La mise à mort (suite et fin)

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Même si elle avait accepté qu’il l’accompagne à sa chambre, car ses jambes n’acceptaient pas de la porter, elle avait refusé de lui adresser la parole et il le comprenait fort bien. Il espérait seulement qu’elle ne se murerait pas dans son silence comme elle l’avait fait à son arrivée au palais. Elle avait besoin de parler de ce traumatisme pour, si ce n’était l’oublier, le mettre en partie de côté. Par chance, Falda était là, il faisait confiance à la servante pour la soutenir et la réconforter gentiment en ces terribles moments.

Avant de la quitter il tenait à lui rappeler combien il était désolé, mais s’était finalement éclipsé sous le regard courroucé de Falda. Il ne pouvait rien lui dévoiler sur son père mais, de toute manière, il doutait qu’elle se sentirait mieux en apprenant la vérité. Adila tenait à son grand-père autant qu’à son père. L’idée qu’Hakim ait accepté de collaborer à l’échange entre Zarhan et le Marabout sans en avoir au préalable parlé avec elle la mettrait, à juste titre, dans une fureur noire. Il soupira à l’idée qu’elle se ferait de lui quand elle apprendra toute les manigances auxquelles il devait se livrer pour la survie du Royaume. À bien y réfléchir, valait-il mieux que son père ? Une petite voix au fond de lui plaida en sa faveur. Tout ce qu’il entreprenait visait le bien de tous, mais malgré tout il fallait à tout prix que tout cela cesse. Il était plus que temps qu’il prenne le courage de convaincre les chefs de tribu avant qu’ils ne repartent sur leur territoire. L’annonce de son mariage, deux semaines plus tard, tombait à pic en quelque sorte puisqu’elle obligeait les chefs à rester plus longtemps qu’escompté dans la capitale.

Deux semaines c’était à la fois long et très court pour tout ce qu’il devait organiser en ce laps de temps. Las de toutes ces manigances et de ce monde corrompu, il descendit vers les cuisines pour se décharger du menu de la cérémonie.

Tout à ses pensées, lorsqu’il passa devant la lucarne de l’escalier, il ne remarqua pas les nuées d’oiseaux qui s’envolèrent vers l’ouest. Moins d’une minute plus tard, le sol sembla vouloir se dérober sous ses pieds manquant de peu de le faire chuter. Il mit son trébuchement sur le compte de la distraction et continua sa descente. Une deuxième, puis une troisième secousse, un peu plus longue et plus forte, finirent de le convaincre qu’il se passait quelque chose d’anormale. Aucun tremblement de terre n’avait touché la capitale jusqu’à présent et cela n’indiquait rien de bon. Un fois certain que les secousses étaient terminées, il se rua vers les remparts pour constater les éventuels dégâts. Il rejoignit un des gardes postés sur la muraille. Les sourcils froncés et les yeux écarquillés de surprise, il se tenait la main en visière et regardait vers le nord. Hakim l’imita et, au loin vers la chaîne de montagne, il entrevit un long panache de fumée monter d’un des anciens volcans éteints.

Il se douta que la question qu’il se posa aussitôt devait parcourir de nombreux esprits : est-ce les Anciens qui veulent punir le souverain de son geste ? Ou la fin toute proche de Dallol qui mettrait fin à leur monde ?

 

 

Le lendemain Isatis attendait le marabout près de la fontaine du marché, comme convenu.  Il fut surpris de constater que le vieil homme ne venait pas seul. Il était accompagné d’un homme bien plus grand que lui. Isatis connaissait cette démarche chaloupante. Malgré cela, il n’en croyait pas ses yeux, l’homme qui marchait ainsi avait disparu avec le Tout puissant. Ce ne fut que lorsqu’il put enfin croiser son regard qu’il acquit la certitude que Bichegna se trouvait devant lui. L’homme qui avait été le catalyseur de tous les derniers événements, l’homme le plus recherché du Royaume. Ses yeux verts riaient devant la mine stupéfaite de l’enfant.

— Bonjour Isatis, heureux de te revoir.

— Comment est-ce possible ? Tu es en vie ? Tu es vivant !

L’enfant vint se blottir contre Bichegna sans retenu.

La joie d’Isatis était flagrante.

— Bien, je vois que je n’ai pas à regretter de te confier à lui.

Lâchant enfin Bichegna, Isatis se tourna vers le marabout.

— Vous partez seul ?

— Non, j’ai confié cette tâche à Bichegna. Il vaut mieux pour lui qu’il ne reste pas trop longtemps si près de la capitale et Zarhan a encore besoin de mes soins.

Avant que l’enfant soudainement inquiet puisse l’interrompre, il ajouta :

Ne t’inquiète pas tout ira bien pour lui, je te le promets.

Les deux hommes se saluèrent d’une tape amicale dans le dos et se souhaitèrent bonne chance.

Bichegna, se tourna de nouveau vers l’enfant.

— Je crois qu’il va nous falloir de bons chevaux pour rejoindre Al-Dhila, que dirais-tu d’aller choisir une monture docile mais rapide comme Shamal, le vent du nord ?

— J’en serais plus que ravi.

Isatis se frotta les mains à l’idée de monter une telle créature.

— Bien. Suis-moi mais reste à bonne distance. Si on me repère je ne tiens pas à ce que l’on te trouve ne ma compagnie.

Bichegna réajusta sa capuche. Ils purent traverser une bonne partie du marché sans encombre. L’exécution de Zarhan avait temporairement calmé les ardeurs des chalands. Visiblement, chacun préférait rester près des siens. Ils contournèrent ensuite le campement du Clan de Jobuloni, l’enclos des chevaux se trouvaient à une centaine de mètres de là. La personne en charge de surveiller le troupeau était visiblement au courant de leur arrivée car il se contenta de détourner la tête lorsqu’il les vit.

Bichegna escalada les rondins de bois et siffla un coup bref suivi d’un plus long et un étalon alezan, la queue relevée, s’approcha au trot. Il passa autour de son coup son licou et l’attacha à la barrière. Il alla ensuite chercher une autre monture.

Lorsqu’il la vit, Isatis en tomba immédiatement amoureux. Noir pangaré, aux longues pattes fines et musclées, la jument était visiblement de pure race. Elle secoua la crinière et avança le museau vers la main tendue de l’enfant.

— Elle est magnifique. Je ne peux pas accepter de monter pareille créature. -Bichegna sourit, content de voir que l’enfant appréciait la bête à sa juste valeur. Jobuloni savait se montrer généreux.-   Comment s’appelle-t-elle ?

— Jira.

— Celle qui survole.  Ça lui va comme un gant, ajouta-t-il en la caressant entre les oreilles.

— Attends de la voir galoper.

— Jira, je suis Isatis et je suis très honoré de faire ce voyage avec toi. J’espère qu’on va devenir ami.

La bête se contenta de souffler de ses naseaux en secouant la tête encore une fois et ensuite de le repousser délicatement de la pointe du museau, à la recherche d’autres caresses.

— Bien, je crois qu’elle t’a adopté elle aussi.  On va pouvoir charger nos sacoches et partir. J’aime autant ne pas trop traîner ici.

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