Chapitre 8

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Dimanche (suite)

Les coups recommencent. Je recolle mon œil au petit orifice scrutateur. Non, je ne veux pas ouvrir !

- S'il te plait ! Dit une voix derrière la porte.
- Laisse-nous entrer !

C'est du délire, ce n'est pas mon palier, ce ne sont pas mes voisins, je ne reconnais pas ce que je vois par le judas. Alors d'un coup, une espèce d'énervement m'anime et j'ouvre la porte sans hésiter.
- Nous avons besoin de toi, tout de suite !
- Viens avec nous !
- Mais qui êtes-vous ???
Je n'obtiens aucune réponse. L'un d'eux m'attrape par le poignet et me tire sur le palier.
Je crie et ferme les yeux en même temps. Tout tourne autour de moi, j'ai le vertige et je sens que je vais vomir. Mes oreilles bourdonnent, je transpire et mes vêtements se collent à ma peau. Je veux que ça s'arrête, j'ai mal à la tête, au cœur, j'étouffe !
- Reste calme, ce n'est que le passage principal, le reste sera beaucoup moins impressionnant.
J'ouvre un peu les yeux pour voir ce qui se passe. Quel est ce passage ? Où m'emmène-t-on ?
Soudain, plus rien. Je me sens très bien, et je n'ai plus de vertige. Je me retourne et regarde les deux personnes qui m'accompagnent.
- Bonjour, je suis Alex.
- Et moi Camille.
- B-Bon...jour...
Jusqu'ici je n'avais rencontré que Synalco et j'avais déjà été très surprise, mais là, voir Camille et Alex alors que je ne les avais jamais décrits fut vraiment impressionnant. J'ai l'impression d'être en présence de deux androgynes. Sans particularité, ni identification spécifique, leur apparence est d'une neutralité effrayante. Je ne les reconnais pas et cela m'angoisse.
Je cache mon visage entre mes mains et je gémis :
- Mais qu'est-ce qui se passe à la fin ?
- Nous sommes venus te chercher pour faire avancer les choses.
- Ah bon ? Mais Synalco est venu me voir, ... Sait-il que je suis là ?
- Oui. Il va bientôt nous rejoindre.
- Où sommes-nous ?
- Dans ton antre.
- Mon antre ?
- Dans ta tête. Plus précisément, là où toutes tes histoire sont créées et stockées.
Cette fois, c'est décidé, lundi matin, si je suis encore en vie, je vais moi-même m'inscrire dans un Hôpital Psychiatrique. Pourtant je regarde autour de moi et ce que je vois est incroyable. Je suis dans une grande salle avec plein de petites tables basses, recouvertes de livres et de feuilles volantes. Quelques étagères supportant de gros dictionnaires, et devant nous, deux portes : une grande et une petite.
- Chacune d'elle mène à un autre recoin de ton esprit, me dit Camille répondant à ma question muette.
- Vraiment ? Et... qu'est-ce qu'il y a derrière la petite par exemple ?
- Nous n'en savons rien. Nous sommes arrivés par la grande.
- Et donc derrière la grande ?
- Il y a notre monde. Celui que tu as créé et imaginé depuis toujours.
- C'est là-bas que les choses et les personnes disparaissent. Dit alors Alex.
- Le mieux c'est que tu ailles voir par toi-même.
- Ca ne va pas empirer les choses ? Je veux dire, c'est une contradiction que je sois ici, non ?
- Non, c'est justement nécessaire pour faire avancer les choses.
- D'accord. Je vais regarder, mais, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de plus ? J'ai suspendu les histoires...
Ah mais oui, ça, ils ne le savent pas. Je dois leur expliquer.
- Ne te donne pas cette peine. Synalco nous a tout raconté. Seulement, nous avons peur que cela ne suffise pas.
- Comment cela ?
- Même si les deux histoires que tu as écrites récemment sont sauvées, il y a toutes les autres, celles qui sont en attente d'être terminées.
Je suis un peu étourdie par ce que me dit Alex. J'ai donc tant d'histoires en train ? Je ne m'en étais pas aperçue. Il faut dire que j'écris beaucoup, certes, et je dois admettre que bien souvent, j'ai du mal à mettre un point final. Sans doute parce que je veux me laisser la possibilité de la continuer.
- Tu as commis juste une erreur. Reprend Alex.
- Laquelle ?
Il ne répond pas tout de suite, simplement, il s'approche d'une des nombreuses tables basses et il prend un petit tas de feuilles format A4. Il semble lire et je réalise en regardant d'un peu plus près que c'est mon écriture.
- Tu as fait mourir l'un d'entre nous. Dit-il à voix basse. Du coup, c'est difficile de continuer l'histoire de ce personnage.
- J'ai pourtant tout réécris ! Dis-je mi-énervée, mi-désespérée.
En parlant, je me mets à chercher sur la table l'histoire que j'ai réinventée il y a quelques heures à peine.
- Elle devrait logiquement être ici, quelque part !
Camille se met à chercher avec moi. Nous retournons tous les livres, les cahiers, et les feuilles.
Alex feuillette même les dictionnaires mais nous ne trouvons rien.
- C'est le temps que la mise à jour se fasse.
Je les regarde tour à tour, car ils semblent ne pas me comprendre.
- Oui, je veux dire que cette histoire est trop récente... peut-être qu'il faut un certain temps à mon cerveau pour l'enregistrer... comme une nouvelle mise à jour.
Alex et Camille se regardent et je crois voir une lueur dans leur regard.
- C'est possible oui.

Je suis presque fière de moi et de mon raisonnement. Je ne vois que cela pour expliquer le fait que l'on ne trouve pas la nouvelle histoire dans ma « Salle de Création » comme je l'ai baptisée.
Finalement, je trouve que ce n'est pas si mal comme endroit. Un peu bordélique, mais, j'aime bien ce que je vois. J'aurai ajouté des fauteuils ou des canapés ici et là, du genre confortable, avec des coussins, et mêmes des petites couvertures. D'ailleurs, je remonte la mienne sur mes épaules car je frissonne. Je me retourne et me cale contre le dossier de la méridienne. Voilà, c'est beaucoup mieux.
Je suis calée... je suis calée et donc, couchée ?
Je me réveille en sursaut, dans mon salon, dans mon appartement ! Et Angus qui joue à « Horizon Zero Dawn » en sourdine, sur la PS4...

****

- Coucou... Je balbutie.
- Coucou la dormeuse ! Attends, je mets sur pause dès que je peux...
- J'ai dormi longtemps ? Quelle heure est-il ?
Je n'attends pas sa réponse, mon téléphone portable me la donne. Près de dix-huit heures !
- Oui, tu as dormi toute l'après-midi. J'ai eu le temps d'aller chez mon père, revenir bricoler et retourner là-bas lui rendre les outils.
- Je... crois que j'ai rêvé...
C'est le moment, il faut que je lui parle, sinon je vais devenir folle.
- ... et pas seulement.
- C'est-à-dire ?
- Je dois te parler de quelque chose, un truc important qui m'arrive en ce moment...
- OK. Dis-moi.
Et j'ouvre le feu. J'essaie d'être synthétique, mais je suis obligée de donner des détails. Je résume tout depuis vendredi et je termine par ce début d'après-midi. Il m'a écoutée jusqu'au bout. J'attends à présent sa réaction.
Les seules preuves que je possède sont mon écran de téléphone portable fendu et la multitude d'appels provenant de numéros inconnus que j'ai reçus depuis vendredi soir.
Je suis contente de ne pas les avoir effacés, car j'aurai eu du mal à expliquer tout ça.
Angus semble perdu dans ses pensées. Je sais qu'il peut me croire, il est assez ouvert d'esprit, pourtant, je pourrai aussi comprendre que cela soit de trop pour lui.
- Mais, ils sont venus ici ?
- Non là s'était dans mon rêve de tout à l'heure, en revanche, je peux faire en sorte que tu rencontres Synalco.
- Ca va être très bizarre ça...
- Prends-le comme si c'était le « Dr Who » qui débarquait !
- D'accord. Mais, si cela ne concerne que toi, et que j'intervienne, je pourrai alors devenir une interférence dans tout le processus de sauvetage, ou leur faire peur ?
- Peur ? Je ne pense pas, mais, si ton scepticisme est trop évident, ça risque de créer des blocages...
- Oui, comme dans les séances de spiritisme.
- OK. Mais si l'un ou l'autre est là, et que tu arrives, ...
- Eh bien, on verra à ce moment-là. En fait, je pense que je me sentirai un peu gêné de les rencontrer et en même temps, je suis curieux.
- Je comprends, mais ce serait vraiment le moyen pour moi de savoir si une fois pour toutes, j'hallucine ou non !
- Tout à fait d'accord, espérons que c'est réel, mais c'est complétement délirant !

Je me lève et vais me blottir dans ses bras.
- Je te jure que je ne suis pas folle, tu as vus les appels que j'ai reçus... J'essaie encore de me justifier, même si ce n'est plus la peine.
- Je te crois, tu n'es pas folle.

Ce soir je me couche avec un poids en moins sur le cœur. Avoir tout dit à Angus m'a fait un bien fou.
Oui, fou ... et, j'espère que je ne vais pas faire de mauvais rêves ...

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