Chapitre 17

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Je riote un peu et puis je me mets à rire vraiment. Je viens de faire disparaître mon reflet en quelques coups de chiffon. Je ne vois plus que mes hanches dans le miroir, le reste étant caché par le lavabo. J'agite mes bras comme si je faisais de la culture physique, je me tortille sans voir mon tronc, ni mon visage, mais seulement mes bras que je fais bouger.

- Je suis devenue la « Femme Presque Invisible » ...

Et là, l'idée me vient de retourner dans la chambre et de vérifier mon état dans les glaces du dressing.

Je me précipite et en arrivant dans la chambre, je constate, avec une certaine déception, que je suis encore « entière ». Je retourne dans la salle de bains, et ma tête est de nouveau manquante !

Je ne comprends pas pourquoi. La seule pièce de l'appartement qui est normale est celle qui semble être la plus « anormale ».

Je n'ai plus le temps d'avoir des états d'âmes, je retourne dans la chambre et prends mon portable, il faut que je joigne Angus, mais avant d'y parvenir, je reçois un appel et le nom qui apparaît me laisse perplexe.

- Allo ?

- Allo, c'est moi !

- ...

- Tu m'entends ?

- Heu ... je t'entends oui ... Mais qu'est-ce qui se passe ?

- Rien de bien extraordinaire, tu es chez nous.

Je regarde autour de moi, tout en décrochant, j'ai quitté la chambre et je suis dans le salon à présent, où je vois mon chat se pavaner sur l'enfilade, comme à son habitude.

- Je suis chez vous, je répète à voix basse. Je ne comprends pas...

- Je sais, c'est un peu compliqué...

- Essaie toujours ...

- OK, ... tu te souviens de ce qu'on a dit hier à propos du Fil d'Ariane ?

- Oui.

- Disons, que dans ta main tu as une extrémité et nous l'autre...

- Je suis dans mon monde imaginaire, au même titre que vous, dis-je à mi-voix.

- Tout à fait. Ici c'est notre appartement, celui dans lequel nous vivons, celui inventé par toi.

- C'est ... c'est incroyable, il ressemble au mien... au nôtre, à Angus et moi. D'ailleurs, Angus, est-ce qu'il est aussi ici ?

- Non. Il n'y a que toi...

- Mais comment suis-je arrivée ici ?

- Je pense que cela vient de notre discussion d'hier. Elle a dû mûrir dans ton subconscient.

- Oui, mais il était question que vous reveniez « chez moi » pas que ce soit moi qui aille « chez vous » !

- Où est la différence ? Il faut que tu comprennes que le lien qui nous unit est plus important qu'un simple voyage d'un point à un autre, d'ailleurs, tu dois l'avoir compris, ...

Soudainement, je ne l'entends plus que par bribes.

- Allo ? Tu m'entends ? Allo ??

Je regarde mon téléphone, je vois que je n'ai plus de réseau.

- Ah ... miséricorde ! Il ne manquait plus que ça ! Au moins, dans ce monde, son numéro est dans mon répertoire ...

Je regarde autour de moi, je n'ai plus peur de cet appartement, au contraire, je me mets à l'explorer avec curiosité.

- C'est incroyable, j'ai l'impression que c'est une espèce de reconstitution de notre appartement, mais avec des approximations.

Je retrouve mon chat qui mange ses croquettes dans la cuisine, et en l'observant d'un peu plus près, je m'aperçois que c'est un mâle et non une femelle ! Je maugréé un peu en lui servant de l'eau.

- Ah oui, c'est très approximatif ! Il n'y avait pas de femelle en stock dans mon imaginaire, ou bien ?

La faim se fait tout à coup rappeler à mon bon souvenir.

- Et on n'a pas vraiment les mêmes goûts...

Je fouille les placards et je ne trouve rien qui me donne envie. Finalement, ici, ce n'est pas chez moi, à proprement parler, je me trouve chez Gio et Synalco et je m'en rends bien compte au vu des aliments que je trouve. C'est très, ... comment dire, masculin comme nourriture. En tout cas, rien que je me procurerai pour me sustenter, mais qui, j'en suis certaine, ravirait les papilles d'Angus !

Finalement, ce n'est pas plus mal, si j'y trouvai des produits diététiques je trouverai cela dérangeant. Dans mon imagination, Synalco n'est pas au régime, et pourtant, il ne mange pas n'importe quoi non plus ! Soudain, en déplaçant un énorme paquet de pâtes, je trouve le Saint Graal : du chocolat en poudre.

Une fois rassasiée d'un grand bol de chocolat chaud, je décide de sortir. Mais avant, un passage par la salle de bains s'impose, il faut que je vérifie si mon reflet est « revenu ».

- Oh non mon visage ... Non ... NON !!!!

Je ne peux pas croire ce que je vois, et je ferme les yeux.

- Ca va passer, me dis-je en mon for intérieur, ça va passer, je vais ouvrir mes yeux et ça va aller...

Mais non, rien ne va. Je reste devant le miroir, et je me regarde encore et encore, et malgré toutes mes supplications, rien ne change. Alors je me reprends et je m'habille en toute hâte :

- Il faut que je parte d'ici, ... c'est peut-être la solution.

Je rappelle mon interlocuteur, j'estime qu'il me doit une explication, mais je n'obtiens que sa boîte vocale. Sans hésiter, je lui laisse un message, clair, net, et concis :

- « Salut, rappelle-moi s'il-te-plaît ! »

J'ai essayé de garder un ton neutre mais dans les conditions actuelles cela m'est très difficile. Je quitte enfin l'appartement et me dirige machinalement vers le parking. Ma voiture y est, enfin, est-ce vraiment la mienne ? En tous les cas, la portière n'est pas verrouillée et elle démarre au quart de tour.

- Ok, où est-ce que je vais maintenant ?

Je décide d'aller au bureau, je suis curieuse de voir si mon lieu de travail existe ici, dans ce monde. En route, je m'aperçois que les lieux que je traverse habituellement pour m'y rendre, sont différents.

Comme l'avaient expliqué Marc et Lysandre, « ... c'est pareil mais en même temps transformé. », alors je ne m'en fais pas, j'avance. Je me perds en route car j'emprunte des chemins un peu au hasard, pourtant, j'arrive enfin dans la ville où je suis sensée travailler. Et... la société ou j'officie ne s'y trouve pas.

- C'est vraiment bizarre... que dois-je faire ?

Je me gare dès que je le peux et je sors de la voiture. Je déambule dans les rues, reconnaissant parfois des devantures de magasins, parfois découvrant d'autres, mais surtout, je suis à chaque fois impressionnée par mon reflet dans les vitrines. Plus je me regarde, plus je m'habitue à ce que je vois et ça commence même à me plaire.

Soudain, mon portable vibre dans la poche de mon jean :

- Salut, désolé, je n'ai pas pu décrocher tout à l'heure ! On se voit au café dans dix minutes.

- O-oui, lequel ?

- Celui de d'habitude ! A tout à l'heure !

Et il raccroche. Le téléphone toujours à la main, je regarde l'écran, comme si l'information qui me manque et qui m'est essentielle, allait s'y afficher : où donc est ce café ?

Moi qui déteste les énigmes d'habitude, j'ai dix minutes pour trouver cet endroit ! Je m'arrête de marcher, il faut que je réfléchisse, j'ai très certainement dû inventer ce café dans l'une des histoires que j'ai écrites, sinon, pourquoi ce « Celui de d'habitude ! » ?

Tout en me concentrant pour trouver la réponse, je reprends ma marche. La rue est soudain bondée de passants, chose que je n'avais pas remarquée jusqu'ici. L'idée de m'adresser à l'un d'eux m'effleure l'esprit, mais une force invisible m'en dissuade. Je me mets à observer ces inconnus qui me croisent, et je crois reconnaître certains d'entre eux, notamment une jeune femme sur le trottoir d'en face :

- Tiens, mais c'est Laure ! La Blondinette qui se trouvait chez moi hier soir.

J'essaie d'attirer son regard, et elle me voit. Elle m'adresse un sourire et traverse la rue pour me rejoindre.

- Salut ! Comment tu vas ? Ça s'est bien terminé hier soir ?, me demande-t-elle en me faisant les bises.

- Eh bien, je dirai que oui..., dis-je évasive.

- Tant mieux, c'est tellement étrange toute cette histoire, Léa en est toute retournée !

- Un peu comme tout le monde... et toi ? Tu prends ça comment ?

- Plutôt bien, enfin, je crois. Tant que je ne me retrouve pas sur une île déserte, seule et sans ressources, ça va. Je file je dois la rejoindre justement et je suis en retard ! Elle rit en me donnant une petite bourrade amicale sur l'épaule et avant de me quitter, elle ajoute :

- A bientôt et passe le bonjour à ta moitié !

Je n'ai pas le temps de lui répondre, déjà elle disparaît dans la foule, de l'autre côté de la rue.

Je continue mon chemin, drôle de rencontre, c'était si naturel, tellement « réel », que je ne peux m'empêcher de sourire, et c'est très détendue que j'entre dans un bar, juste au coin de la rue.

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