Chapitre 18

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- Ah, enfin, te voilà !

Je regarde d'où provient cette voix qui semble s'adresser à moi et je distingue un bras qui se lève à trois tables de l'entrée. D'ordinaire je ne suis pas du tout à l'aise dans les bars ou les cafés, il y a cette atmosphère un peu particulière d'intimité et de convivialité mêlées qui me dérange, mais aujourd'hui, ce mal être s'est dissipé et je m'avance sans retenue, ignorant les regards qui coulent sur moi. Une espèce d'assurance m'habite et me dirige, comme si rien ne pouvait m'atteindre.

Je m'installe à table et dans la foulée, un serveur m'apporte un cappuccino.

- J'ai passé commande pour toi !

- C'est parfait, merci !

- Alors, comment tu vas ?

Je remue mon cappuccino distraitement et je me mets à sourire.

- C'est... très bizarre et en même temps, pas du tout.

- Tu as dû paniquer non ?

- Au début oui, et puis, ça s'est calmé.

- Tu comprends mieux à présent, enfin j'espère...

- Disons que cela me semble bien plus évident maintenant, comme si je m'étais voilé la face jusqu'ici et qu'on me mettait face au fait accompli.

- Alors tout va bien ? Je veux dire, tu acceptes ce qui t'arrive ?

- Oui..., enfin je crois. Je t'avoue que ça me fait peur tout de même.

- J'imagine bien que ça doit être déstabilisant.

Je le fixe un instant, le regard qu'il me porte est bienveillant et il m'adresse un petit sourire pour m'encourager à continuer.

- Je suis perplexe, et je me demande si la folie me guette...

- Non, pas la folie, être ici, c'est juste une étape, une manière pour toi d'en apprendre plus sur qui tu es vraiment, tu comprends ?

- D'accord, mais, c'est tout de même très paradoxal ce qui se passe, non ? Depuis vendredi dernier alors je...

Je m'interromps car j'ai la gorge serrée soudain, une foule de questions me traversent l'esprit et elles me terrifient :

- Qu'est-ce qui va se passer après, quand je vais « rentrer chez moi » ? Est-ce que je vais redevenir comme avant ?

- Tout va reprendre son cours normal, ne t'en fais pas...

Je ne lui laisse pas le temps de finir, j'embraye avec une autre question :

- Mais Angus, il... il a vu tout le monde, et, il ne comprendra pas ! Comment ça va se passer pour lui ?

- Ah, Angus... il a confiance en toi, et pour lui, ça ne changera rien.

- Pourtant, il va se poser des questions lui aussi, et c'est bien normal !

Je monte peu à peu en pression. Je regarde autour de moi, craignant d'avoir gêné les clients du café.

- Calme-toi, je t'en prie, tu t'énerves et cela ne sert à rien. Regarde les choses telles quelles sont, tout simplement. C'est une affaire qui te concerne uniquement et personne d'autre, tu ne crois pas ?

Je ne réponds pas tout de suite. Je fixe la cuillère que je tiens entre mon pouce et mon index, c'est drôle, ici, je suis gaucher. Il continue :

- Tu es en perpétuelle recherche d'un idéal, tu as toujours eu besoin d'avoir un endroit bien à toi où te réfugier et tu l'as trouvé en écrivant.

- C'était réconfortant jusqu'à ce que je fasse lire tout le monde...

- Ça l'est toujours !

- Tu trouves ?, dis-je en haussant les sourcils. Sérieusement, tu as vu ce que ça a donné ?

- Tout « ça » comme tu dis, c'est juste une illusion.

- Je me suis imaginé toute... cette histoire ?

Il hoche la tête toujours avec le sourire. Je ferme les yeux pour me concentrer, c'est du délire, mais au fond, pas tant que cela.

- Alors que les histoires soient publiées ou non ne change rien, au final. Je peux continuer d'écrire.

- Bien sûr, rien ne t'en empêche.

- Et ce fameux lien pour que les personnages puissent revenir dans ce monde, c'est moi ?

- Oui, et grâce à toi, ils sont indépendants. L'écriture est une manière de t'exprimer, et que cette expression soit lue, est une libération. Il suffit que tu l'acceptes, parce que toi aussi, tu es libre à présent.

Sa remarque est si pertinente, que je prends encore plus conscience de ce qui m'arrive depuis le début. Ce « lâcher prise » est un véritable soulagement, me dévoiler aux autres, anonymes ou non, m'avait toujours parût insurmontable, et soudainement, cela me semble si évident, si facile.

J'acquiesce en buvant une gorgée de mon cappuccino et je regarde un peu autour de nous. J'aime bien ce café-bar finalement, et je me rends compte que l'ambiance qui y règne est agréable. Plus personne ne me regarde, je suis invisible et ça me va très bien. Notre table est près de la baie vitrée qui donne sur la rue, distraitement, je regarde les passants aller et venir et par le jeu des reflets, je distingue les nôtres. Mon compagnon est en train de me regarder et il me sourit. Je lui demande alors :

- Mais, et toi dans tout ça, si je repars...

- Ne t'en fais pas pour moi. Je crois que tu as d'autres histoires en train non ? Et puis tu m'as retrouvé, c'est l'essentiel !

Je me mets à rire en me laissant aller en arrière sur ma chaise. Je croise mes bras derrière ma nuque et je le regarde en penchant un peu la tête sur le côté.

- Tu es drôle toi ! Tu es si décontracté face à toute cette espèce d'aventure, tu as vraiment réponse à tout !

- Je suis juste pragmatique. On se connait depuis longtemps et je sais comment tu fonctionnes. Ton imagination a toujours été très fertile, difficile à canaliser, et il te faut un point d'encrage pour que tu ne dérives pas !

- Tu me fais penser à...

D'un seul coup, j'ai une grosse bouffée de chaleur qui me ravage littéralement de l'intérieur. J'ose à peine y croire, et je chasse cette pensée de mon esprit. Il a dû suivre le cheminement de mes pensées car il a l'air d'accord. Nous nous dévisageons un moment encore en silence, puis il me dit :

- Si tu veux, on va faire un tour dans le quartier, je pense que tu as envie de visiter un peu le coin ?
J'opine du chef et Giacomo se lève pour aller régler nos consommations.

- Je t'attends dehors, lui dis-je en me levant également et juste avant de quitter la table, je regarde une dernière fois mon reflet dans la baie vitrée, tout en ajustant sur ma tête, la capuche noire de mon pull...

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