Après la mort, la vie

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Lorsque Zarhan se réveilla lentement de sa narcose plusieurs heures plus tard, la bouche pâteuse et les yeux écarquillés de stupeur, il regarda autour de lui. La dernière chose qu’il se rappelait était d’avoir bu dans la gourde que lui avait portée Hakim dans sa cellule et de s’être écroulé sur le sol. Il avait été visiblement transporté à l’extérieur de l’enceinte de la capitale puisqu’il se trouvait dans une tente assez richement agencée avec d’épais tapis. Toutefois, les bruits alentours lui laissait penser qu’il ne devait pas être en être bien loin. À quoi bon le sortir de sa cellule si c’était pour le laisser à la portée du Massaké ? A peine remarquerait-il sa fuite ce dernier ne manquerait pas de faire fouiller chaque parcelle de terrain entourant les cachots et s’en prendrait à quiconque essayait de l’aider. Qui pouvait être assez fou ou assez téméraire pour courir ce risque ?

À son chevet se trouvait un homme qu’il ne connaissait pas mais qu’il reconnut à sa tenue comme étant un guérisseur ; probablement une connaissance de son beau-père ce qui pouvait expliquer en partie sa présence dans cette tente.

— Que signifie tout ceci ?

— Avant toute chose buvez, ordonna l’inconnu en lui tendant un bol fumant. Cette tisane finira d’annuler les effets du produit que l’on vous a fait ingérer pour vous transporter jusqu’ici en toute sécurité.

D’ordinaire méfiant, Zarhan accepta toutefois le breuvage sans réfléchir tant sa soif paraissait inextinguible. Il en avait déjà ingurgité une bonne partie avant de se rendre compte que son amertume n’avait d’égale que son horrible odeur de pourriture. Soudainement, il sentit de violentes crampes et il vomit aussitôt le contenu de son estomac révulsé dans le récipient que lui tendit le marabout, visiblement en attente de cette réaction.

Dans un sursaut de colère et de peur, Zarhan se releva d’un bond et agrippa le guérisseur par le col.

— Vous tentez de m’empoisonner ?

Malgré sa colère, ses jambes se dérobèrent et il retomba sur le sol tel un pantin désarticulé. Attiré par les cris, un homme écarta la lourde tenture qui le séparait du reste de la tente.

— Soit le bienvenu parmi nous mon ami, déclara Jobuloni en s’approchant de la couche. Heureux de constater que tu t’es réveillé sans peine.

— Que s’est-il passé ?

— Nous t’avons libéré. Tu te trouves pour le moment dans la tente d’un de mes fils.

— Comment est-ce possible ? Ma disparition n’a pas pu passer inaperçue. N’êtes-vous pas en danger en me dissimulant ainsi ?

— Non, tout va bien. Ne te fais pas de soucis pour nous. L’important pour le moment est que tu ailles bien.

— Il va s’en prendre à Adila !

Zarhan fit mine de se lever et Jobuloni de ses grandes mains puissantes l’immobilisa contre la couche.

— Ne t’inquiètes pas pour Adila, elle va bien. Personne ne se doute que tu es encore en vie à part une poignée de proches sur qui nous pouvons compter.

— Comment peux-tu en être si sûr ?

— Te rappelles-tu la nuit où tu avais découvert ton beau-père dans ta chambre après avoir discuté avec le Prince ?

— Oui. J’avais trouvé étrange de le surprendre dans ma chambre même s’il a prétendu m’attendre là pour me parler.

— Et tu as vu juste en quelque sorte. Cette nuit là, le guérisseur t’avait subtilisé un objet dans ton coffre à ton insu. Une amulette qui lui a servi à usurper ton identité et à prendre ta place sans que personne ne s’en aperçoive. Aux yeux de tous, le matin de ton exécution sur le bûcher le guérisseur était Zarhan.

— Ma place ? Il est donc mort ? demanda Zarhan incrédule qu’il ait consenti un tel sacrifice alors que leurs relations avaient toujours été pour le moins tendues.

— Oui, je suis désolé.

— Ma fille est au courant ? Elle était très liée à lui, elle sera dévastée de l’apprendre.

— Non, pas encore. Nous avions imaginé qu’il serait plus aisé que ce soit toi qui lui annonce la nouvelle, répondit penaud Jobuloni.

— Est-ce toi qui as mis au point toute cette mise en scène ?

— Non. Pour cela tu peux remercier le père de Nabila. C’est lui qui m’a retrouvé pour mettre au point les détails de ton évasion avant même que je ne rejoigne le territoire du Massaké.

— Comment a-t-il réussi à déjouer la garde qui me contrôlait nuit et jour ?

— En fait ce n’est pas lui à proprement parler qui t’as sorti du palais. Hakim a réussi à convaincre le garde de se rendre aux cuisines. Le marabout en a profité pour prendre ta place.

— Hakim ? Hakim a participé à mon évasion ?

— Le Prince est un précieux allié pour notre cause. Sans lui nous n’aurions rien pu faire. Par chance, de nombreux serviteurs lui sont entièrement dévoués. Malheureusement, je ne sais pas par quel moyen le marabout et lui entraient en contact. Il t’a sans doute révélé quelques indications lorsqu’il est venu dans ta cellule.

Zarhan essaya de se rappeler de leur conversation ce qui lui provoqua aussitôt des maux de tête.

— Non, je ne crois pas. En tout cas je ne me rappelle de rien en particulier.

— C’est normal, c’est sans doute l’effet de la drogue que l’on t’a administrée. Tu as dormi trois jours et j’avoue que je commençais à m’inquiéter. Peut-être avons-nous forcé un peu sur la dose. Espérons que ta mémoire revienne peu à peu.

— Pourquoi m’a-t-il drogué ?

Jobuloni baissa les yeux.

— C’était mon idée et je m’en excuse humblement. J’avais peur que tu refuses de nous suivre. Il fallait à tout prix être rapides et discrets et nous n’avions que très peu de temps pour exécuter notre plan.

— Je comprends. Je n’approuve pas, mais je comprends. Mais comment a-t-il réussi à se faire passer pour moi ?

— J’imagine que cela restera un mystère. Tu sais, les marabouts n’ont pas vraiment l’habitude de confier leurs secrets. Dommage que tu n’aies pas laissé ton fils en apprendre davantage cela aurait pu s’avérer très utile.

Zarhan prit un air horrifié ce qui provoqua la colère de Jobuloni.

— Il faut que cesse toutes ses peurs ridicules ! Je crois savoir qu’au moins par deux fois le pouvoir des Anciens à sauver ta vie. Mettons toutes nos chances de notre côté pour pouvoir survivre à ce qui se prépare. J’ai parlé longuement avec ton beau père. Il a suffisamment parcouru le Royaume pour avoir une idée plus précise de notre situation actuelle. Personne ou presque ne prend au sérieux les avertissements que nous avons reçu de la nature mais nous avons tort. Crois-moi, dès qu’il te sera possible de le faire, tu dois donner ta bénédiction à ton fils pour qu’il apprenne à canaliser le pouvoir des Anciens qu’il possède.


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