Chapitre 17

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 Après une deuxième tournée de bière et de chansons, nous avons quitté Georgina et sa protégée (elle m’avait glissé à l’oreille son désir de devenir mon amie sur Facebook. Désir qui était réciproque, lui ai-je rétorqué de la même façon), puis elle m’a conduit jusqu’à Saint Laurent du Var, où elle résidait dans la chambre la plus luxueuse d’un hôtel au bord des Flots Bleus, appartenant à la chaîne dont elle était devenue propriétaire après que son père eut pris sa retraite.

« Je suis ici pour réorganiser les services. »

Après avoir pris une douche ensemble et avoir mesuré l’amplitude de nos orgasmes, nous sommes allés dîner sur le port ; puis, de nouveau dans sa chambre, nous nous sommes vautrés dans le lit spacieux où notre nuit a été plus longue en plaisirs qu’en sommeil.

En garçon prévoyant, j’emportais toujours sur moi une brosse à dents et du dentifrice, ainsi le lendemain, à défaut d’avoir pu changer mon linge intime (chaussettes et slip) j’ai pu rafraîchir mon haleine.

Après une deuxième douche érotique et matinale, suivi d’un copieux petit déjeuner dans la chambre, durant lequel nos sens se sont à nouveaux débridés, nous avons programmé notre journée. Elle rêvait de visiter (ou plutôt de revisiter dix-sept ans après) la villa Kérylos à Beaulieu, ainsi que la villa Ephrussi de Rothschild à Saint Jean Cap Ferrat.

« Entre les deux nous pourrions piquer une tête ou, tout au moins, faire un peu de bronzette, m’avait-elle lancé en prenant son mini maillot de bain, sa serviette et ses diverses crèmes, qu’elle avait fourrés dans un sac de plage très urf.

— D’accord, mais il faudra que je passe chez moi, prendre le mien et, tant qu’à faire que je me change. »

En vingt minutes nous étions avenue de Maupassant et, à mon invitation à monter boire un café en attendant, elle avait préféré rester dans la voiture.

« Du café, nous passerons au lit, du lit à la douche et de la douche, de nouveau au lit. Tels que je nous connais, la journée aura passé et je n’aurai pas visité mes deux villas. » Puis, m’ayant donné une petite tape sur les fesses : « Au pas de course, jeune homme. »

Je lui ai fait un salut militaire :

« A vos ordres ! »

Et la journée avait glissé sensuellement sur nous, nous promettant une nuit des plus chaudes, et des plus érotiques.

A peine entrée chez moi, elle s’est mise à bâiller à s’en décrocher la mâchoire :

« Tu ne m’en veux pas, si je me couche sagement ? Je suis épuisée. »

Comment lui en aurais-je voulu ? Dans un sens, j’étais fatigué moi aussi, nous étions rentrés à plus de deux heures du matin, après le restaurant et la boîte de nuit à Saint Jean. Dans un autre sens, nous n’avions pas arrêté de faire l’amour (même dans les toilettes du club) ; alors une nuit de repos ne pouvait pas nous faire de mal. D’autant qu’une fois que je l’avais déshabillée, glissée sous les draps et que je me suis allongé près d’elle, je me suis endormi comme une masse.

Elle s’est réveillée à sept heures du matin et, sans rien me demander, elle a trouvé la porte de la salle de bain ; puis, dans la cuisine, elle a préparé le petit déjeuner qu’elle a emporté sur la terrasse ; enfin, elle est revenue dans la chambre, m’a caressé délicatement les cheveux et m’a murmuré qu’il était huit heures et demie, que le café était prêt et que si je voulais le boire avec elle avant qu’elle ne reparte à Saint Laurent du Var, je devais me lever, sinon, je n’avais plus qu’à me le réchauffer :

« Je me lève, Fabienne. »

En partant elle m’a dit :

« Passe ce soir. Si je ne suis pas dans la chambre, on te remettra la clé. Si j’y suis, tu peux entrer sans frapper. » Puis, elle m’a embrassé longuement sur la bouche : « Pardonne moi encore pour cette nuit. Je n’ai pas été au top. Je me rattraperai ce soir.

— Tu as été formidable, Fabienne. Si tu veux tout savoir, je n’aurais pas été plus performant que toi. »

Après ma douche et un deuxième café, une fois totalement réveillé, j’ai sorti mon carnet et, j’ai tenu ma chronique quotidienne. Notre fatigue, la veille, qui nous avait empêchés de faire l’amour avant de nous endormir, n’était pas sans me rappeler l’épisode Célia où, un weekend de rupture orgiaque, avait cédé la place à deux jours d’abstinence totale sous ce même toit, transformant l’amant que j’aurais dû être en aide-soignant dévoué (Pour quelle récompense d’ailleurs !!!), ainsi que l’épisode Estelle, qui avant même que nous eussions commencé le moindre prélude, avait dû partir à cause d’un coup de fil professionnel. Sans pouvoir relier les évènements entre eux, trois mésaventures de suite, sous mon toit, cela commençait à m’interpeller. Si j’ajoutais à celles-ci l’énigme du cadeau de la mystérieuse Roxane et celle de la ravissante Rosy, dont je n’arrivais toujours pas à me souvenir où je l’avais déjà vue (car j’étais persuadé de cela) ; enfin, pour couronner le tout, si j’additionnais la destruction de ma collection due à une grossière erreur de ma part, cela faisait un peu trop de bizarreries survenues en moins d’un mois. J’aurais pu rajouter que sur les dix-neuf seins passés entre les mains de ce Genséric en jupon, seul avait survécu, celui auquel je ne pouvais relier aucun souvenir, aucun contact, aucune odeur, aucun parfum, seulement une vague description d’une femme, quelque peu allumée qui s’était fait passer pour ma cousine.

Les questions que je me posais à son propos étaient tellement nombreuses (questions d’ailleurs qui, sans un coup de pouce du sort, ne recevraient aucune réponse), que j’évitais de penser à lui, maintenant qu’il trônait tout seul sur l’étagère de mon armoire. Alors, pourquoi ne pas l’avoir offert à Maïa comme je l’avais fait pour ceux que m’avait offerts Géraldine ? Parce il m’attirait, il m’intriguait et me captivait tout à la fois. Lors de mes conversations « Facebookiennes » avec Rosy, il m’arrivait de me tourner vers lui, comme si une sorte de volonté indépendante de la mienne m’avait fait accomplir ce mouvement de la tête.

Quand j’ai refermé mon carnet, il était dix heures passé et Maïa m’appelait :

« Bonjour marraine de mon cœur.

— Bonjour neveu de mon âme. Tu vas bien ?

— Très bien. J’ai entendu ton message. Oui, j’étais en agréable compagnie. Sais-tu avec qui ?

— Je donne ma langue au chat.

— Et je l’attrape. J’étais avec Fabienne.

— Ma modèle d’il y a…

— Dix-sept ans, oui. Figure toi qu’elle t’a appelée mais ça sonnait dans le vide. Je lui ai dit que tu n’étais pas à Nice. Elle t’embrasse très fort.

— Et entre vous ?

— Comme si elle n’était jamais partie. A peine nous nous sommes revus, nous nous sommes mis au lit. Superbe. Je te raconterai. Et toi ? Ton expo a eu du succès. J’achèterai du champagne pour fêter ça. Tu reviens quand ?

— Après le weekend. Andréas veut m’offrir un voyage romantique à travers l’Allemagne.

— Formidable. »

Adorable Maïa qui d’une petite voix hésitante m’a demandé :

« Tu n’es pas trop peiné ?

— Non, sculptrice adorée. Si tu es heureuse, je le suis aussi.

— Ça, pour le moment, je ne peux pas encore te le dire. Je te le raconterai à mon retour.

— Nous en aurons des choses à nous dire.

— N’est-ce-pas ? Sous des draps tous propres.

— A ce propos.

— Oui ?

— Non, rien. Je te le dirai à l’aéroport.

— Non, dis le moi.

— Tu voudras venir dormir à Maupassant ?

— Si tu veux. Pourquoi ?

— Je te répondrai sous la couette. Promis, juré.

— D’accord.

— Tu m’aimes ?

— Plus que tout au monde, mon amour.

— Moi aussi.

— Vous vous voyez aujourd’hui ?

— Oui. Jusqu’à son départ : vendredi.

— Bon. Je te laisserai des messages.

— Et je te rappellerai. »

Puis nous avons raccroché, en nous embrassant partout, et la pluie s’est mise à tomber. Drue, violente, acharnée. Le vent qui s’était levé, avait plombé le ciel de gros nuages noirs. De la terrasse où je me trouvais encore, je pouvais entendre les imprécations des piétons affolés, adressées à la fois contre ce déluge biblique, et ce sou-dain obscurcissement. J’ai pris le plateau où j’avais tout regroupé et je l’ai rentré à l’intérieur, non sans avoir au préalable allumé la lumière du salon qui, après m’avoir éclairé quelques pas, s’est éteinte subitement :

« Maudite ampoule ! » Me suis-je écrié tandis qu’à pas mesurés, j’essayais d’at-teindre la cuisine où, ayant pressé l’interrupteur, aucune lumière n’a jailli du plafond.

J’ai posé ma charge sur la table et m’étant servi de la lampe torche de mon téléphone, j’ai jeté un coup d’œil au disjoncteur que j’ai remis en mode « on » sans plus de résultat. La coupure devait être générale et, loin d’en être contrarié, je m’étais estimé chanceux d’être à l’abri chez moi, plutôt que courant dehors, comme un dératé, à la recherche d’un abri de fortune, et je me suis remémoré le fameux orage de mes dix ans où Rodin et moi, implorions qu’il ne durât pas trop longtemps. Or, si celui-là avait bel et bien été prévu par météo France, celui-ci avait éclaté à l’improviste, sans crier gare. Le ciel bleu du matin qui nous avait permis à Fabienne et moi de boire notre café sur la terrasse, s’était obscurci aussi rapidement qu’un claquement des doigts.

Que pouvais-je faire en attendant qu’il passât, sinon me replier dans ma chambre, m’asseoir sur le lit et me mettre à penser ? A quoi ? A qui ? Et c’est à ce moment précis que j’ai eu la vague impression que je n’étais pas seul.

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