Le jugement

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Presque deux mois s’étaient écoulés depuis que le Massaké avait envoyé des messagers avertir les différents Chef de Clan du procès et les prier de le rejoindre au plus vite dans la capitale.

Un à un, ils s’étaient présentés au Grand Palais où ils étaient officiellement invités jusqu’à nouvel ordre. En premier lieu s’était présenté Abbes. Il était accompagné de son épouse, de son fils ainé Belgacem, qui avait l’âge du Prince, et d’une ribambelle de domestiques. Son clan occupait le territoire au Nord de la route de l’or, s’étalant du phare de Majuda à Touati. Proche du Massaké depuis toujours, le couple venait très souvent à la capitale et les deux jeunes hommes, qui avaient passé une grande partie de leur enfance ensemble, tantôt chez l’un tantôt chez l’autre, étaient comme deux frères. Hakim considérait Basma, la mère de Belgacem, presque comme la sienne puisqu’elle avait pris ce rôle à la mort de l’épouse du Massaké. Ensuite Baligh et Boualem se présentèrent un peu plus tard dans la nuit. Après s’être assuré auprès de leurs serviteurs qu’ils étaient bien installés selon les honneurs dû à leur rang, Hakim alla brièvement les saluer tour à tour dans leurs appartements. Baligh lui raconta qu’ils avaient fait le voyage ensemble depuis l’ouest de la vallée du Virunga où ils s’étaient rejoints. Les nouvelles qu’il lui donna sur l’état de la région la plus australe du royaume n’étaient guère encourageantes et elles furent confirmées plus tard par Boualem.  À Tsamib, l’eau se faisait plus rare et les récoltes plus minces car la sécheresse avait réduit à poussière certaines des plaines autrefois nourricières. Les petites oasis étaient le plus souvent désertées car la famine attirait le peuple vers la ville, où il espérait pouvoir survivre plus aisément. Malheureusement, ce mouvement de population entrainait de sérieuses complications pour la ville qui n’arrivait plus à subvenir aux besoins de tous. De plus en plus mécontents, les habitants se demandaient pourquoi aucune aide n’arrivait d’Al-Hasa la verdoyante.

En reprenant le chemin de ses appartements, Hakim fit le bilan de sa soirée. Tous deux dans la force de l’âge, les deux hommes avaient épousé le même jour une des sœurs du Massaké. Ce n’étaient certes pas des mariages d’amour, rare étaient ceux qui pouvaient se le permettre parmi les proches du souverain, mais chacun semblait toutefois avoir trouvé un certain équilibre dans cette alliance. Ces unions avaient notamment permis de créer des liens très forts entre la capitale et ces deux clans qui étaient plutôt très éloignés au Sud. En devenant les frères par alliance du Chef suprême, les deux hommes avaient obtenu un statut qui leur conférait plus d’autorité et d’influence que la taille de leur clan ne leur en aurait donné dans d'autres circonstances. Les deux femmes quant à elles étaient satisfaites d’être suffisamment éloignées de leur frère pour vivre selon leur bon vouloir ou presque. Si l’un était jovial et apprécié de tous, l’autre, Boualem, était plutôt réservé et peu enclin à dévoiler le fond de ses pensées. Beaucoup aimaient à dire que c’était sa femme qui prenait les décisions importantes concernant leur clan. Sœur aînée du Massaké, elle avait été la seule héritière de nombreuses années et donc avait été élevée pour gouverner. Les médisant prétendaient que son éloignement de la capitale était nécessaire pour qu’elle ne fit aucune ombre à son frère. Hakim ne savait pas quel rôle les deux hommes décideraient de prendre le moment venu dans la destitution de leur chef. Surtout si effectivement son père n’intervenait pas pour soutenir davantage certes partie du Royaume et semblait avoir presque oublié ses devoirs de souverain en la matière. Hakim connaissait peu ses deux tantes qui habitaient si loin au Sud qu’il était rare qu’elles se rendent dans la capitale. Quand leur mari était en déplacement dans la capitale, ou d’autres territoires plus éloignés encore, les femmes prenaient en quelque sorte les commandes de la tribu pour toutes les décisions de la vie quotidienne. Toutefois, bien qu’elles fussent sœurs, il devinait qu’elles étaient très différentes l’une de l’autre, ce qui pouvait peut-être l’aider à trouver l’appui d’une des deux au moins. Bahia, l’épouse de Baligh, portait bien son nom et sa beauté était reconnue de tous. Hakim avait plutôt été admiratif de sa vaste connaissance du territoire lorsque, un peu plus tôt dans la soirée, elle s’était mêlée sans réserve à la conversation. Parfois même contre l’opinion de son époux, l’interrompant par des questions apparemment saugrenues qu’il écartait d’un sourire entendu à l’intention d’Hakim. En effet, loin de lui en tenir rigueur, ce dernier semblait penser que sa femme ne comprenait rien aux discours faits par les hommes et que son opinion importait peu. Pour lui, elle était simplement volubile, comme beaucoup de femmes de son clan du reste, et ne pouvait rien y faire. 

Abida au contraire, bien plus âgée et moins gracieuse que sa jeune sœur, se tenait à l’écart alors qu’Hakim s’enquérait par courtoisie, mais aussi vif intérêt, des nouvelles de sa tribu et de son clan.

Bien que les deux femmes avaient grandi dans le luxe et l’oisiveté de Al-Hasa, elles étaient devenues des femmes de Chef courageuses et bienveillantes envers leur clan d’adoption. La vie au Sud de la vallée du Virunga était une vie difficile, ce qui rendait inexorablement leurs habitants plus pragmatiques et moins sensibles à l’influence exercée par la capitale. En effet, sur ces terres lointaines, le voile n’était jamais bien loin et menaçait à tout moment de faire disparaitre ceux qui n’y prenait pas garde. Abida avait d’ailleurs elle-même perdue deux enfants en bas âge, la mort frappant toutes les couches de la société sans distinction. De plus, la recherche de l’eau était une quête perpétuelle et la nourriture n’était jamais abondante, quand elle n’était pas insuffisante. Les récents évènements dans la vallée n’avaient que rendu encore plus présent à l’esprit cette précarité de la vie sur ce territoire pourtant déjà si hostile.

En attendant que les autres Chefs ne rejoignent la grande ville, chaque soir le Massaké organisait un grand banquet en l’honneur d’un des Chefs. Il profitait ainsi du temps restant avant le procès à influencer les Chefs de Clan. En effet, certains hésitaient encore quant à la sanction à donner à Zarhan pour sa collaboration, selon lui indéniable, à la mort d’Idriss.

Mati, contrairement aux autres chefs, n’était accompagné depuis Kiffar que d’une petite troupe d’une dizaine d’hommes. Sec et élancé, les mains inlassablement croisées dans le dos, il ressemblait à un échassier. Il n’aimait pas venir à la capitale et se méfiait de tout et de tout le monde. L’idée de devoir rester dans l’enceinte du palais du Massaké ne l’enthousiasmait guère et toutes les fêtes auxquelles il était convié ne lui feraient pas oublier la sensation qu’il avait d’être en quelque sorte un prisonnier.

Il n’avait pas oublié l’étrange fin prématurée d’un de ses oncles qui était en passe de devenir Chef de clan. C’était son père qui avait donc succédé à son grand-père et le silence qui régnait autour de sa mort avait le goût d’un lourd secret. Il ne faisait absolument pas confiance à son souverain et n’appréciait pas particulièrement de devoir faire bonne figure devant lui. Quelques sous-entendus douteux sur le fait que c’était en partie grâce à lui qu’il était devenu Chef de clan, mais que cela pouvait changer à tout moment, avait achevé de le convaincre de se tenir sur ses gardes.

Talal était tout l’opposé de Mati. Il aimait dans l’ordre le faste, l’apparat, les jolies filles, de préférence vierges, et le bon vin, son embonpoint et son visage remplie de couperose en témoignaient. Fervent admirateur du Massaké, qui représentait pour lui le comble du machiavélisme et du raffinement, en sa présence il se comportait comme un servile subalterne prêt à tout pour obtenir davantage de bonnes grâces. Il avait en charge l’extraction du précieux minerai, ce qui en disait long sur la confiance que lui accordait le souverain

Achraf était le patriarche des Chefs de Clan. Son dos vouté par le temps l’obligeait à s’appuyer sur une canne pour se déplacer. C’était le seul chef de Clan qui avait bien connu le père de l’actuel Massaké. À chacune de ces visites à la capitale, les gens murmuraient dans son dos que c’était sans doute son dernier voyage. Faisant fi de leurs médisances, il revenait encore et encore, du moins à chaque fois que son souverain l’exigeait. Il aurait très bien pu envoyer son fils pour le représenter, mais il ne voyait pas l’intérêt de mettre en péril son Clan. Il avait depuis longtemps passé les rênes du pouvoir à son fils. S’il devait lui arriver malheur sur la route, ou ce qu’il imaginait comme plus probable, dans la capitale, sa succession se passerait en douceur. Envié de tous car très giboyeuse, son territoire s’étendait sur une vaste steppe. Ghanzo, sa plus grande ville, était une place de marché reconnue pour la laine, les peaux, l’ivoire et les cornes qui servaient par la suite à fabriquer des vêtements et des armes. Confinant avec le domaine d’Haslam au nord, c’est tout naturellement que les deux pères avaient l’intention d’unir leur territoire en célébrant le mariage de Bouaziz et de Palmyra. Demander l’accord du Massaké faisait partie des réjouissances dont avait la prérogative Achrat à cause de sa position d’aîné. Le territoire d’Haslam n’apportait absolument aucun avantage au Clan d’Achrat, mais son petit-fils s’était amouraché de la fille d’Haslam, Palmyra que l’on surnommait la perle du désert pour sa beauté presque surnaturelle.

Amghar était un homme discret mais d’une grande érudition. Menu, le visage encadré de boucles poivre et sel, de petites lunettes perchées sur son nez. Les jardins de son palais bordaient le fleuve et ce n’était qu’en de très rares occasions qu’il acceptait de quitter ce havre de paix pour remplir ses devoirs de Chef de Clan.

Quand Hazlam, le dernier d’entre eux, arriva tout était enfin prêt pour que le procès ait lieu sans plus attendre.

Pendant cette bien trop longue attente, Zarhan n’avait pas subi de mauvais traitement à proprement parler mais ses conditions de détention dans le fond de sa cellule, sans air frais ni lumière directe, l’avaient considérablement affaibli. Son corps, amaigri par la faim et le manque d’activité, son visage envahi par de grandes cernes bleutées, ses pommettes saillantes et ses vêtements souillés et troués lui conféraient un air de mendiant malade. Il tenait debout à grand peine et, quand les gardes vinrent le chercher, il lui fallut mobiliser toute sa volonté pour franchir les quelques centaines de pas de sa geôle à la place où les habitants de la capitale, amassés derrière les bancs disposés au pied de l’estrade, attendaient que soit prononcé son jugement.

Hakim, en compagnie des proches du clan du souverain, se trouvait assis au premier rang. Derrière lui, se trouvaient les membres des autres clans venus assister en petit nombre au procès. La foule se déplacerait massivement pour l’exécution mais montrait visiblement peu d’intérêt au jugement.

Hakim, qui ne l’avait pas revu depuis leur arrivée à Al-Hasa, le cœur serré, attendait sur la place des suppliciés. Cette petite place, attenante à l’arrière de l’entrée principale de la ville, communiquait avec la prison par une petite ouverture qui permettait de sortir les prisonniers alors que les gardes, postés en aplomb sur le rempart, pouvaient facilement tirer sur quiconque s’approchait du prisonnier. Un petit escalier de bois permettait l’accès à l’estrade.

Quand Zarhan gravit lentement les marches, Hakim et une petite partie de la foule poussèrent un cri d’effroi. Il reconnaissait à peine son futur beau-père sous les traits de ce vieillard maladif. Choqué de la transformation qu’il avait subie en si peu de temps, il fut soulagé qu’Adila n’assista pas à ce pitoyable spectacle. Il pourrait ainsi la préparer au mieux pour leur prochaine rencontre.

Sur la large estrade montée pour l’occasion, siégeaient le Souverain ainsi que les dix autres Chefs de Clan installés en demi-cercle de part et d’autre de son trône faisant face au prisonnier, lui-même dos à la foule silencieuse. Agenouillé devant eux, Zarhan refusait de baisser les yeux comme tout prisonnier se devait de faire devant le souverain. Il voulait ainsi rappelait à tous les autres qu’il n’était pas un vulgaire malfrat, mais bel et bien le Chef de Clan d’une puissante tribu. Le Massaké soutint son regard avec mépris quelques instants et fit un geste de la main à un des gardes. Ce dernier lui assena un violent coup de pied sur la nuque. Sa tête cogna alors violemment le sol lui brisant l’os du nez. Le choc et la douleur le laissèrent inconscient quelques instants. On le ranima avec un saut d’eau froide. Chancelant, il se redressa à quatre pattes, presque replié sur lui-même comme une bête traquée, un filet de sang coulait de son nez et le long de son menton.

Zarhan hasarda un regard vers son frère. Sa présence sur cette estrade ne pouvait signifier qu’une chose : son père était mort puisqu’il représentait leur Clan. Malgré la profonde peine que cette nouvelle lui procura ce ne fut guère une surprise. Son père était déjà très malade et apprendre le sort de son fils aîné (a verifier) n’avait pu qu’accélérer sa fin. Comme Zarhan, qui aurait été amené à reprendre la succession avait été arrêté, c’était son frère cadet Mourad qui avait repris la tête du Clan. Sa position était extrêmement difficile car, en tant que Chef de Clan, il se devait d’être équitable mais surtout impartial. Il savait que lui offrir son support en lui offrant une sentence plus clémente ne servirait à rien car sa voix ne lui apporterait pas la vie sauve, mais en revanche risquait plutôt de jouer en sa propre défaveur. En tant que frère, il avait la certitude que Zarhan ne s’était pas rendu coupable du crime qu’on lui avait attribué. Nonobstant, ce qui était indéniable en revanche, c’était qu’en prenant part à l’évasion du Tout Puissant, il s’était attiré le courroux du Massaké. Car, quelque fut les reproches adressés publiquement, il s’agissait bien de cela. Comme il n’en avait pas de preuves formelles, il ne pouvait pas accuser Zarhan de ce crime, mais il voulait à tout prix la mort de celui qui représentait un danger pour la paix dans le Royaume. Les actions de Zarhan ne devaient surtout pas servir d’exemple aux autres Chefs de Tribu. Le Massaké était bien conscient qu’il devait à tout prix étouffer la rébellion dans l’œuf.

Ce dernier se leva et s’adressa à la foule plutôt qu’au prisonnier pour être certain que tous entendaient son discours.

— Zarhan, vous avez été déclaré par cette assemblée coupable de haute trahison. Avant le lever du soleil vous devrez affronter le voile. Chers amis, poursuivit-il, comment va-t-on ôter la vie de cette engeance ? Par la morsure d’un serpent, puisqu’il s’est infiltré parmi mes proches comme un des leurs ? Par la piqure d’une araignée, qui fera couler dans son sang le lent poison de la perfidie ? Par la faim, qui lui dévorera ses entrailles comme sa bassesse a sapé mes défenses ?

En prononçant ces dernières paroles le Massaké prit soin d’observer chacun des dix membres afin qu’ils comprennent que le message s’adressait aussi et surtout à eux. Dans ses yeux remplis de haine, on pouvait aussi y voir la folie qui le dévorait. Ses deux félins, assis de part et d’autre de leur maître sur leurs pattes de derrière, semblaient eux aussi suivre des yeux les membres du jury en se léchant les babines.

Le Massaké se tourna alors vers sa gauche et indiqua d’un signe de tête au frère de Zarhan que l’heure était venue de prononcer la sentence. Tour à tour, les membres déclarèrent leur opinion sur la peine qu’ils estimaient juste.

— La pendaison

— La gorge tranchée

— La prison à vie

— Le bûcher

— Le poison

Puis vers sa droite.

— Le démembrement

— Le bûcher

— La pendaison

— Le poison

Des dix, il ne manquait plus que l’avis de Jobuloni. Il était connu pour être un ami de longue date du Clan de Zarhan. Son épouse était une des tantes de ce dernier. Son vote pouvait faire pencher la balance en faveur du prisonnier pour une mort rapide et presque sans douleur. Hakim priait secrètement pour que sa sentence soit clémente. Il lui était impossible de deviner ses intentions car à aucun moment du procès il n’avait affronté directement le regard de Zarhan.

Jobuloni se tourna lentement vers le condamné. Son visage apparemment jovial contrasta avec la dureté de ses propos :

— Je pense qu’il doit être brulé vif, comme le veut l’ancienne tradition.

La foule poussa des cris. Certains pour soutenir l’accusé, d’autres pour marquer leur assentiment. Ses hurlements pas plus que le regard d’incompréhension et de douleur que lui lança Zarhan ne le firent siller.

— L’ancienne tradition précise : « Il périra comme il a vécu ». Si son crime est d’avoir planté un couteau dans le cœur du neveu de notre bien-aimé souverain, alors c’est ainsi qu’il doit mourir, s’indigna Mourad, le frère de Zarhan, visiblement surpris par la dureté de celui qu’il prenait pour un allié.

— Pour être précis, on ne lui reproche pas d’avoir directement occis Idriss, mais d’en avoir commandité le meurtre. Il mérite donc de souffrir et le feu me parait le moyen le plus efficace, rétorqua Jobuloni en s’adressant au Massaké, ignorant le regard courroucé de Mourad.

Alors que le frère de Zarhan s’apprêtait à s’insurger contre une telle peine, le Souverain frappa deux fois dans ses mains pour clore le débat.

— Je crois que je dispose de suffisamment d’éléments pour faire connaître ma décision. Qu’on ramène le prisonnier dans sa cellule ; il aura ainsi tout le loisir de réfléchir à tous les moyens dont nous disposons pour abréger sa vie.

Le visage de Zarhan devint livide au point qu’Hakim pensa qu’il allait défaillir. Une fois de plus, son orgueil et son courage durent le maintenir debout car il ne flancha pas sous le choc des souffrances atroces qu’on lui promettait. On le traîna alors jusqu’à sa cellule afin qu’il ne connaisse pas la sentence avant le jour où son bourreau viendrait le chercher.

— Jobuloni, votre suggestion me semble excellente, rétorqua le monarque en battant des mains d’un air joyeux. À condition que son bûcher soit constitué de brindilles et que son corps soit précédemment oint d’huile.

Cette ultime sentence était particulièrement cruelle car le corps allait s’embraser sur toute sa surface rapidement alors que les flammèches seraient insuffisantes pour le condamner à une mort rapide. La souffrance endurée par le supplicié serait longue et terrible. Un murmure de désapprobation parcourut l’assemblée. Même ceux qui semblaient en faveur du bûcher trouvaient la cruauté de la peine injustifiée.

Aucun des membres du jury n’osa bien sûr s’opposer à cette condition. Le frère de Zarhan serra les poings et lutta contre son envie de crier à l’injustice.

— Mon fils aura l’honneur d’alimenter le feu jusqu’à ce qu’il ne reste que des cendres et ainsi de réfléchir à ce que nous sommes, déclara le Massaké en se tournant vers lui avec un sourire carnassier, une lueur de folie dans les yeux. Que tout soit prêt pour demain !

 

Le lendemain à l’aube, Hakim se présenta au geôlier muni de vêtements propres pour le prisonnier.

— Je ne suis pas autorisé à vous laisser entrer Prince Hakim.

— Je sais cela. Toutefois mon père n’a jamais interdit que le prisonnier se présente devant le voile vêtu dignement. –il ajouta presque en criant- La future princesse sera présente et je souhaite qu’elle garde de son père l’image d’un chef de Clan qui a donné sa vie pour la cause et qui se sera battu jusqu’au bout.

— Je ne sais pas...

— Vous pouvez vérifier chacune de ces poches, elles ne contiennent rien.

Le garde semblait encore hésiter, mettre les mains sur le Prince ne relevait certainement pas de ses fonctions. Hakim savait qu’il était inutile de chercher à le soudoyer avec de l’argent, au contraire, le garde y verrait une offense personnelle et c’était le meilleur moyen de le braquer définitivement. Toutefois, il espérait que le respect que le personnel de son père se devait d’avoir pour la famille royale réussirait à le convaincre.

— Sachez que je respecte les hommes d’honneur et que je pense que les hommes d’une telle valeur méritent mieux que de passer leurs journées dans l’obscurité des cachots.

Le garde redressa légèrement le torse et le Prince comprit qu’il avait fait mouche.

La solde d’un garde du Palais est bien sûr bien meilleure, ajouta-t-il innocemment.

— Je crois en effet que le prisonnier peut recevoir ces vêtements.

— Soyez assuré de ma reconnaissance. A-t-il déjà reçu son dernier repas ?

— Oui mon prince, mais il a refusé de toucher à quoi que ce soit depuis plusieurs jours.

— Eh bien, obligez-le à avaler au moins sa soupe, de force s’il le faut. Vous ne voudriez pas que la fête soit gâchée par un prisonnier qui s’effondrerait avant même le début des tortures ? Je suis certain que mon père vous imputerait cette déconvenue alors même que vous n’y seriez pour rien.

— Il sera fait selon votre bon vouloir Prince Hakim.

— Bien.

Le Prince n’avait pas l’air de vouloir partir et le garde, mal à l’aise, lui demanda :

— Désirez-vous autre chose, mon Prince ?

— Je voulais juste m’assurer qu’il mange avant que je ne parte.

— Son repas n’arrivera pas avant la relève, mon Prince.

— Dans moins d’une heure on viendra le chercher. Il sera alors peut-être trop tard. Allez vite aux cuisines. Je monte personnellement la garde.

— J’ai ordre de ne pas quitter le prisonnier des yeux. Votre père ne me pardonnerait pas de lui désobéir.

— Vous êtes le seul à détenir la clef du cachot, n’est-ce pas ? demanda-t-il avec aplomb, certain que la copie qu’il détenait était bien cachée.

— Oui, mon Prince.

— Vous ne pensez tout de même pas que j’ai le pouvoir, par je ne sais quelle sorcellerie, d’ouvrir une telle serrure ?

— Non, bien sûr que non, répondit le garde, le visage empourpré de honte.

— Alors que redoutez-vous ?

— Rien mon Prince, j’y vais de ce pas.

— Faites vite, je dois moi-même me changer avant l’exécution.

Sur ce, le garde s’éloigna laissant seuls Hakim et Zarhan.

 


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