Prologue

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22h, le dix-huit août 3101.
Terre, Chicago.

Je marchais, depuis un moment déjà, avec mon petit Yorkshire, Sky. Je l'avais recueilli trois ans plus tôt et il était devenu mon plus fidèle compagnon. À cette heure tardive, tous les gens de mon chic quartier résidentiel dormaient à poings fermés : ils étaient bien trop vieux pour rester éveillés si tard, nous étions donc tous les deux seuls, au cœur de cette chaude nuit d'été. Pourtant, j'avais la désagréable impression que nous étions observés, épiés.

Le son des feuilles bruissantes au contact du vent et les branches qui grinçaient sous mes pas devaient y être pour quelque chose. Cependant, je réalisais que je ne me trompais pas lorsqu'une une ombre surgit de nulle part, confirmant mes doutes. Je fus violemment saisie par derrière et projetée au sol, face contre terre. Un homme, dont je ne distinguais pas le visage, s'abaissa à ma hauteur, m'attrapa brutalement par la gorge et commença à m'étrangler avec force, me coupant la respiration.

Mais mon Dieu, que se passe-t-il ?! Qu'ai-je fait pour me retrouver dans une telle situation ? Vite ! Vite ! Il faut que j'agisse vite ! Je ne veux pas mourir... Je suis bien trop jeune pour ça !

Alors que je réfléchissais frénétiquement, ou en tout cas essayais, l'air me manquait peu à peu et, je le savais, je ne tarderais pas à perdre connaissance. C'était bien la seule chose dont j'étais certaine en cet instant. Pour le reste, tout se mélangeait dans mon esprit. J'étais simplement capable de me répéter encore et encore qu'il me fallait agir vite, très, très vite, mais j'étais incapable de savoir comment. J'étais complètement perdue, et une tonne de « pourquoi » venait parasiter mes pensées et les empêcher d'être efficaces. Pourquoi j'étais sortie seule en pleine nuit, sans prendre la moindre précaution, avec un animal inoffensif ? Pourquoi je n'avais pas fait confiance à mon intuition et fait demi-tour ? Pourquoi ce soir ? Pourquoi moi ?

Plus je peinais à respirer et plus je divaguais. Les larmes aux yeux et ces derniers sortant de leurs orbites. C'était sûr et certain, si je n'agissais pas le plus rapidement possible, j'allais y laisser la vie. Et quand mon agresseur me libéra de son étreinte mortelle pour sortir un poignard, dont je vis la lame scintiller dans l'obscurité, j'étais seulement capable de me dire, encore et toujours, je ne voulais pas mourir... J'étais bien trop jeune pour ça ! Le pauvre Sky, agité et incapable de me venir en aide, hurlait à la mort. Mais l'individu s'occupa immédiatement de le faire taire. Définitivement. Il le saisit, et son arme transperça le petit cœur du malheureux. Pour moi, ce fut un électrochoc. Un électrochoc qui me permettrait peut-être de survivre et de fuir !

Accablée, impuissante et brisée, l'horrible vision de Sky se vidant de son sang sur le sol venait de me donner une nouvelle raison de ne pas abandonner : c'était ce qui m'arriverait si je ne faisais rien !

Pour me secourir, ma raison avait pris le dessus sur mes émotions et avait mis ma peine de côté : pour survivre, il fallait que je prenne la fuite, à tout prix !
Au moment où mon assaillant dirigea l'arme de son abominable crime vers moi, les battements de mon cœur s'affolèrent. Sans défense face à cet individu à la carrure impressionnante, je rassemblai malgré tout mes dernières forces et, dans un élan de courage, lui assénai un violent coup de talon dans le tibia. Il perdit l'équilibre et tomba sous l'effet de la douleur.
À cause du manque d'oxygène mes oreilles mirent un long moment avant de cesser de bourdonner. J'inspirai une grande goulée d'air frais pour me calmer : il ne fallait pas que je perde de temps, car celui-ci m'était compté et plus les secondes que je placerais entre mon agresseur et moi seraient nombreuses, plus j'aurais de chances de rester en vie et de le semer !
Je me relevai, non sans tituber, essayant de m'éloigner le plus possible de lui et du cadavre inerte de mon bien aimé Sky. En puisant au plus profond de moi, dans mes ultimes ressources, je me mis à courir et à crier des appels à l'aide qui se perdaient dans le vent frais de la nuit. Apeurée comme je l'étais, mon souffle se faisait erratique, je n'allais pas pouvoir continuer ainsi très longtemps !

Entre temps, cet homme, tel un zombie inarrêtable, s'était relevé et me poursuivait. Il était bel et bien déterminé à m'anéantir, j'en avais la certitude à présent et, à bien y réfléchir, je savais que je n'avais aucune chance de m'en sortir vivante. Cependant, je n'avais pas la moindre envie de le savoir, je voulais absolument croire qu'il restait un espoir. Je voulais essayer encore et encore... et réussir ! Et demain, cette silhouette encapuchonnée, ombre noire et effrayante au cœur de l'obscurité, ne serait plus qu'un lointain souvenir, comme un mauvais rêve que l'on oublie au réveil. Alors, en tentant le tout pour le tout, je me cachai derrière un saule pleureur, priant pour qu'il ne me trouve pas. J'attendis de longues minutes et alors que je pensais l'avoir trompé, il apparut en face de moi.
Néanmoins, contre toute attente, la peur m'avait abandonnée : j'étais résignée. Pourquoi, dans un paradoxe absurde, je me disais ô combien ma vie avait été belle, bien que courte, alors que je voulais qu'elle dure encore de longues années ?

De mon vivant, je n'eus jamais la réponse et je ne l'ai toujours pas aujourd'hui.

Mes derniers instants en tant qu'humaine dont je me souviens encore sont ceux pendant lesquels il sortit une arme à feu de sa poche et me visa.
Un... deux... trois coups de feu transpirant d'une haine profonde !
Il avait fait preuve d'une immense violence pour satisfaire la jalousie qui avait élu domicile dans son cœur, alors rempli de noirceur.
Et moi, je m'écroulai lentement sur le sol, comme dans un état second. Étonnamment, je me sentais bien. Bientôt, toute douleur me quitterait pour l'éternité et la paix me gagnerait définitivement.
Avant que mon âme ne déserte totalement son enveloppe, mon meurtrier retira sa capuche et je découvris avec stupeur son identité. Oui, je le connaissais... Il s'agissait de ma chair ! de mon sang ! de Tchad ! Tchad... cette personne que j'avais tant aimée, qui avait été un exemple pour moi et qui, à cet instant, ne m'inspirait que dégoût et regret !
Ne voulant pas le laisser sans tourments pour le hanter jusqu'à la fin de ses jours, dans un souffle, mon dernier dans cette vie, je murmurai faiblement :

― Mon étoile brillera toujours plus que la tienne.

Puis une douce lumière blanche m'emporta. Et après... après, ce fut les ténèbres, le noir total, la mort...

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