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L’homme était assis là, droit, massif face à un gâteau de type muffin. L’air froid et glaçant de la tempête s’engouffrait dans l’ouverture de l’habitation, faisant se combattre la chaleur de la cheminée à un vent accompagné de flocons. Elles étaient entrées une par une et déposaient leurs sacs et se secouaient la neige de leurs visages et de leurs vêtements. Rachel avait dû forcer pour refermer la porte en bois du gîte.

Le refuge était loin d’être ce à quoi, Manon, s’attendait quand elle avait aperçu un halo de lumière dans la tempête. Elle n’était pas sûre, mais il lui semblait avoir aperçu des blocs de roches comme support du refuge.

L’intérieur était lui aussi très spartiate, jamais le groupe n’avait vu un refuge de ce genre, même le refuge du Goûter perché à plus de 3 800 mètres avait de l’eau et de l’électricité…

Les murs étaient faits de troncs de gros arbres superposés les uns sur les autres et les interstices bouchées par de l’argile. Manon pensait directement aux cabanes des bûcherons canadiens ou bien aux isbas russes. Le sol quant à lui était fait de planches de différentes tailles et les plus part n'étaient pas droites. Une cheminée en pierre trônait au fond de la pièce plaquée contre le mur. À sa gauche, une échelle en bois montait à une mezzanine soutenue par des poutres et des étais en troncs d’arbres. Une table en bois, encore faite « maison », ainsi que ses quatre chaises était alignées dans l’axe de la porte d’entrée, et un miroir était suspendu sur un mur. À la droite de la porte d’entrée, un bac de béton servait d’évier et une étagère avec de la nourriture en conserve principalement s’agençaient dans le fond de la pièce, enfin une armoire contenant de quoi dormir (matelas, couverture, etc.) complétaient le mobilier de la grande pièce. Un panneau pyrogravé était attaché au-dessus de la table, on pouvait y lire en anglais « refuge de la bienveillance ».

Les filles se regardaient, un sentiment mitigé s’échangeait dans leurs regards, contentes d’avoir trouvé un abri dans ce blizzard, un miracle, mais elles avaient aussi compris que le refuge était différent de ce quelles avaient pu voir par le passé.

L’homme attablé se leva et finit d’engloutir le muffin, ses cheveux noirs se balançaient lorsqu'il s’avançait vers les quatre randonneuses.

« — C’est un géant ce gars !! Pensa Manon. »

Le colosse haut de près de deux mètres avait les yeux d’un bleu perçant presque délavé. Un faciès brut et anguleux taillé dans le granit, il était rasé à blanc sur le côté de la tête et seul les cheveux du haut du crâne étaient retenus sou la forme d’ un petit catogan. Ses yeux étaient enfoncés dans leurs orbites sous des arcades angulaires et de fins sourcils. Des petites rides partaient sur le côté et le dessous ses yeux. Il avait quelques rides traversant un front haut ainsi qu’une cicatrice ronde. Une bouche fine souriait donnant à l’homme un air effrayant.

« — Ich bin Hermann ! dit-t-il en tendant sa main à Ophélie. »

Sa voix, grave et puissante roulait les r et faisait aussi trembler le cœur des filles. Une peur incompréhensible les faisait frissonner au plus profond d’elles-mêmes.

L‘allemand serra les mains de toutes les filles puis attrapant leurs affaires, il les mit devant le feu de la cheminée afin de faire sécher les sacs. Prenant la cafetière, il servit des tasses et les distribua au groupe en leur indiquant la table. L’odeur de café et la chaleur de la tasse permirent au groupe de se sentir mieux. Elles prenaient place profitant de la chaleur de la tasse et de la cheminée non loin.

« — Wer bist Du ? Ich komme aus Munchen, und Du ? »

Aucune des filles ne parlait allemand, du coup, Térésa tentait de parler dans la langue de Shakespeare.

« — Nous sommes Térésa, Rachel, Ophélie et Manon nomma-t-elle en montrant du doigt les autres.

— Nous venons de France et on s’est retrouvé coincées dans la tempête. »

Hermann semblait comprendre l’anglais, mais celui-ci devait être très rudimentaire.

Elles commençaient à un peu se détendre en discutant avec l’allemand. Après quelques heures, Hermann fit la cuisine pour le petit groupe pendant que les filles préparaient leurs couchages.

« — On reste méfiante, on sait jamais dit Manon en montrant son couteau qu'elle glissa dans son sac de couchage. Elles firent toutes de même. »

Elles mangèrent des spaghettis avec une sauce pesto, un énorme steak fumé que Rachel laissa de côté et pour le dessert une salade de fruit. La discussion avec Hermann leur avaient appris qu’il était écrivain et qu’il était parti d’Allemagne après s’être séparé de sa femme dans le but d’écrire un livre sur les différentes randonnées et donc les refuges.

Elles avaient surtout vu le sous-entendu à l’histoire d’Hermann, il faisait le road trip qu’on vit quand on est jeune sauf que lui le faisait à l’approche de la cinquantaine.

Hermann prit ses cigarettes et ouvrit rapidement la porte pour aller fumer.

« — alors vous en pensez quoi les filles ? questionna Térésa.

— on est coincé avec lui mais il est plutôt gentil et c’est marrant, on dirait qu’il a un côté paternel avec nous. On peut lui faire confiance mais cette nuit faudrait quand même se méfier ! expliqua Rachel.

ce n’est pas comme-ci on avait trop le choix ! dit Ophélie en pointant son doigt vers la porte. »

La soirée continua dans la bonne humeur. Les quatre amies apprirent que Hermann était arrivé la veille et comme elle, il s’était retrouvé bloquer par la tempête de neige. De plus, elles avaient fait le rapprochement entre la chute brutale du baromètre de leurs montres et le blizzard qui s’était abattu soudainement.

Tout le monde était installé pour aller se coucher, les matelas étaient très fin mais feraient l’affaire pour la nuit, même si place manquait sur la mezzanine. Manon avait mis sa lampe frontale afin d’étudier la carte de randonnée qu’elle avait acheté. Elle était aussi discrète que possible, parcourant le chemin effectué depuis le début de l’ascension, elle avait estimé leur position. Ses yeux s’écarquillaient, aucun refuge sur la carte, AUCUN !!! Pourtant, la carte datait de cette année. Face a cette incompréhension Manon restait sans voix, après un long instant, elle éteignit la lumière et s’endormit en serrant fortement son couteau.

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