Chapitre 41

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 « Tu as chanté dans ton rêve.

— Tes oreilles ont dû être à la torture. Je chante comme une casserole. »

Elle s’est couvert la bouche pour étouffer un rire et a secoué plusieurs fois la tête de haut en bas.

« Tu as le droit de rire, mon amour. »

Et nous nous sommes esclaffés.

« Tu ne te souviens de rien ? »

J’ai fait « non » de la tête :

« Juste que j’étais heureux… que nous étions heureux. Car tu étais dedans.

— L’air, je ne saurais pas te le reproduire tellement il était… » Elle a fait une petite grimace : « Par contre, tu répétais : Roxane ! Roxane ! » Elle m’a lancé un petit coup d’œil inquisiteur : « C’était laquelle des 164 ?

— La plus belle de toutes.

— Mais encore ?

— Celle qui est assise à côté de moi aux trois quarts nue et que je ne vais pas tarder à dévêtir complètement.

— Est-ce qu’il est vrai ce mensonge ?

— Plus vrai que lui impossible. »

Elle s’est étirée la paupière inférieure avec l’index :

« Tu ne vas pas me faire croire qu’il n’y en avait pas une plus belle que moi.

— Déjà, il faut que tu saches que parmi ces 164, une grande majorité n’a pas posté de photos d’elle, une autre majorité a plus de cinquante ans ; et enfin, une autre majorité a moins de dix-huit ans, et que je risquerais un détournement de mineure.

— Dit-il celui qui a dix-sept ans était amoureux d’une gamine de douze ans. A-t-elle rétorqué ironiquement.

— Exact ! Mais avec le consentement de la dite gamine, lui ai-je répondu sur le même ton. Je me trompe ? »

Elle m’a embrassé :

« Non. »

Nous nous sommes regardés un long moment, puis elle s’est blottie contre moi :

« Mon amour dis-moi que ce n’est pas un rêve. Que je ne vais pas me réveiller et me retrouver toute seule dans mon lit.

— Non, sauterelle, c’est la réalité. Nous sommes bien dans cette cuisine, toi et moi. Nous finissons notre petit déjeuner, puis nous remonterons dans la chambre pour refaire l’amour, nous prendrons notre douche, enfin nous irons nous promener main dans la main. Chaque cinq pas nous nous embrasserons ; chaque dix pas, je te dirai que je t’aime. »

Elle m’avait écouté avec, dans son regard, cette même joie pleine et entière que je lisais dans les yeux de la petite sauterelle de douze ans assise sur le divan à côté de moi, attendant que Déborah finisse de se préparer, quand je la complimentais sur sa coiffure, sur la robe qu’elle avait mise, ou sur un joli bracelet qui ornait son poignet gracile. Un jour où sa grande sœur avait mis un peu plus de temps que d’habitude à être prête, nos regards s’étaient tellement perdus l’un dans l’autre que, si un brusque coup de vent n’avait pas fait claquer une porte, on nous aurait surpris en train de nous embrasser. Nous avons rougi tous les deux. Elle s’est levée, elle a sorti du frigo une bouteille de jus de fruit, pris deux verres qu’elle a remplis et que nous avons vidés à toute vitesse. Déborah est arrivée à ce moment-là :

« Tiens, j’ai un peu soif, moi aussi. Roxy, va me chercher un verre tu seras gen-tille. »

« Tu te rappelles ? »

Elle m’a fait ‘’oui’’ de la tête :

« Je n’ai oublié aucun instant de cet été là.

Nous avons vidé nos bols et sommes remontés dans la chambre.

Après la douche, nos téléphones ont sonné en même temps.

Maïa voulait savoir comment j’allais depuis la veille.

« Deuxième nuit sans cauchemar, Maïa de mon cœur.

— Alors tu es heureux.

— Si tu l’es toi aussi.

— Bof ! Ce n’est pas la joie.

— Alors reviens.

— J’y pense.

— Alors dis-moi quand. Nous viendrons te chercher à l’aéroport.

— Non. Je ne vais pas gâcher votre solitude.

— Tu ne gâcheras rien du tout. Elle sera ravie de te rencontrer. Elle a hâte. »

Il y a eu un petit silence, puis d’un ton légèrement tranchant :

« Le moment n’est pas encore arrivé, mon trésor. » Elle s’est radoucie : « Je ne le dis pas contre toi, mais pour moi, mon trésor. Je n’ai pas envie de souffrir.

— Tu ne souffriras pas. C’est sérieux cette fois ci. Même papa et maman l’ont compris.

— C’est bien, alors. Je verrai. En tout cas ce ne sera pas avant vendredi ou samedi. Je te tiendrai au courant.

— D’accord… Je t’aime Maïa.

— Moi aussi, mon amour.

— Je t’embrasse partout.

— Vraiment partout ?

— Sur chaque millimètre carré de ta peau.

— Alors, moi aussi. »

Roxane était dans la salle de bains. Je l’entendais remplir la machine à laver, puis la mettre en marche. Ensuite elle est entrée dans la chambre après s’être assuré que je n’étais plus au téléphone.

« C’était Jo, m’a-t-elle lancé. Elle voudrait venir samedi avec Margaux.

— Et Lambert…

— Non, il est en reportage à Berlin.

— Pas de problème, mon amour. Elles peuvent même rester dormir si elles veulent.

— C’est vrai ?

— Oui. »

Elle m’a embrassé :

« Tu es un amour. Je vais le lui annoncer. » Petit silence : « Et toi, c’était qui, si ce n’est pas indiscret ?

— Ma tante.

— Il va mieux son ami ?

— Oui. Elle pense rentrer pour la fin de la semaine.

— Elle voudra venir ?

— Elle n’aime plus venir ici. Peut-être que nous ferons un saut à Nice.

— Oui. » Petit silence : « Je… Je vais m’habiller, puis on va se promener.

— D’accord. »

Je me suis levé, je l’ai prise dans mes bras et j’ai senti, une faible résistance.

« Ça va, mon amour ?

— O… Oui, m’a-t-elle répondu d’un on fuyant. »

Non, ça n’allait pas. Je sentais que quelque chose la tracassait.

« Qu’est-ce qu’il y a ma sauterelle.

— Rien. Tout va très bien, a-t-elle rétorqué d’un ton qui trahissait un certain agacement. »

Je l’ai embrassée. Ses lèvres sont restées passives. Elle s’apprêtait à sortir de la chambre :

« Tu sais, Roxane mon amour, si quelque chose te préoccupe, dis le moi. C’est bête que tu restes avec ce poids. »

Elle m’a fixé durant quelques instants, se demandant comment aborder ce qu’elle avait à me dire :

« Je te jure Anicet que je ne l’ai pas fait sciemment, mais je t’ai entendu lui dire que tu l’embrassais sur chaque millimètre carré de sa peau. Et tu m’affirmes que c’était ta tante ? »

J’ai soufflé :

« C’était donc ça. » Je lui ai fait signe de s’asseoir à côté de moi. « C’est une marque d’affection entre nous deux. Je suis très attaché à elle. Sans son amour incommensurable, sa tendresse, son dévouement, sans tous les sacrifices qu’elle a faits pour moi, je ne sais pas où je serais, et qui je serais à l’heure actuelle. Petit je rêvais de l’épouser car elle me rendait tellement heureux que je ne pensais pas qu’une autre femme puisse m’apporter un bonheur plus grand. Souvent, lorsque je faisais des cauchemars, elle m’emportait dans son grand lit, elle me couvrait de baisers et de caresses, elle me disait des mots de réconfort et je m’endormais comme le plus heureux des enfants. Alors, oui, je lui dois tout. Et c’est réciproque. Car en contrepartie, j’ai tout fait pour qu’elle soit fière de moi. Pour lui prouver que tous ses sacrifices, n’étaient pas vains. Il y a aussi le fait que nous nous entendons très bien. Jamais nous ne nous sommes ennuyés ensemble. Chaque enfant, a un père et une mère, il peut ainsi équilibrer son amour de l’un vers l’autre. Nous, nous étions seuls ; non seulement parce que mes parents étaient morts, mais aussi, petit à petit, mes deux grands-parents maternels et, peu après votre départ à Bordeaux, j’ai perdu ma grand-mère et mon grand-père paternel. » Je lui ai caressé le visage : « Tu comprends ?

— Alors tu l’embrasses partout.

— Affectueusement, respectueusement. »

Et dans ma tête une voix maligne me répétait : « Oh le menteur ! Le menteur ! Lui lécher les seins et le sexe c’est respectueux ? Vous faire jouir mutuellement c’est respectueux aussi ? » J’aurais eu envie de lui répondre que le respect ou l’irrespect n’avait rien à voir avec le fait que nous nous trouvions, ma tante et moi nus dans le même lit, à nous donner du plaisir mutuellement, mais plutôt dans la façon dont nous nous comportions l’un avec l’autre et, sur ce point, nous nous sommes toujours respectés. Quant à Roxane, même avec l’immense amour que je lui portais, elle n’avait pas à en savoir plus sur les relations qui nous unissaient ma tante et moi. Comme me l’avait dit ma marraine, ce serait à moi de mesurer mon degré de culpabilité.

« Avec papa on s’échange aussi des mots d’amour. Il a beau dire qu’il nous aime toutes les deux pareillement, mais dans le fond il a un grand faible pour moi. Et moi je l’adore. Il a cette douceur dans le regard, la même que la tienne. » Elle m’a embrassé : « Pardon d’avoir été indiscrète.

« Tu n’as pas à me demander pardon, mon amour. Si j’avais eu quelque chose à te cacher je serais parti tout au fond du jardin.

— Oui. »

Elle a passé ses bras autour de mon cou, j’ai passé les miens autour de sa taille. Nous nous sommes laissés tomber sur le lit et avons refait l’amour.

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