Le ménage

de Image de profil de TanukiTanuki

Avec le soutien de  Oïbarès, Althéa_hime 
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C’est dimanche, le jour du ménage. Hormis le linge et les poussières, on en profite pour faire du rangement afin d’accueillir une nouvelle semaine sous les meilleurs auspices.

Quand on est distrait, une chose en entraîne une autre ; au lieu de condenser une heure de temps de façon consciencieuse, on s’étale largement sur le double, voir le triple si l’on est juste d’un naturel lent. On cherche une musique, et puis non, une autre, on relit un message, on en écrit un, on réagence le contenu d’un tiroir, on décide de jeter un truc pour faire de la place, et puis on se résout à le replacer au chaud, on découpe une page de magazine en se disant qu’elle pourra servir plus tard, on regarde une vidéo. On fait tout, sauf le ménage. Et on retombe sur des objets, on les manipule, on se souvient de leur histoire.

On se souvient des gens, des moments, des présents et des absents, une odeur, un geste. Des instants de peine, de joie, autant de chapitres de notre bibliothèque que l’on ressuscite à bon ou mauvais escient.

Et puis l’on se remet à faire un peu de ménage, c’était le but à la base, rappelons-le. Mais nos pensées vont et viennent à la manière d’une circulation routière. On nettoie une vieille boîte, mais vous savez ce qui se passe quand on est distrait. On l’ouvre. On pose son chiffon imbibé d’un mélange de vinaigre blanc et d’eau. Et l’on redécouvre des photos, de nous enfant, de nos parents, de nos copains, de nos vacances.

Et là le ménage nous regarde avec de grands yeux désespérés, résigné, il regarde l’heure et jette l’éponge.

Oah, Cédric, tu te souviens, tu faisais le hibou avec tes mains pour me dire que tu étais devant chez moi et que tu m’attendais pour partir à l’école. Une photo de Mâcon, avec mon oncle et ma grand-mère, le premier enterrement que j’ai connu. Et là je venais d’avoir les résultats du bac, je t’ai rarement vu pleurer papa, tu contenais tes larmes comme toujours, mais pas moi ce coup-ci. Il faut dire que cette aventure n’a pas été de tout repos. Hein maman, ton fils n’a jamais aimé l’autorité des méthodes scolaires, mais tu ne m'as jamais lâché et je t’en remercie aujourd'hui ; pas que pour ça, pour tout en fait. Oh, moi et ma soeur, sur la plage de La Baule où nous partions chaque année pendant les vacances, je sens encore les odeurs des lavandes quand nous allions à pied à la bibliothèque de Lajarrige, acheter un Monsieur ou Madame. On s’arrêtait déjeuner à l’Oriana parce que c’était les meilleures crêpes au monde ! Les balades jusqu’à Pornichet, à marée basse, sur le sable mouillé que le soleil faisait briller. Tiens, c’est nous là sur les rochers du Croisic et ses côtes sauvages, avec les manteaux de l’époque kitsch à souhait, ça devait être pendant les vacances de février, il a l’air de faire froid. Nous cherchions, accroupis et attentifs, des petits coquillages, qu’on appelait des puces.

Et cette bouille de ma sœur sur celle-ci… tellement mignonne, souriante, quand je pense à tout ce que tu as traversé avec ta santé, tout ce qu’on a traversé en regardant derrière soi.

On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime, justement. Encore une pensée que j’ai dans un tiroir que je n’arrive pas à ouvrir. Bon, après les photos de Noël, j’arrête. Le ménage ne va pas se faire tout seul. Le ménage acquiesça d’un vif hochement de tête mais laissa un dernier moment de répit pour le laisser replonger dans cette période de Noël chère à ses yeux. Parce que, oui, c’est peut-être le moment le plus magique au monde, pour l’enfant innocent et naïf, heureux, émerveillé et euphorique, cette belle et chanceuse croyance qu’une personne ne rencontrera jamais deux fois dans sa vie. Il faut dire qu’il y a cru jusqu’à ses onze ans quand même. Oui n’est-ce pas, c’est long. Mais il a grandi dans le monde qu’il s’est construit, celui entouré de ses jeux, de ses jouets et de ses aventures, de ses dessins qui l'animaient, de ses dessins animés. Sa liberté, sa créativité, tournant le dos aux amourettes et au reste. Amourette ? Non, non, pensa le ménage, je veux bien être gentil mais on a plus le temps de se perdre sur ce sujet, il reste l’aspirateur à passer et un lavabo à embellir. Action réaction. Ni une ni deux, le jeune homme empoigna son chiffon presque sec, déterminé à se débarrasser de la basse besogne, jusqu’au moment où il décida de regarder son téléphone. La suite ? Je vous laisse décider lequel du chiffon ou du téléphone il abandonna sur un coin de table.

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Commentaires & Discussions

.Chapitre1 message | 3 ans

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