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Trente secondes. Miguel savait qu'il avait trente secondes. Trente secondes avant d'exploser. Trente secondes avant que son sang, poussé par les petites bulles d'azote, lui sorte par chaque pore de sa peau. Au loin, le locomoteur A. Vingt-cinq secondes. Dans un effort surhumain, il poussa sur ses jambes pour refaire un saut le plus long possible. La douleur augmentait. Dix secondes en l'air avant de retomber non loin du véhicule, mais trop loin encore. Il avait mal, très mal.

Christopher ne voyait plus Miguel. Il devait être mort, pensait-il. Il retourna vers l'entrée principale et mit son casque en chemin. Il alluma la radio et dit :

« Elvin, Alfred, vous êtes là ?

- Ouip.

- On t'écoute, vous avez coincé le fou ?

- Le fou était parmi nous. Miguel se faisait passer pour Alan. Où êtes-vous ?

- Moi, je suis dans le sas, prêt à partir pour la grue. Elvin est encore à l'intérieur.

- Ok, vas-y, amène la grue près du locomoteur. Moi, je rejoins Elvin et on se retrouve au module. »

Tout en marchant, Christopher se remémorait tous ceux qu'il avait dû, il y a quelques mois, licencier. Parmi eux, y en avait-il qui avaient eu aussi des pensées meurtrières ? Quand il fut interrompu par Alfred :

«Oh, c'est quoi ça ?

- Quoi donc ?

- Christopher, t'es dans le locomoteur du site A ?

- Dans le quoi ? Non, je suis à l'intérieur. Qu'est-ce que tu vois ?

- Ben je vois le locomoteur qui se rapproche.

- Alfred, cours, c'est Miguel !

- Oh merde ! »

Miguel le rouge conduisait le locomoteur du site A. Sa tête était rouge sang. Ses yeux, gonflés à bloc, sortaient de leurs orbites. C'était devenu un monstre baveux et rugissant, sans plus aucune conscience humaine. Elvin regarda à travers le hublot et vit Alfred s'éloigner en courant. Mais le tracteur allait plus vite qu'un homme. Il avait été conçu pour ça. Alfred ne put l'éviter. Le premier choc ne fut pas très violent, mais Miguel continua de rouler avec Alfred sur le "capot" jusqu'à rencontrer un rocher. Alfred, pris en étau, eut le casque fracassé. L'air lui manqua aussitôt. Il ne pouvait tenir longtemps sans suffoquer. Il entendait les cris éplorés d'Elvin.

Le locomoteur fit marche arrière, laissant tomber le corps d'Alfred au sol. Christopher tourna la tête vers la station.

« Elvin, remets ton casque, il va foncer sur la station. » Il rejoignit Elvin et lui prit la main.

« Sortons par le deuxième sas avant qu'il n'arrive. S'il casse la paroi, la dépression de l'ensemble de l'installation va nous expulser haut dans les airs. Il faut qu'on soit loin.

- Et on va où ?

- J'ai une idée. »

Ils s'engouffrèrent dans le long couloir menant à l'arrière de la station. Par les hublots, ils voyaient Miguel arriver à toute hâte. Christopher fit ce qu'il put pour aider Elvin, mais elle progressait avec peine, n'accrochant que peu le sol : une de ses chaussures semblait ne plus fonctionner correctement. Puis vint le choc.

Le locomoteur avait heurté de plein fouet la station, libérant l'air qui s'échappa rapidement. Tout s'envola : le mobilier, le matériel, Elvin, Christopher et le locomoteur lui-même furent balayés, tels des fétus de paille.

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