Chapitre 7

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Dimanche (suite)

Je me mets à recopier trois pages entières. Plus j'avance, plus un nœud se forme au creux de mon ventre. J'en ai même des picotements aux mains tant le doute m'envahit. Si je publie cette histoire et que Synalco disparaît, que va-t-il se passer pour les autres ? Jusqu'ici, il est le seul lien qui me permette de communiquer avec eux. La preuve étant que Yanel et Lysandre lui parlent.

Je n'ai pas encore voulu y réfléchir vraiment, mais comment est-ce que Synalco a fait pour venir dans ma réalité ? Qu'est-ce qui lui a permis de quitter mon monde imaginaire ? Pourquoi et par qui a-t-il été choisi pour être le porte-parole des autres personnages ?
Je m'arrête de recopier, toutes ces questions me perturbent vraiment et je me sens soudain inutile. Je suis fatiguée et je ne vois pas de solution à tout cela. Si au moins j'avais la réponse de l'une ou l'autre, peut-être que cela m'aiderait, ou du moins, me rassurerait pour que je puisse continuer.
Il est presque treize heures. Mon portable sonne à nouveau.
- C'est moi. Je suis avec Camille...
- Super !! Donc ça marche vraiment !!
- Oui !
Je ferme les yeux et je pousse un soupir de soulagement. Oui, ça fonctionne, mais alors, ça veut dire que je ne pourrai plus jamais mettre mes histoires en ligne ? Ce n'est pas non plus une obligation en soi, simplement, j'avais réussi à franchir un premier cap en faisant cela. Car au final, j'avais envie d'aller plus loin, à savoir, imprimer une version papier, un vrai livre.
Tout à coup je suffoque, ... je ne lui ai pas encore dit ... Diantre !!!
- Qu'est-ce que tu ne m'as pas dit ?
- Oh misère, je suis tellement désolée...
- Tu as... Et il s'arrête. Il a lu mes pensées, et il ne dit plus rien. Je suis paniquée à l'idée qu'il m'en veuille.
- Non, je ne t'en veux pas, mais, je ne le savais pas, tu comprends, tout peut encore changer...
- J'ai passé la commande la semaine dernière, et il y a un délai de six à huit jours pour imprimer le livre. Enfin, les deux...
- Il nous reste combien de temps ?
- Voyons, en comptant ce week-end, j'imagine que je devrai recevoir les exemplaires mercredi prochain.
- Un exemplaire de chaque histoire, c'est bien ça ?
- Heu... en fait deux de chaque, mais je ne sais pas si ça va changer grand-chose.
- Si, sans doute le nombre de livres que tu devras détruire.
Détruire ? De quoi parle-t-il ? Non, je ne veux pas détruire mes livres ?
- Il le faudra bien, sinon, comment sauver notre monde ?
- Je... je sais mais, c'est rude tout de même... Attendons de voir ce qui se passe, puisque Camille est revenue, je présume que les autres aussi ? Elle a dit quelque chose à leur propos ?
- Non, elle n'a pas eu de contact avec Alex.
- D'accord. Donc, pour le moment, de mon second livre, sont revenus Yanel et Lysandre et du premier, Camille...
- C'est ça. On n'a aucune nouvelle des autres personnages annexes.
- Cela ne doit toucher que les personnages principaux alors... Je me parle plus à moi-même en fait en disant cela, car je regarde mon écran et je lis des passages concernant Synalco et Giacomo. Je m'aperçois trop tard que je me suis trahie.
- Non, NON ! Ne fais pas ça !!
La voix de Synalco est soudain devenue ferme et son ton presque menaçant.
- Je t'en prie, c'est beaucoup trop risqué, si je disparais, comment est-ce que je vais pouvoir retrouver Gio ?
- Justement, l'idée est de publier votre histoire et ensuite de la suspendre, normalement cela devrait marcher !
- Je... je n'en suis pas certain... ça me fait peur, sérieusement, je t'en prie, ne le fais pas.
Sa voix s'est radoucie, pour ne pas dire qu'elle est presque inaudible tellement il est aux abois. Il a réellement peur, je le sens. Mon cœur bat très vite et très fort, la dernière chose que je souhaite c'est lui faire de la peine, surtout à lui. Il est mon premier personnage, et c'est un peu comme mon enfant. Je prends une profonde inspiration et dis :
- Entendu, je ne vais pas publier l'histoire. Je ne vais que la continuer pour recréer un environnement commun à vous deux. D'accord ?
- D'accord.
Cette fois c'est moi qui semble pouvoir anticiper ses envies.
- Je vais vous inventer un nouvel appartement, je sais que le tien s'est évaporé aussi.
- Oui... merci.
J'entends à peine sa voix, il ne va pas disparaître pendant qu'on se parle tout de même !
- Synalco ? Tu es toujours là ? Tu m'entends ?
- Oui... je t'entends. C'est dur tu sais, et j'ai parfois la sensation que tout nous échappe. Les autres sont inquiets malgré tout et ça déteint sur moi.
- Je comprends, je fais de mon mieux tu le sais... Si tu pouvais m'aider encore un peu...
- En faisant quoi ?
- En m'expliquant par exemple comment tu as fait pour me trouver, pour être là, dans ma réalité.
- Je n'en sais rien, c'est venu comme ça. Un matin, j'ai cherché Gio chez nous, et puis, en sortant de l'appartement, j'ai marché dans la rue toujours à sa recherche. J'ai passé toute une journée comme ça, à le chercher partout. En revenant à l'appartement, Yanel était devant ma porte. Il m'a raconté que Lysandre avait disparu.
- Mais comment Yanel t'a trouvé ?
- On se connait tous, puisque nous sommes voisins.
- Ah bon ?
- Oui. Enfin, voisins c'est une manière de dire que nous vivons proches des uns et des autres, dans ton imagination.
- Et comment tu as atterri dans la forêt vendredi dernier ?
- J'imagine qu'à force de... chercher Gio, de me demander où il pouvait être, indirectement, j'ai dû penser à toi et c'est... bizarre, même pour moi, je me suis retrouvé à marcher le long de la route où l'on s'est vus.
- Juste en pensant à moi ?
- Nous sommes liés, je viens de ton imaginaire, et je sens que tu penses souvent à moi aussi ces deniers temps.
Je reste coite. Il n'a pas tort. Je dois admettre que depuis que j'ai décidé de publier sur le Net mes histoires, il se trouve que je repense souvent à lui. Déjà parce que j'ai utilisé son nom comme pseudo, et ensuite, parce que finalement, tous mes personnages ont un peu de lui en eux. Soit par le biais de leur aspect physique soit par leur profil psychologique.
- Je sais que tout cela est dérangeant et surtout, complétement surnaturel, mais c'est Ma Réalité... et j'ai besoin de toi.
Il me dit ça juste avant de raccrocher, me laissant à mon tour, seule et désemparée.

La porte d'entrée s'ouvre et Angus arrive.
- Coucou ! J'ai presque terminé ! Me dit-il avec un grand sourire en m'embrassant et en allant se servir un verre de jus de fruit du réfrigérateur.
- Tu as presque fini... quoi exactement ?
- Ma machine à fabriquer des gouttes d'eau !
Il a l'air très satisfait. Sa passion c'est le bricolage, et il sait aussi se donner les moyens pour pouvoir s'adonner à elle. Au moins les achats chez Bricopipo ont servi...
- Et toi, tu écris ?
- Oui...
- Une nouvelle histoire ?
- Pas vraiment... c'est un peu compliqué...
Et si je lui racontais tout ? Qu'est-ce que je risque ? Qu'il me prenne pour une folle ? Il est ouvert d'esprit et il aime les histoires fantastiques, traitant de science-fiction, alors, pourquoi ne pourrait-il pas admettre la mienne ?
Je suis en train de me demander comment la lui résumer quand il m'interrompt.
- Je mange un morceau et je vais faire un saut chez mon père lui emprunter un outil.
- Ok.
Ce n'est pas le bon moment en l'occurrence.
- Tu manges avec moi ?
- Oh, je vais grignoter, je lui réponds avec un clin d'œil. C'est une vilaine manie que j'ai de toujours picorer dans son assiette. Bien qu'il n'aime pas ça particulièrement, il ne me l'interdit pas.
Je le laisse à ses préparatifs et je retourne à ma tâche.

15 Heures :
Angus s'en va et j'ai terminé mon histoire pour Synalco et Giacomo. Je m'allonge sur le canapé en allumant la télévision. J'espère que Gio va réapparaître et je zappe sur toutes les chaînes en quête d'un programme intéressant... Je dois être difficile, car pour finir, je mets un DVD devant lequel je m'endors très vite.

C'est vraiment magique, je décide de mon rêve. Je souhaite que tout s'arrange, je vois mes personnages autour d'une grande table, je suis avec eux et on mange tous ensemble. Et, c'est Angus qui est au barbecue ! Idéal ! Puis tout à coup, des coups de marteau résonnent. Angus bricole à la cave ? Mais non, il me sert une merguez... Alors quoi ? Ces coups de marteau,... d'où proviennent-ils ?
Quelqu'un frappe à ma porte d'entrée. Décidément...
Je me lève et je regarde par le judas. Ce que je vois me pétrifie. Je ne peux pas ouvrir, non, ce n'est pas possible !

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