Samedi (suite)

15H :
Je suis rentrée chez moi. Angus bricole dans le garage et j'en profite alors pour m'atteler à ma tâche. Je vais me coucher et je prie le Dieu des auteures de nouvelles, de me bercer dans un doux sommeil, afin que je puisse rêver...

16H :
Impossible de dormir et je n'arrive pas à me focaliser suffisamment sur une histoire pour la modifier. J'ai essayé en prenant Lysandre et Yanel, mais je mélange trop de choses, entre les lieux, les personnages, et le stress de devoir réussir, rien ne se passe comme il le faudrait. Je sors de la chambre avec un mal de crâne intense et un grand sentiment de frustration.
Je m'installe sur le canapé et prends mon portable pour me changer les idées, je consulte mes emails, quand je m'aperçois que j'ai une notification de l'application « WordPaddy ».
WordPaddy c'est une plateforme sur le web qui permet à tout un chacun d'y publier ce qu'il écrit et d'y lire les œuvres des autres auteurs, tout cela gratuitement. Et en l'occurrence, j'ai eu un commentaire à propos d'une nouvelle que j'ai publiée. J'ai le cœur qui bat plus vite d'un seul coup, j'appréhende un peu, recevoir des critiques c'est toujours risqué selon moi, même s'il faut les prendre dans un but d'amélioration possible... enfin, j'y suis et je découvre le message.
« Wow. Quelle histoire ! Romantique, prenant, intense et parfois angoissant... tout pour plaire, Il faut continuer ... ! »
J'en ai le souffle coupé tellement je suis surprise et agréablement de surcroît ! Je n'arrête pas de relire ce petit commentaire et je souri béatement. L'écriture est une échappatoire à mon quotidien, et c'est un réel plaisir en soi. Je m'y adonne depuis si longtemps, et ce n'est que très récemment que je me suis mise à publier sur Internet. C'est très modeste, en passant par cette plateforme, je garde mon anonymat. Jusqu'ici je n'en ai publié que deux, et, c'est une révolution pour moi.
Je navigue un peu dans l'application et je m'amuse à lire l'une d'elles et là ... je constate un souci.
- Qu'est-ce que ça veut dire ces doubles copier/coller ?
Dans l'un des chapitres, des paragraphes sont dupliqués, et d'autres tronqués. Malgré toutes mes tentatives de mise à jour, j'ai beau vérifier encore et encore, le problème persiste. Lassée de voir que rien ne va, je décide d'annuler la mise en ligne de ce chapitre.
-Voyons... la formule consacrée en générale c'est « Chapitre en cours d'écriture, merci pour votre compréhension.» Voilà !
Satisfaite, je repose mon portable et réfléchi à ma mission. J'aimerai revoir Synalco pour lui parler, et lui dire que je n'arrive pas à changer l'état des choses en les imaginant seulement. C'est trop lourd, trop compliqué à réaliser.
Pour me changer les idées, je décide de faire un peu de rangement, la poussière et passer l'aspirateur, ça, j'arrive à le contrôler, et je dois dire que je maîtrise bien la chose. Je viens de finir pour passer à l'étape serpillère, quand mon homme arrive.
- Coucou ! Juste pour te dire, je dois faire un saut chez Bricopipo, tu veux venir ?
- Juste là-bas, ou on fait quelques courses ensuite ?
- On peut faire ça aussi.
- OK, j'arrive !
Chic ! J'adore ça, faire les courses ! Je laisse tout en l'état, et je le suis. J'ai besoin d'une pause et peut-être que j'aurai une idée en déambulant dans les allées de l'Hypermarché.

17H :
Nous voici chez le leader du bricolage. Mon Amour sait apparemment exactement ce qu'il veut car il file directement vers le rayon visserie.
- Je vais vite faire un tour au rayon salle de bain. Je l'informe.
- Ça marche !
Je le laisse aller et je profite de ce moment pour réfléchir un peu. Est-ce que je change les accessoires de notre salle de bain ou non ?
- Moi je trouve qu'ils sont très bien ! Dit une voix derrière moi. Cette voix en particulier. Je me retourne et je vois Synalco qui me sourit.
- Salut ... Je...
En fait je suis si surprise que je jette un coup d'œil rapide autour de nous pour voir si nous sommes « seuls » dans le rayon. Je l'entraîne vers les cabines de douches, c'est plus discret. C'est là que je remarque son sourire.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Est-ce que les choses ... ont changé ?
- Oui ! Ça a fonctionné !
- Mais quoi ? Gio est revenu ?
- Non, pas Gio, mais, Lysandre oui.
- Lysandre...
Je répète ce prénom et me demande comment c'est possible. J'ai essayé d'imaginer son retour tout à l'heure, avec beaucoup de peine je dois dire, j'étais d'ailleurs persuadée d'avoir échoué, est-ce que cela aurait marché quand même ?...
- C'est très encourageant ! Il faut que tu continues, je ne sais pas comment tu t'y es prise, mais il ne faut pas que tu arrêtes.
Je regarde Synalco, il est radicalement différent du type que j'ai vu pleurer il y a trois heures. Son sourire illumine son visage et il est diaboliquement beau. Ça me touche énormément, car j'ai le sentiment de réparer quelque chose de vraiment important. Savoir qu'on est le sauveur d'un monde, ça donne un peu le tournis !
- Quel soulagement ! Je vais continuer sur ma lancée alors. Mais, comment as-tu su que Lysandre était revenu ?
- Parce que Yanel me l'a dit.
- Il est ici aussi ? Je regarde encore autour de nous, et soudain j'aperçois mon Chéri qui arrive dans notre direction, et il semble qu'il ne nous a pas encore vus. Je coupe cours à notre entrevue :
- Il faut que j'y aille.
- OK. Je t'appelle si ça évolue encore.
Je m'éloigne rapidement et intercepte mon mari juste à temps.
- Tu as tout ce qu'il te faut ?
- Oui ! Et il me montre des petits paquets de vis et autres écrous qu'il tient en main.
En me retournant, je ne vois plus Synalco, le rayon est vide.

Dans la voiture, sur le chemin du retour, un sentiment étrange m'envahit. Je me demande vraiment si tout cela est réel. Les apparitions et les disparitions de mon ami imaginaire sont si, soudaines et inopinées, qu'elles pourraient n'être que le fruit de mon imagination très fertile. J'ai agi sur une impulsion tout à l'heure et je le regrette à présent. Si j'avais laissé mon cher et tendre nous rejoindre, et s'il avait vu Synalco, cela aurait levé tout doute.
D'un autre côté, si je découvrais que tout cela n'est qu'illusion, je serai dépitée, déçue, voire malheureuse, mais surtout bonne pour l'asile !
Pour le moment, j'ai réussi à faire revenir un personnage, donc il faut que je persévère, mais en rentrant des courses, je suis trop fatiguée. Je m'y mettrai cette nuit.