Chapitre 15

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Lundi (suite)

23:32

C'est sans conteste le jour le plus long de ma vie. Je suis toujours devant mon ordinateur en train de terminer l'histoire test : celle de Synalco et de Giacomo.

Dans le salon, « mes trois hommes », regardent la télé, tout naturellement. J'admire Angus qui supporte tout ça, sans manifester une once d'impatience, ou d'indifférence. Au contraire, il s'est impliqué dans la mesure de ses moyens, depuis le début et il m'apporte un soutien inestimable. Je pense qu'il se sent concerné à juste titre, car finalement, c'est lui qui m'a convaincue de faire lire mes histoires. Depuis le temps que nous nous connaissons, il n'est pas sans savoir que j'écris. Simplement, il a toujours respecté ce jardin que je cultive en secret, sans doute se disant que viendrait tôt ou tard, le jour où je lui ferai lire mes histoires. Et ce jour est arrivé, et avec lui, toute cette aventure incroyable dans laquelle nous sommes embarqués tous les deux. Et là, je me dis que j'ai énormément de chance de l'avoir dans ma vie ...

J'en suis là de mes pensées, quand la voix de Synalco me ramène à la réalité :

- Hello ! Tout va bien ?

- Heu... oui, j'ai presque terminé ... est-ce que tu veux lire ?

Synalco hésite puis s'approche de moi. Il se penche au-dessus de mon épaule et jette un œil sur l'écran. Il lit, je le regarde pour voir sa réaction, mais il s'interrompt très vite.

- En fait, je pense que je ne dois pas. C'est un peu perturbant, ... Me dit-il en souriant et en se grattant le sommet du crâne, visiblement gêné.

- Pas de soucis, il n'y a aucune obligation, et de toute manière tu as raison. Tu auras l'occasion de découvrir ce qui va vous arriver... les araignées et les scarabées ...

- Quoi ?? Sa voix couine sous le coup de l'émotion et ses yeux sortent littéralement de leurs orbites tant la surprise est grande. J'éclate de rire.

- C'est une blague ?

- Non, pas du tout, je me suis dit, tant qu'à faire, on va corser l'histoire !

- Modifie-la tout de suite !

Il trépigne sur place, comme si des bestioles lui grimpaient dessus, et je ris de plus belle. Attiré par les exclamations suraigües de Synalco et mes éclats de rire, Angus et Gio arrivent dans la cuisine.

- C'est la fête ici ? Demande Angus le sourire aux lèvres.

- Elle, elle ... Synalco me pointe du doigt et soudain prend l'ordinateur.

- Elle « quoi » ? Giacomo me regarde intrigué, mais voyant ma tête, il comprend très vite et entre dans mon jeu.

- Je vous ai simplement prévu quelques activités en extérieur, dis-je d'un air détaché.

- Oh, si ce n'est que ça ... rien de grave alors ! Giacomo se mord les lèvres pour ne pas rire. Pendant ce temps, Synalco cherche dans mes écrits toute trace des arachnides pour les effacer... bien entendu, il fait « chou blanc » !

- Elle a parlé d'araignées et de ... je ne sais plus quelles abominations rampantes !

Je croise le regard d'Angus, il a un petit sourire aux lèvres et il pose une main sur l'épaule de Synalco :

- T'inquiète pas va, elle n'a rien fait du tout ! Elle te fait marcher ...

Synalco est au trente-sixième dessous, et Giacomo se tient les côtes tant son fou-rire le secoue.

- Je suis désolée, mais c'était trop tentant ! Dis-je entre deux hoquets.

Angus prend un air contrit par solidarité car lui aussi déteste les araignées, et entraîne ma pauvre victime au salon. Gio et moi restons seuls dans la cuisine, encore hilares.

- Oh, ça fait du bien ! Je te remercie ! Drôle d'idée tout de même mais ça a fait son petit effet.

- Disons que c'était un pétage de plombs... J'ai terminé et je vais pouvoir mettre votre histoire en ligne... Pour être franche, je crois que je retarde le moment de le faire.

- Je sais.

- Il ne va pas m'en vouloir ?

- Synalco ? Non, pas du tout, au contraire ça va le détendre ! Il a l'air sûr de lui, mais il est mort de peur...

Je regarde Giacomo et je lui trouve quelque chose de très responsable soudain. Des deux personnages, Gio a toujours été le plus fragile, le plus sensible, contrairement à Synalco, qui incarnait l'assurance. C'est du moins ainsi que je les avais imaginés. Mais à cet instant précis, je découvre que Gio pouvait faire preuve d'autant de maturité que Synalco.

- J'ai peur moi aussi, je te l'avoue. Si je me trompe ... Dis-je anxieuse.

- C'est le risque à courir et nous le savons. On ne reviendra pas en arrière, surtout maintenant que nous sommes si proches du but.

Je sais bien qu'il a raison, mais c'est autre chose qui m'ennuie profondément.

- Tu veux que je te dise la vérité ?

- Oui.

- J'ai peur de vous perdre tous les deux. Je veux dire, si vous disparaissez, et que...

Il secoue la tête et s'assied en face de moi. Il pousse mon ordinateur de côté et se penche en avant, accoudé à la table.

- On en a déjà parlé. Pense au Fil d'Ariane, nous aurons toujours le moyen de revenir dans ton imagination, et ... tu sais très bien pourquoi.

Son regard bleu clair m'hypnotise autant que sa voix suave, et oui, il a raison, je sais pourquoi.

C'est à cet instant qu'Angus et Synalco reviennent et là, il n'est plus question de blaguer.

Giacomo se lève :

- Il est temps ...

- Tu as terminé ? Me demande Synalco.

- Oui, il suffit que je clique sur un bouton...

- Je suis prêt. Fait Gio en prenant une profonde inspiration.

Synalco me regarde droit dans les yeux, et pour la première fois, je crois entendre ses pensées.

Puis il hoche la tête :

- Vas-y !

Et je clique sur « Publiez votre histoire »

Je ferme les yeux en cliquant et je retiens mon souffle. Les secondes s'égrènent et seul réfrigérateur rempli l'espace de son ronronnement. Je ne veux pas ouvrir mes yeux, j'ai peur de voir Synalco et Gio encore devant moi et aussi, de ne pas les voir. Dans un cas comme dans l'autre, je sais que je vais me sentir mal et j'aimerai que l'on soit revenu trois mois en arrière, que je n'ai jamais mis en ligne mes histoires, et que tout ceci ne soit jamais arrivé.

- Tu peux ouvrir les yeux, ... Ils sont partis.

Angus m'enserre les épaules de ses bras et me soulève de ma chaise. Je me mets à pleurer, en ne les voyant plus.

- Pourquoi pleures-tu ? Tu as réussi ! S'ils ont disparu en même temps, c'est bon signe.

- Oui. Je renifle et je regarde mon ordinateur. Ils sont « là-dedans » ...

- En quelque sorte, oui, ... mais, on ne peut plus rien faire à présent. Il faut attendre comme on a dit.

- Oui ... je répète.

Une fois couchés, blottie contre Angus, je tente de ne pas repenser à toute cette journée et surtout à cette soirée. Pourtant, les mots de Giacomo raisonnent dans ma tête : « ... nous aurons toujours le moyen de revenir dans ton imagination, et ... tu sais très bien pourquoi. »

Oui, je sais pourquoi, et c'est le plus terrifiant pour moi. Tout ce que je suis, ma personnalité, mes peurs, mes envies, mes besoins, mes désirs, mes excentricités ... fondamentalement, je parviens à les gérer grâce à l'écriture, cet exutoire merveilleux et quasi extraordinaire, qui depuis mon plus jeune âge, me permets de les réaliser, comme on réaliserait un rêve.

J'ai créé un monde imaginaire, peuplé de personnages que je fais vivre, mais pas seulement...

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