Chapitre 1

9 minutes de lecture

Vendredi

17h30 :

C'est le moment creux de la journée au travail. Ce moment particulier où je n'arrive plus vraiment à me concentrer et où je m'attèle plus à des tâches d'ordre pratiques, voire, manuelles.

Et puis, c'est aussi à ce moment que j'en profite pour écrire. J'écris ce qui me passe par la tête, comme en ce moment même, ou alors je peaufine des textes déjà rédigés auparavant.

Pour le coup, je ne me suis pas lancée dans une nouvelle histoire, depuis quelques semaines. Je lis et relis encore et encore celles que j'ai écrites et je n'en finis plus de les modifier... je tourne un peu en rond.

L'heure passe, enfin la délivrance, je me remets à écrire. Je suis contente, l'inspiration me vient au fur et à mesure que mes doigts courent sur le clavier de mon ordinateur.

Là, une idée me vient en effet, et je me mets à la développer... Avec un peu de chance, en relisant plus tard, j'aurai de quoi me motiver pour étendre encore plus le sujet.

Il est l'heure de partir. Et je suis déjà prête à quitter le bâtiment, un dernier coup d'œil pour vérifier que je n'ai rien oublié : fenêtres et volets fermés, lumières éteintes, cafetières et la bouilloire aussi... je sors.

Ma voiture est garée juste devant le bâtiment où je travaille, c'est pratique. Je m'installe au volant et démarre le moteur. Ca ronronne gentiment et je quitte ma place de parking doucement, car ici, il y a toujours des piétons... Je mets la musique.

Heureusement que je ne travaille pas au centre-ville, ce qui me permet je pense, je pouvoir éviter les bouchons habituels aux horaires de pointe. J'arrive très vite en périphérie et en moins de 15 minutes, je suis en pleine forêt. Je roule en mode automatique, je suis un peu dans mes pensées, et j'aime bien ça. C'est souvent en voiture que des idées me viennent pour écrire. Je suis en train de me figurer un scénario mentalement quand la file de voiture devant moi freine.

Je fais pareil.

On est presque à l'arrêt, ... j'attends un peu, pas la peine de s'énerver, ... une voiture tourne apparemment au niveau de la maison forestière. D'accord...

Et la file de voiture repart pour atteindre son allure normale. Soudain, dans l'accélération, j'aperçois sur le bas-côté droit une personne qui se tient debout, immobile, vraiment sur le bord de la route.

Je serre les dents et fais un écart pour ne pas la raser de trop près. Mais en faisant cela, nos regards se croisent. C'est rapide, je ne sais pas si c'est un homme ou une femme, juste une silhouette noire, habillée d'un pantalon et d'une veste, dont la capuche est rabattue sur la tête.

J'ai soudain une sorte de vertige qui me prend, c'est bizarre, comme un déjà-vu. Je ralentis instinctivement, je regarde dans le rétroviseur, la personne à pivoté et semble regarder dans ma direction aussi. J'ai toujours le pied sur le frein. Je dois vite réagir, derrière moi il y a aussi une voiture.

Je mets le clignotant à droite et essaie tant bien que mal de m'immobiliser sur le bas-côté. J'ai dû parcourir au moins 200m... ou plus, et je regarde dans le rétro, est-ce que la personne est toujours là ? Mon cœur bat très vite, et je déglutis pour me calmer. Oui, elle est toujours là, tournée vers moi. Elle ne bouge pas.

Je fixe le rétro, le cou tendu en avant, bloquée comme ça, je commence à ressentir une douleur au niveau des tendons de ma nuque. Je n'arrive pas à voir distinctement si la personne avance ou non... J'ai encore un pied sur le frein et l'autre sur l'embrayage. Je tiens la voiture en arrêt comme ça.

Rien ne bouge de « son » côté. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je baisse la musique pour me concentrer et je me repasse la scène : je passe devant, je l'évite, je croise son regard, mais j'ai la sensation qu'il faut que je m'arrête ... C'est presque de l'inconscience, et si c'était un tueur en série ? Je reviens sur terre. Apparemment, je ne gêne pas les autres voitures qui passent ? OK. C'est déjà ça. Je ne vais pas sortir de la voiture non plus. Je regarde encore dans le rétro et soudain, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. La personne a bougé, là-bas au loin, elle s'est avancée très vite d'un seul coup. Je trouve qu'elle est très proche de moi... j'hésite : je passe la première et je repars ? Ou j'attends de voir ce qu'il en est. Si ça se peut, c'est un simple auto-stoppeur. Mais je n'ai pas vu son pouce levé ... je passe au point mort, car la tension se fait aussi ressentir dans mes mollets !

Mes portes sont fermées et verrouillées de toute manière, je ne risque pas grand-chose. J'ai une bouffée de chaleur soudaine qui me met mal à l'aise. Je regarde encore une fois dans le rétro ... plus personne et je me retourne complètement sur mon siège pour regarder directement par la vitre arrière. Et d'un seul coup, à ma fenêtre côté conducteur, on frappe.

Je fais volte-face et je regarde. Des yeux me fixent. Je ne vois pas le bas du visage, qui est masqué par une espèce de foulard. Juste ces yeux, qui me fixent intensément. Ils sont magnifiques, bleus verts clairs, frangés de longs cils noirs, ça me trouble et je rougis un peu. J'essaie d'ouvrir la fenêtre et comme souvent, c'est celle côté passager arrière qui bouge ! Je rattrape le coup et pendant ce temps, l'autre découvre son visage complétement et retire sa capuche.

Je reste boquée, mince alors ... c'est un garçon, un jeune homme du moins, je n'arrive pas à évaluer son âge. La vitre est enfin descendue et le bruit des voitures qui passent à toute vitesse couvre presque ma voix quand je lui dis :

- Faites le tour ! C'est trop dangereux de rester de ce côté ! Et il s'exécute.

Je remonte ma vitre et descends celle du côté passager avant. Il se penche à nouveau et me dévisage sans rien dire. Jusqu'ici, il n'a pas dit un seul mot en fait.

- Je vous dépose quelque part ?

Aucune réponse. Il ne comprend pas le français ? Il me regarde vraiment sans détour, son regard est franc, mais pas agressif. Il ne sourit pas, mais pour autant il n'a pas l'air menaçant.

Nous restons ainsi à nous regarder. Je ne sais plus trop ce que je ressens, en tout cas, je n'arrive pas à détacher mon regard du sien. J'ai l'intime conviction que je ne dois pas partir, et que je dois l'aider. Et je lui dis :

- Montez !

Il s'exécute encore. Sans changer d'expression, il monte dans ma voiture. Il est grand, si j'en juge par le fait que ses genoux touchent presque le vide poche, alors que le siège est reculé à fond.

Je le vois attacher la ceinture, et je passe la première. J'agis automatiquement : je vérifie mes rétros, je mets de clignotant à gauche et dès que je le peux, je m'engage à nouveau sur la route.

Je prends ma vitesse de croisière. Un bon 92 km/h ... je me concentre sur ma conduite. Il ne dit rien, mon passager reste silencieux, pourtant je sens son regard tourné vers moi.

Je jette un œil et croise son regard, je me sens rougir de nouveau ... en plus il est mignon ... je souris un peu et essaie de trouver une raison logique à tout cela.

En fait, je n'y comprends rien du tout, je ne me sens pas en danger, je suis juste poussée par une force invisible qui me dicte mes actes.

Nous roulons toujours en silence, je n'ose plus demander si je dois le déposer quelque part, j'ai la certitude que je romprai le charme qui est en place.

Dans ma tête, je délire, c'est comme une de mes histoires, ou du moins, comme ces trucs que j'imagine. La situation est particulière, je ralentis, j'arrive à un rond-point et j'en profite pour lui couler un regard. Mince ! Il me regarde encore !!

Je fais le tour du giratoire et m'engage sur une autre route, qui traverse un petit village, celui avant le mien. Il ne me reste plus beaucoup de temps.

Finalement, je décide de m'arrêter. La première place le long d'un trottoir est mon parking.

Je coupe le contact et je me tourne vers lui. Il me regarde toujours, il est calme et son visage est détendu, serein. Je le dévisage, sans rien dire. Il se laisse faire, et je prends mon temps pour le détailler. Quel âge peut-il bien avoir ? 22, 24 ans ? Il a l'air jeune en tout cas. Il est vraiment très beau en fait. Je remarque qu'il a un petit grain de beauté au-dessus du coin externe gauche de sa lèvre supérieure, et un autre au coin de l'œil droit. L'ovale de son visage et fine, bien dessinée et ses mâchoires sont à peine carrées. Il a un petit nez et des lèvres bien ourlées. Elles frémissent un peu, ça y est ! Il va dire quelque chose ? Non ... je préfère. Je n'ai pas fini mon examen de toutes les façons. C'est délirant, il y a un inconnu dans ma voiture, qui ne m'a encore rien dit et que je dévisage presque de manière « intrusive » sans qu'il ne réagisse. Il respire doucement, et je vois qu'il m'étudie aussi. Je sais que je ne suis pas vilaine, mais à côté de lui, je me sens un peu ... enfin, carrément moche !

Ses cheveux sont un peu en bataille, châtains clairs, et ils lui retombent sur le front en mèches rebelles. Il me rappelle quelqu'un ... Je fronce un peu les sourcils.

J'arrête là mon examen de son visage et soupire un peu. Mon regard se pose alors sur ses mains, posées sur les genoux. Elles sont grandes et fines, tous comme ses doigts. Ses vêtements sont propres à ce que je vois. Un jean noir et un pullover, le tout surmonté d'une veste à capuche, noire, elle aussi.

Il n'a pas de sac à dos, rien. Je lève les yeux et là, je m'aperçois qu'il me sourit. C'est un petit sourire en fait, du coin des lèvres, ça le change, et du coup l'expression de son regard est différente aussi. Il semble satisfait.

Je crois que j'ai toujours les sourcils froncés, parce que dans ma tête, un truc bizarre se met en place, petit à petit : c'est du délire encore, mais, je trouve qu'il ressemble à ces personnages dont j'écris les histoires. C'est presque irréel tellement c'est tiré par les cheveux. Ça ne peut pas exister, ces personnages sont issus de mon imagination, avec l'aide des animés manga et autre images que je peux trouver sur le net, mais initialement, ce style de garçon, c'est typiquement ce que j'aime à décrire dans mes nouvelles. Il ressemble à Noah ou Yanel ou Léandre ou ... Je souris intérieurement, et me demande lequel est-ce ? J'essaie de le deviner par ses habits. Je ne décris jamais les vêtements de mes personnages ... donc, je dois trouver autrement. J'en suis là de mes divagations, quand je croise le regard de mon inconnu, il sourit un peu plus. Et il a l'air « d'accord ? » avec ce que je pense.

Je ferme les yeux et inspire profondément.

Je n'ai jamais donné de grain de beauté à mes personnages ... ça me complique la tâche ... je le regarde de nouveau, il a toujours ce petit sourire ; il a carrément l'air de s'amuser !

Je réfléchis encore et je sens que je ne trouve pas, ça m'énerve un peu car je ne suis pas du tout bonne au jeu des devinettes, pour autant, la situation actuelle est tellement étrange que je dois continuer.

- J'ai bien une idée, mais je suis un peu sur la réserve, et si je me trompais ? Ce ne serait pas très adroit ...

Et je me rends compte que je dis cette dernière phrase à HAUTE VOIX !!!!

Mon inconnu sourit franchement, et je vois à présent ses dents blanches, bien alignées. Zut de zut, il est vraiment très mignon. Je ne rougis même plus, parce que je suis tellement déstabilisée par la situation et que je me prends tellement au jeu, qu'il n'y a plus de place pour la timidité. Et puis soudain, c'est comme une évidence, je suis certaine de moi et pour le vérifier, je m'approche de lui, il ne bouge pas, je rentre dans « son espace », il ne recule pas et me regarde toujours en souriant.

Je fixe ses yeux, je me plonge dedans, et je pense très fort : Giacomo. D'un seul coup, ses pupilles se dilatent au maximum. Il ne sourit plus et je vois que son regard est soudain très triste : j'ai ma réponse.

- Tu es ... Synalco ... je dis alors presque à voix basse, par rapport à mes tergiversations d'il y a quelques instants.

Cette fois c'est lui qui me fixe, parce que j'ai un peu reculé et que je laisse de nouveau entre nous un espace normal. Il bat des cils et ses pupilles rétrécissent à nouveau, les larmes sont montées et embuent ses yeux. Oh non, j'ai vraiment raison, c'est juste délirant, incroyable ... supernaturel !

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