Chapitre 16

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D'une certaine manière je fais aussi partie  de ce monde imaginaire que j'ai créé et j'évolue avec mes personnages. Je disais il y a peu de temps que l'un de mes meilleurs moments de la journée c'est quand je me couche le soir et que ma vie imaginaire commence. Mais cette fois-ci, je suis anxieuse et je n'ose pas m'endormir de peur de créer un trouble dans ce que nous venons de faire ce soir. Si inconsciemment ou au contraire, volontairement je me mets à « modifier » leur histoire, il pourrait y avoir un paradoxe.

Synalco et Giacomo ont certes disparus devant nous en même temps, ils doivent donc se trouver dans l'imagination d'un lecteur quelconque à l'heure actuelle. D'un seul coup, j'ai une espèce de pincement au cœur qui me rend triste. Et s'ils se plaisaient ailleurs, et qu'au final, ils ne voulaient plus revenir du tout ?

C'est un risque à courir aussi, car je leur ai donné le libre arbitre, et il serait mal venu à présent de le leur reprendre, donc je ne maîtrise plus rien.

La perte de contrôle m'est soudain évidente et je sens les larmes monter. C'est ridicule et très égoïste pour ne pas dire orgueilleux de ma part, pourtant, il n'en est pas moins que je dois laisser les choses se faire. Ce « lâcher-prise » sera aussi pour moi une véritable libération. Je dois garder en tête mon objectif : continuer l'écriture. Et pour cela, il faut que j'accepte définitivement de partager mes histoires, entièrement, mes personnages y compris.

J'ai eu de belles paroles ce soir, pour les convaincre de ne pas avoir peur, et le résultat est que c'est moi qui n'en mène pas large une fois que je suis seule.

Mais malgré ma volonté de résister, Morphée est la plus forte et elle m'emporte dans ses bras. Je suis si bien, je crois que je n'ai jamais ressenti un tel bien-être. Tout est doux, chaud, et aérien. Je ne sens plus mon corps toucher le matelas, et j'ai la sensation très nette de flotter. Un petit souffle d'air me caresse le visage et mes cheveux viennent me chatouiller les joues. Je dégage ces mèches rebelles et je frotte mes yeux. La lumière qui passe, malgré mes paupières encore closent, m'indique que le jour est levé, et que je vais bientôt devoir me lever. Je n'en ai pas envie, je veux rester là où je suis, bien au chaud dans mon cocon.

Je tends mon bras droit et je cherche à tâtons Angus dans notre lit, mais il n'est pas là. Déjà debout sans doute, j'espère qu'il prépare le café car je commence à avoir faim. Je suis étonnée d'avoir dormi d'une traite, cela m'arrive si rarement que c'est important pour moi de le remarquer.

Finalement, je me résigne à ouvrir les yeux et je me lève. Pas d'Angus dans la salle de bains, et il n'est pas dans le salon, d'ailleurs, je ne trouve pas notre chat non plus.

-Parti à la boulangerie, ou alors, courir ?

Tant pis, je vais dans la cuisine pour préparer le petit déjeuner, sauf que, ce n'est pas notre cuisine !

« Ce n'est pas notre cuisine ... ce n'est pas notre cuisine, ... ce n'est pas ... », cette phrase tourne en boucle dans ma tête et je me tiens littéralement au chambranle de la porte de « cette cuisine » pour ne pas tomber.

Je suis complétement tétanisée par la peur qui m'envahi et je lutte pour ne pas crier. Je veux avancer, reculer, ou juste bouger, mais je n'y arrive pas. Je respire par à-coups pour essayer de me calmer.

Je veux retourner dans la chambre, il y a mon téléphone portable là-bas, je dois appeler Angus.

Je parviens à me décoller de la porte et je recule, en fixant la pièce devant moi. Dès que je sens que j'ai toutes les facultés de me mouvoir, je me précipite dans la chambre et je cherche mon portable du regard et bien que je l'aperçoive, quelque chose m'empêche de le prendre. Me croirez-vous si je vous dis que ce n'est pas notre chambre non plus ?

Je me mets à pleurer, c'est irrépressible, et je hoquète si fort que je m'étouffe presque. Je suis devenue folle, je ne vois plus que cela, je suis bonne pour être enfermée, quoique d'une certaine manière c'est déjà le cas, non ?

- Angus ... Angus ...

Ma voix est à peine audible, même pour moi, tant mes sanglots me secouent. Je m'avance et je tends une main vers le lit, je peux le toucher, il est réel, pourtant à son contact je recule instantanément. J'ai peur de m'y assoir, je ressors de la chambre en oubliant de récupérer mon téléphone et me dirige vers la salle de bains. Je reconnais chaque objet, mes affaires sont toutes là, mes produits de soin, mes habits de la veille, tout y est normal en fait.

Je ne cherche pas à comprendre plus ce qui se passe. Quelque chose en moi se bloque et je ne pense qu'à une chose : prendre une douche. Comme si cet acte pouvait laver la situation et l'éclaircir.

Je file sous la douche. L'eau chaude me fait du bien et je reste sous le jet très longtemps. J'essaie de me calmer, et de me raisonner. Que s'est-il passé depuis que l'on s'est couché hier soir ? Rien.

On s'est couché point barre. Alors à quoi rime tout ceci ?

Je suis en plein délire ou alors, je rêve toute éveillée. Mais la dernière fois que je me suis dit cela, je ne rêvais pas du tout...

Je sors de la douche et je me blottis dans mon peignoir. Assise sur le rebord de la baignoire, je regarde fixement le miroir devant moi, je suis si lasse, j'ai envie de dormir, et je sens mes forces m'abandonner. Dans un dernier effort je me lève et je commence à m'habiller, puis vient le moment où je dois constater les ravages de mes larmes. Mes yeux sont douloureux au toucher, ils doivent être horriblement gonflés. Je nettoie le miroir tout embué en le frottant énergiquement avec une serviette éponge. Ça ne marche pas très bien, l'humidité de s'en va pas. Je regarde dans le meuble sous le lavabo et je prends un chiffon en microfibre. Je recommence la manœuvre et ça va beaucoup mieux. C'est très bête, mais faire le ménage m'a toujours détendue.

Je suis sur ma lancée et je frotte encore et encore. Bientôt plus aucune trace de buée ne subsiste, et la performance est telle, que même mon reflet à disparut !

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