanée, lorsque des visiteurs approchent. Immédiatement, ma maîtresse se précipite à l’extérieur.

« Que se passe-t-il ? Je n’ai jamais connu pareil remue-ménage ? »

Des voix résonnent dans le hall d’entrée, doucement la porte du salon s’ouvre, laissant le passage à un couple, balayant la pièce du regard. Ils s’installent sur deux chaises libres de la salle à manger, le moindre espace étant occupé par divers paniers en tous genres.

Ma maîtresse s'avance vers moi, me prend et me met dans les bras de la dame.

« Mmm ! Elle sent bon le parfum, sa voix est calme et rassurante », elle me tient bien serrée contre elle et me caresse doucement, mais l'appréhension qui m'anime, me provoque des tremblements compulsifs.

« Que va-t-il encore se passer ? »

Elle parle beaucoup de moi, disant que je suis sociable et copine avec les chats et chiens de la maison.

« Oh là là ! Quelle invention ».

Que j’adore les enfants.

« Non ! Je ne les apprécie guère ! »

Que j'aime les longues balades.

« Des balades ? C’est quoi ça ? »

Que je raffole des croquettes spéciales, achetées uniquement pour moi.

« Tiens, tiens, je me demande bien lesquelles ? »

A la suite de ce baratin, elle se lève, va chercher ses fameuses croquettes et les pose sur la table, puis passe mon cou avec un appareil étrange, pour signaler que j’ai bien “ une puce “ d’identification.

« Quoi ! Une puce ? J'ai pas de puce, moi. Qu'est-ce que c'est que ça ? »

Distraitement, j'écoute leurs bavardages et je comprends, qu'une nouvelle fois, on se débarrasse de moi, comme d'un objet encombrant.

Ma maîtresse donne alors un carnet au monsieur, saisit l’argent posé sur la table, le rangeant en vitesse au fond de sa poche. Tout le monde se lève, des poignées de mains s’échangent et je sors de la maison, dans les bras de la dame, pour rentrer dans une grosse voiture. Pendant le trajet, je suis confortablement installée sur ses genoux et elle continue de me caresser. « Quel bonheur ! »

Toutefois, vu l'état de la route sinueuse et mon anxiété, j'ai des hauts le coeur. Par faim, j'ai englouti d'un seul coup, toute la nourriture que j'avais reçue. « Ca m’apprendra à être gourmande ! », la dame me pose à ses pieds en me tenant, la voiture s’arrête sur le bas-côté et nous sortons.

« Ouf ! Il était temps » je vomis dans l’herbe, puis elle s’abaisse, me caresse à nouveau et Je fais quelques pas avec elle, l’air frais me revigore, j’en profite pour me soulager. Nous reprenons la route pour deux arrêts supplémentaires, j’ai l’estomac complètement vidé en arrivant face à une grande maison entouré d'un jardin.

« Tiens ! la porte du garage s’ouvre toute seule, bizarre ça ! La voiture rentre et hop, la porte se referme, très bizarre ! » Blottie dans les bras protecteurs de la dame, nous montons l’escalier vers l’étage et elle m'annonce que maintenant, je suis chez moi, puis me dépose dans un beau panier tout moelleux.

« Waouh ! Comme c'est douillet. Vais-je vraiment rester ici ? Avec tous ses ballottements d'un endroit à l'autre, je suis sceptique. »

Le salon et la salle à manger sont spacieux, il y a de grandes vitres.  Mes nouveaux maîtres m’ont laissé seule et je décide de faire un petit tour. L’oreille aux aguets, ma truffe au ras du sol, je tente de repérer les nouvelles odeurs qui m’entourent.

« Vite, vite, ils approchent. » Je retourne à la hâte dans mon panier. Ma maîtresse vient vers moi, m’emporte dans la cuisine, pour me montrer mon coin à manger et me dépose.

Deux gamelles, sont placées en évidence sur un tapis, face à une table ronde. Je bois une gorgée d’eau bien fraîche, mon indigestion m’a donné soif, mais les croquettes ne m’allèchent pas et je reste prostrée devant la nourriture.  Lentement, elle s’abaisse, me caresse le dos en disant que je mangerais plus tard si j’ai faim et me soulève, pour me ramener dans mon panier.

La soirée s’annonce calme et tranquille, mes maîtres regardent la télé, tout en jetant de temps en temps quelques coups d’œil sur moi, je savoure pleinement cette quiétude dans ce confortable panier, sans aboiement, ni miaulement, ni tintamarre de toutes sortes.

Annotations

Vous aimez lire Gini ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0