Chapitre 11

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Lundi (suite)

On a toujours une part d'ombre en soi, un endroit bien secret où sont entreposées nos peurs, nos envies inavouées, nos mauvais souvenirs. Cet endroit, j'en suis persuadée existe en chacun de nous, j'imagine même que selon les personnes, il est plus ou moins grand et rempli.

Comment ferait-on si un tel endroit n'existait pas, s'il n'y avait pas ce « vide-pensées », comment ferait-on la part des choses ?

Je suppose que l'on deviendrait vraiment fou, nos pensées, les plus intimes et inavouables cohabitant avec les autres raisonnables et sensées. Dans le cas qui nous occupe, ce sont les miennes, celles qui me terrifient, et celles que je veux tout simplement oublier.

Et cet endroit est à la hauteur de ce qu'elles m'inspirent : froid, sombre, déprimant.

Je suis stupéfaite, comment puis-je avoir cela en moi, je veux dire, avec une telle intensité ?

Je regarde la jeune femme, la question qu'elle a posée est très intéressante : Qui est Synalco ? A vrai dire, je ne le sais pas. C'est juste un personnage que j'ai imaginé un jour... comme Giacomo, que je regrette tellement d'avoir relégué au niveau des archives.
Je lui réponds en haussant les épaules.

- Synalco est le compagnon de Giacomo, et en ce moment il est très malheureux, parce qu'ils sont séparés... à cause de moi. Je suis venue ici pour le retrouver et le ramener.

J'hésite un court instant, car une question me taraude et je me lance :

- Et toi, qui es-tu ?

- Moi ? Je suis la Gardienne de cet endroit.

- La Gardienne ? C'est-à-dire ?

- Je veille sur les Archives, je surveille les allées et venues des souvenirs. C'est comme cela que j'ai aperçu Giacomo. Il avait l'air perdu le pauvre, il doit se sentir abandonné ...

Elle tourne un peu le couteau dans la plaie, mais je ne peux pas lui en vouloir. J'imagine bien qu'il se sente mal.

- Les choses vont s'arranger, tu le verras en rentrant chez toi.

- J'aimerai bien rentrer oui, mais comment ? La porte par laquelle je suis entrée a disparu !

En disant cela, je regarde autour de moi, et soudain je la vois.

- Oh, génial !! Elle est revenue ! Il faut que je retrouve Gio à présent.

- Ne t'en fais pas pour lui, il va revenir. Il n'a plus sa place ici.

- Parce que je suis venue ?

- Parce que tu t'en es souvenue...

Je ne m'en étais pas rendue compte, et pourtant, c'est si évident. Si Giacomo n'était plus dans mon monde imaginaire, c'est tout simplement parce que je l'avais oublié. Et je dois admettre que c'est la vérité. Ce personnage m'était complètement sorti de la tête, et donc de mes histoires. En retournant vers la porte, je me fais la promesse de ne plus commettre cette erreur ou alors, si je dois archiver qui ou quoi que ce soit, je le ferai correctement.

Avant de sortir, je me retourne une dernière fois et je vois la Gardienne, qui me sourit en m'adressant un petit signe de la main, et qui, je trouve,... me ressemble énormément.

Au contact de la poignée, un tourbillon me prend et je me laisse entraîner sans opposer aucune résistance. C'est avec la tête lourde et le cœur au bord des lèvres que je me retrouve devant une autre porte, celle de mon appartement. Mon immersion dans ma mémoire avait été rapide, contrairement à ce que j'avais pu croire, une quinzaine de minutes tout au plus.

J'ouvre tout doucement, j'entrebâille la porte et me risque à regarder.

Devant moi il y a Angus, Synalco et une autre personne que je crois identifier comme étant Giacomo.

Je suis paralysée et je ne peux pas parler. Synalco me sourit et me prend par la main pour me faire entrer. Je suis troublée au plus haut point, et alors que les larmes montent, je me précipite dans ses bras d'Angus.

- Je ne peux pas le croire...

- Pourtant tu le peux. Tu as réussi, tu es la meilleur Choupinoute !

Il me serre très fort, il tremble autant que moi et je me sens enfin en sécurité. Je me dégage doucement de son étreinte, il faut absolument que je parle à Giacomo. Mais avant que je dise quoi que ce soit, c'est lui qui m'étreint. C'est étrange, à son contact c'est comme si j'entrai en résonance avec moi-même. Il me dit alors :

- Merci je m'avoir retrouvé... Est-ce que tu vas bien ?

- Oui. Je crois que oui à présent. Dis-je en reniflant. Et toi ?

Il me libère et nous nous regardons, en souriant et en pleurant en même temps.

-Ça va beaucoup mieux à présent. Mais tu m'as laissé longtemps de côté, je ne sais pas pourquoi, mais, j'ai eu du mal à retrouver mon chemin.

- Je ne comprends pas pourquoi j'ai fait ça...

- Tu m'as mis en attente. Comme si j'étais en réserve, ... J'ai déambulé dans les recoins de ton imaginaire, j'ai traversé des endroits complètement perdus, c'était angoissant, je crois même t'avoir aperçue une fois...

- C'était la Gardienne des Archives, elle m'a dit qu'elle t'avait vu ... Giacomo baisse la tête, revivant ces douloureux moments où il s'est sentit abandonné. Je cherche son regard et lui demande doucement :

- Mais comment es-tu arrivé ici ?

Il hausse les épaules et continue :

- C'est confus ... j'ai trouvé un petit recueil. J'ai commencé à le feuilleter...

- La dernière histoire que j'ai écrite et que j'ai terminée hier, elle se trouvait donc là... dans les archives...

- J'ai tout lu, d'une traite. C'était tellement rassurant, je me suis sentit revivre.

- Je suis tellement navrée, est-ce que tu pourras me pardonner un jour ?

- Bien sûr. C'est déjà fait...

- Le plus important c'est qu'il soit là. Dit alors Synalco en souriant.

Je les regarde et ne peux m'empêcher de sourire à mon tour. Collés l'un à l'autre, leurs mains se sont jointes et leur doigts s'emmêlent. Synalco dévore littéralement Gio des yeux et il ne fait aucun doute qu'il lui sauterait dessus si Angus et moi n'étions pas présents.

Ils sont magnifiques tous les deux. Tellement similaires et pourtant si différents. Giacomo a un petit je-ne-sais-quoi de très frais, angélique, un côté un peu fragile aussi. Il a le teint plus clair que Synalco et ses yeux sont tout aussi expressifs, voire plus. Leur couleur gris-bleu est froide, pourtant, son regard est doux. Je sens à ce moment précis, une gentillesse et une bienveillance très forte à mon égard. D'ailleurs il m'adresse un sourire magnifique preuve qu'il est très heureux, là, tout de suite.

- Je ne sais pas comment tout cela s'est arrangé, en tout cas, je te suis infiniment reconnaissant.

- Je t'en prie. Je regarde Synalco qui me dévisage. Il a l'air pensif et je crois savoir vers où vont ses pensées justement.

- Ne t'en fais pas, vous êtes réunis pour de bon cette fois.

En guise de réponse, il me sourit et j'ajoute :

- Il reste juste une chose à vérifier.

- Laquelle ?

- Les livres... Est-ce que le fait d'avoir imprimé les histoires va empêcher les autres personnages de réintégrer mon monde imaginaire ?

- Si c'est le cas, il faudra les détruire. Le ton de Synalco est sans appel.

Je me tourne vers Angus en étouffant un son plaintif, je n'ai pas du tout envie de détruire mes livres, alors comment faire ?

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