Chapitre 4

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Samedi

Il est plus de 10 heures quand la faim me sort de mon sommeil. Je me lève doucement pour ne pas réveiller mon homme et je file à la salle de bain pour me rafraîchir et surtout consulter mes messages si j'en ai... et c'est le cas ! Enfin, fausse joie, car « ... le correspondant a cherché à vous joindre sans laisser de message ! » Fichtre !

Déçue je vais manger, j'ai tellement faim que j'en ai des tremblements. Je vérifie pour la énième fois que mon portable est bien fonctionnel, pas de hors-ligne, le son activé, ... et je mange enfin.
Comme je ne sais pas si mes modifications ont eu un impact sur la vie de Synalco, je ne me remets pas à l'écriture. Il faut d'abord qu'on se parle.
Et là, j'ai un appel de mon numéro inconnu ! Je décroche, fébrile.
- Bonjour.
Je reconnaîtrais sa voix entre milles à présent. J'essaie de me calmer et surtout de respirer.
- Bonjour.
- Comment tu vas ? ....
- Pas beaucoup dormi, tu t'en doutes ...
- Je sais oui.
- Alors, est-ce que les choses ont ... changé ?
- Non.
- Non ??
Mince alors, pourquoi ? Je me sens prise en faute, je ne comprends pas. J'ai l'impression d'avoir mal fait quelque chose, comme une bêtise. Je cherche une solution et il me dit encore :
- Il faut qu'on procède autrement, apparemment juste en modifiant l'histoire, ça ne suffit pas.
- Je ... suis vraiment désolée, je ne sais pas comment faire sinon ...
- Ne t'en fais pas, on va trouver. Je vais réfléchir de mon côté aussi.
- Est-ce que tu crois qu'on ...
- Oui ... quand tu veux.
Je suis de nouveau sous le choc, il a lu mes pensées évidemment, et donc, je ne sais plus comment continuer, du coup c'est lui qui parle pour moi.
- On peut se voir oui, cette après-midi si ça te va.
- Parfait. On dit ... on dit à treize heures ?
- Entendu. Où ?
Bonne question, où ? Je n'en sais rien. Ah mais oui ! Mes parents sont repartis en voyage et je garde la maison. Alors, on peut se voir là-bas.
- OK. J'y serai. A tout à l'heure.
Je ne lui demande même pas s'il veut l'adresse ....
- A tout à l'heure, je réponds avant de raccrocher.

Je reste ainsi, le téléphone dans ma main, le cerveau en ébullition et surtout, avec un sourire aux lèvres à cause de l'excitation que toute cette histoire provoque chez moi. Je termine mon petit déjeuner et m'active aussi silencieuse que possible pour ne pas réveiller mon noctambule de mari.
Je suis habillée et malgré tout, je m'installe à mon ordinateur, la page blanche de Word me défiant avec le petit curseur qui clignote... je ne sais pas quoi faire. Apparemment, le fait d'avoir écrit une autre histoire, avec Giacomo, n'a pas changé les choses. Est-ce qu'il était censé apparaître à Synalco comme par magie ? Comment est-ce que Synalco devait voir la différence, là est toute la question. Je pense qu'il ne le sait pas lui-même.

Quand enfin mon chéri se lève, il est près de midi. Je suis en transe, j'ai hâte de partir pour retrouver Synalco, et pour m'échapper plus vite, je prétexte devoir mettre de l'essence et devoir arroser les plantes chez mes parents. De toute manière, Choupinou est fatigué et je sens qu'il va s'échouer sur le canapé dès que je serai partie !

12h30 :
Je suis chez mes parents, en avance, bien entendu, mais ça me permet de réfléchir autrement. En conduisant j'ai eu l'idée suivante : et si j'écrivais une histoire où Synalco allait chercher lui-même Giacomo dans l'au-delà ? Je m'explique, si j'ai fait mourir Gio, je pourrai l'avoir fait de manière purement rhétorique, il n'est sans doute pas « mort » au sens propre, mais son personnage pourrait être ailleurs, rangé dans un tiroir de mon esprit.... Soudain, on frappe à la porte d'entrée, c'est lui.

J'en ai le souffle coupé de nouveau. Mon Dieu que ses yeux sont magnifiques; je rougis et je le laisse entrer. Il est toujours vêtu de noir, comme la veille et je constate qu'il est bien plus grand que moi et mes talons de 10 cm. Je le guide jusqu'à la cuisine. Je sais qu'il lit dans mes pensées, pourtant je ne peux m'empêcher de l'admirer. Il a relevé ses manches et je découvre que ses bras sont musclés, imberbes. Sa veste est nouée autour de sa taille, ce qui la souligne et la met en valeur. Il porte un pull en col V, je peux ainsi voir la base de son cou, et je lui trouve un petit air sexy comme ça.
On s'installe sur les tabourets du bar de la cuisine, et il lâche d'une traite :
- Je suis vraiment désolé de débarquer comme ça dans ta vie, et je te dois une explication. La vérité, c'est que, le monde que tu nous as inventé à Gio, moi et ... les autres, est en train de s'effondrer petit à petit. Et nous sommes tous terrifiés à l'idée de disparaître totalement. C'est pour cela que je suis venu te voir. Et ... je t'avoue que j'en profite pour que tu me « rendes » Giacomo...

Je suis stupéfaite, c'est encore plus délirant que ce que j'avais imaginé. Mon monde imaginaire s'écroule ? Impossible, je suis sans arrêt en train de l'alimenter ! On n'est pas dans « Histoire sans Fin » ! Je déglutis et essaie de comprendre ce qu'il vient de me dire.
- Mais comment est-ce possible, je ... j'écris toujours, enfin, je ne comprends pas !
- Je sais. Moi non plus. Personne d'ailleurs ne comprend. Nous vivons au gré de tes imaginations, et bien souvent, tout se passe bien, pourtant, quelque chose détruit notre monde.
- Je ... ne vois pourtant pas ce qui a provoqué ce changement...Et ça a commencé quand ?
- Te donner une date est difficile, mais c'est assez récent.
- Tu crois que ça vient de moi ? Je suis toujours la même, je n'ai pas changé !
- Je ne pense pas que cela vienne de toi. Ce qui est perturbant surtout, c'est que nous n'avons aucun contrôle, puisque c'est toi qui nous fais vivre...
- C'est juste incroyable...
- Quelqu'un d'autre ou quelque chose d'autre interfère dans ton imaginaire et cherche à nous détruire, je ne vois que ça...
Là, je ne sais plus du tout quoi lui répondre et nous restons ainsi, à nous regarder, impuissants.
Au bout de quelques instants, je reviens à la réalité, et lui demande s'il a mangé. C'est tellement bizarre comme situation, que je ne sais même pas s'il a des besoins vitaux normaux...
- Non, ça va aller, ne t'en fais pas. J'ai juste besoin de ...
Et là, il flanche. Les larmes sont montées si vite, que je n'ai pas le temps de réaliser ce qui se passe. Il cache son visage dans ses mains, et il se met à pleurer.
Je me lève de mon tabouret et m'approche de lui, hésitante, puis, finalement, je le serre dans mes bras. Il se laisse faire et je le sens qui s'abandonne.
- Il me manque tellement, c'est tellement dur sans lui ... Me dit-il alors en se dégageant de mon étreinte pour me regarder. Il est bouleversant de beauté et de fragilité d'un seul coup et cela m'émeut encore plus.
Je lui caresse le visage et essuie les larmes qui mouillent encore ses joues.
- Je vais tout faire, tu m'entends, je te promets de tout faire pour que Giacomo revienne.
- Par où commencer ? J'y ai repensé et, je ne vois pas comment ...
- Je pense qu'il faut qu'on reprenne tout depuis le début.
- C'est à dire ? Il renifle et se mouche dans la feuille de papier essuie-tout que je lui tends.
- Je veux dire, que je vais reprendre depuis le moment où je vous ai fait vous rencontrer.
Il secoue la tête :
- Non, tu as déjà essayé de ...
- Justement non, j'ai essayé de continuer votre histoire, là je te parle de la réécrire entièrement.
- Mais alors, ... c'est nous qui allons changer ?
- Pas nécessairement, je garde vos personnalités, et l'intensité de vos sentiments, je ne ferai que modifier la trame chronologique, de sorte que vous ne vous quittiez pas.
- Et pour les autres ? Pour tout le reste ?
- Il faut que tu m'en dises plus. Qu'est-ce qui se passe exactement ?
Il inspire profondément et ferme les yeux pour mieux se concentrer.
- Comme je te le disais, c'est difficile de donner un point de départ à tout ça. Les choses, je veux dire, notre environnement, s'est mis à changer. Comme si des lieux disparaissaient. Par exemple, le lycée où vont Marc, Sophie et les autres s'est tout simplement volatilisé ! Au début, on a cru que tu voulais modifier leur histoire et donc, nous ne nous sommes pas vraiment inquiétés. Puis, Yanel est arrivé un matin, complétement paniqué, en disant que Lysandre avait disparu. Il n'avait plus aucune nouvelle de lui et à l'entendre, je peux t'assurer qu'il ne plaisantait pas. Des personnages et des lieux disparaissent. Et si tu veux tout savoir, ... mon appartement aussi s'est dématérialisé.
Je l'écoute et je reste bouche-bée. Comment est-ce que cela est possible ?
-Procédons par ordre. On va faire une liste des disparus. Objets, lieux, personnes.
Au bout d'une vingtaine de minutes, nous avions une belle liste : près d'une trentaine de personnages. Je prends conscience de l'énormité de la chose et ça me paralyse. Nous restons tous les deux ainsi, à regarder cette liste de noms, impuissants.
-Je ne peux pas tout réécrire, c'est... Enfin, la tâche est rude ! Si je dois le faire, Mon Dieu, ça va me prendre beaucoup de temps, ...
- Et c'est là que je persiste à dire que je ne suis pas certain qu'il faille que tu le fasses.
- Et donc ? Qu'est-ce que tu suggères ?
- Plutôt qu'essayer de trouver une sorte de solution, il faut qu'on trouve d'où vient le problème.
- Entendu, mais pour le moment, les choses continuent de s'aggraver, pendant que nous parlons, non ?
Synalco soupire et acquiesce.
- De toute manière, si je ne réécris pas « tout », il faut au moins que j'arrive à stopper la progression de cette... chose, qui détruit tout, dis-je en le regardant bien dans les yeux.
- En partant de la liste, si je te suis bien.
- Exactement.
- Et comment tu vas t'y prendre ?
- Devine !
Et là il se redresse et me défie presque du regard :
- Juste en « imaginant » ? Ça ne suffira pas !
- C'est le plus simple et le plus rapide. Me mettre à écrire, on a vu que ça ne marchait pas, alors, je vais essayer autrement, et effectivement, je vais le faire par ce biais-là ! Dis-je en pointant ma tempe avec mon index.
- Et ça va te prendre combien de temps ?
- Je n'en sais rien au juste, je dois me concentrer. Soit je le fait toute éveillée, soit en dormant.
Je l'observe pour voir sa réaction. Depuis quelques instants, il semble ne plus lire dans mes pensées. Est-ce qu'il le fait exprès ou bien en a-t-il perdu la faculté ? Je n'ose pas lui demander, parce que d'un seul coup, j'ai peur qu'il ne panique et qu'il ne disparaisse.
Si cela se peut, il n'a pas conscience de cela, et lui en parler l'effraierait. Non, je ne lui dirai pas mes pensées.
-Je vais te laisser alors, si tu as décidé de faire ainsi, il vaut mieux que je ne te dérange pas.
Il se lève du tabouret et se tient debout devant moi. Il hésite à partir, je le vois bien, je le sens.
Nous restons de longues secondes à nous regarder, et sans rien dire, il me prend dans ses bras et me serre très fort.
- Merci pour tout... A plus tard.
- Je t'en prie ... c'est tout naturel ....

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