Heroes & Ennemies

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Le Temps est un des concepts les plus abstraits et pourtant, les plus présents dans la vie des Hommes. Il est insaisissable, file aussi vite que la vitesse de la lumière – croyez-moi, je sais de quoi je parle – ou au contraire, peut s'étirer et s'écouler très, très lentement. En bref, l'être humain vit en fonction du Temps qui passe.

Malheureusement, il n'a aucun effet sur moi, comme beaucoup d'autres choses : douleur, sensibilité à la froideur et à la chaleur, gravité et la liste est encore très longue. Je ne fais pas partie des communs des mortels, tout simplement car je ne le suis pas.

« Quelle chance », me direz-vous ! Penses-tu ! C'est drôle pendant quelques siècles, quelques millénaires, mais je vous assure que voir la vie sur Terre se régénérer encore et encore pendant tout ce temps devient très vite ennuyant. Et les mortels sont tellement fragiles ! Impossible de jouer avec eux car tu ne sais jamais quand ils vont se casser. Je ne devrais pas dire ça. Après tout, je suis là pour les protéger. Je l'ai voulu, au début. Ils m'attiraient, chatouillaient ma curiosité et maintenant, je connais tout d'eux. Plus rien ne m'étonne.

Il n'y avait que la célébrité que j'aimais un tantinet, et encore. Au moins, quand j'étais sous les feux des projecteurs parce que j'avais arrêté tel ou tel super-vilain, que j'avais évité un accident ou la fin du monde – de leur monde –, je me sentais utile. Je poursuivais un but, je me sentais utile. Mais les méchants ne sont pas plus bêtes que la moyenne et au fil du temps, ils ont compris que ça ne servait à rien de vouloir conquérir la Terre car son éternel et invincible protecteur – moi – veillait. Au final, aucun n'a montré le bout de son nez depuis des siècles. Il faut croire qu'ils se sont passés le mot et qu'ils m'évitent maintenant comme la peste.

Et c'est comme ça que je me retrouve à vivre comme un simple humain, et que je me lève à huit heures trente un dimanche pour aller chercher mon lait à l'épicerie au coin de ma rue.

Wouah, quelle vie palpitante.

En effet, mon pote, j'en saute de joie (pas trop haut, sinon je risque de détruire le plafond, et l'immeuble par la même occasion).


Je sors et entreprends de remonter la rue. Je sens des regards peser sur moi et me retourne. On me dévisage étrangement. Mince, ai-je détruit par inadvertance un bâtiment avec les rayons laser sortant de mes yeux ? Ou bien, des boules de feu sont apparues dans mes mains ?

Nan, je rigole, je ne possède aucun de ces tours de passe-passe.

J'ai encore dû oublier de m'habiller plus chaudement.... Bingo. Je ne porte qu'un simple t-shirt et un short légèrement usé sur les bords, le tout agrémenté de jolies petites claquettes aux pieds, en plein mois de janvier. J'adresse un sourire étincelant aux groupes de jeunes. Ils s'éloignent en riant. Super, je ne me fais même plus respecter.

J'atteins enfin l'épicerie. La petite clochette au dessus de la porte sonne.

— Bonjour, lancé-je d'une voix plate.

N'attendant pas particulièrement une réponse, je me dirige vers le rayon du lait et des œufs. Je prends ma marque habituelle et vais à la caisse.

— Je vous dois combien ?

— Quelques os cassés, une ville détruite et le monde tremblant de peur.

Qu'est-ce qu'il me chante ? Je relève la tête et dévisage l'homme qui me fait face. Yeux enfoncés dans leur orbite, chauve, barbe blanche. Le père Noël ? Nan, il fait pas aussi peur. Le père fouettard, alors ?

Il me sourit, de ce sourire carnassier et machiavélique que je ne connais trop bien pour l'avoir vu des années et des années. Soudain, je percute.

— Toi ? m'écrié-je.

— Moi.

Des pentagrammes verdâtres se dessinent dans le creux de ses mains et il lève les bras. Un immense sourire se dessine sur mes lèves et quelque chose au plus profond de moi se met à palpiter. L'épicerie explose dans une détonation assourdissante et la chaleur du feu m'enveloppe. Mais il ne vaut pas celui qui se diffuse dans mes veines. Si je ne m'en empêchais pas, je pourrais baiser le front luisant de mon adversaire en remerciement. Le bon vieux temps est de retour.

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