Chapitre 10

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 Maïa, avait encore plein de travail, j’avais encore plein de Roxane à rechercher. Alors, après quelques caresses réconfortantes, J’ai pris le tram direction chez moi et, à 15 heures 30 je me suis réinstallé devant mon ordinateur. Trois heures plus tard, j’avais « visité » 120 profils et, de toutes celles qui avaient daigné mettre leurs photos et dont l’âge était compris entre vingt-neuf et quarante ans, aucune ne ressemblait à la description faite par la fille de madame Prunier. Dix d’entre elles, ne vivaient pas en France La première, était professeur d’histoire géo au lycée Jean Mermoz de Buenos Aires, la deuxième, informaticienne à Miami, puis venaient : la femme du consul à Pékin, la directrice d’une clinique Québécoise, une romancière installée à Mexico, une employée de banque en Côte d’Ivoire, la patronne d’un bar de la Nouvelle Orléans, une étudiante en marketing à Barcelone, la gérante d’une station de service à Porto, et enfin, une photographe installée à Londres. La plus troublante, était Roxane Dobinay, l’informaticienne. Mis à part le diastème inexistant, le reste était conforme. Elle avait 31 ans, des cheveux noirs coupés courts et des yeux verts. Quant à ses seins, que j’avais pu admirer sur une photo où elle posait en super-mini deux pièces, ils paraissaient coïncider avec le moulage que j'avais reçu. Autre élément troublant : elle était née à Nice et y venait régulièrement. D’un coup d’index gauche, j’ai cliqué sur le pavé « ajouter ». Puis, j’ai éteint l’ordinateur et, comme à mon habitude, je me suis préparé un Campari glaçons agrémenté d’une assiette de chips et un bocal d’olives noires, en guise d’apéritif. Pour le dîner, Maïa m’avait fait remporter le reste du poulet que je pourrais manger avec de la mayonnaise.

Tout en sirotant ma boisson préférée, j’ai rallumé mon portable personnel. Parmi la pléthore de messages de Célia, les un plus alarmés que les autres, il y en avait un de Gloria qui m’annonçait son installation à Gênes pendant deux mois à peu près, afin de plaider une grosse affaires pour l’un de ses clients. Elle passerait tous ses weekends dans sa villa de Rapallo, et j’étais le bienvenu. L’autre message émanait de Lambert Lazzari, un condisciple et ami de la fac de lettres, devenu journaliste et animateur à Nice TV. Il avait créé une émission qu’il définissait comme étant pluri-culturelle-élargie, consacrée aux artistes exclusivement régionaux (de souche ou d’adoption, qu’ils fussent amateurs ou professionnels, connus ou inconnus), qui s’intitulait : « Répondez SVP ». Il m’en avait parlé peu avant mon départ à Rome, je lui avais dit de me contacter à mon retour, il me demandait si j’étais disponible mardi, pour un rendez-vous informel, dans notre bar préféré, le « South » avenue Felix Faure.

En démocratie, c’est la majorité qui l’emporte. Les messages de ma future ex-maîtresse étant les plus nombreux, c’est elle que j’ai appelé en premier. Je comptais lui donner rendez-vous pour le lendemain à Cannes, afin de mettre notre rupture au point. Toutes les allusions que je lui avais faites, n’avaient pas été prises au sérieux.

Elle a décroché à la deuxième sonnerie et, au ton de sa voix, j’ai regretté de l’avoir fait. Plaintive et pleurnicharde, elle s’était fait du souci pour moi et me reprochait en geignant que nous nous voyions de moins en moins.

« C’est déjà trop, lui ai-je répondu. »

Et, sans lui laisser le temps de commenter ma réplique, je lui ai annoncé que je viendrai à Cannes le lendemain, afin de lui faire comprendre, une bonne fois pour toutes, mon intention de rompre. Elle s’est mise à pleurer, m’a taxé d’homme cruel et sans cœur, aveugle à toutes les intentions qu’elle avait eues pour moi. Je lui ai rétorqué que, de mon côté, je n’ai étais pas en reste ; et, qu’en tout cas, rupture ne signifiait pas reniement. Notre liaison demeurerait dans mes souvenirs (même si son sein n’aurais jamais fait partie de ma collection…). Elle s’est remise à pleurer, elle m’a répété qu’elle m’aimait et que, si je le voulais, nous pourrions être très heureux.

« Qu’est-ce-que tu racontes ! On n’arrête pas de se disputer.

— Oui, mais tout s’arrange au lit.

— Sans doute, mais il n’est pas la solution à tout. Et puis, tu es possessive, exigeante. Nous deux sous le même toit ce serait pire que le huis clos de Sartre. L’enfer ce ne serait pas les autres, mais nous. Je n’imagine même pas ta réaction quand je m’enfermerais à clé dans mon bureau pour écrire, j’aurais peur de faire des cauchemars.

— Parce que tu t’enfermes à clé ?

— Tout à fait. Mon bureau c’est mon monde et personne n’a le droit d’y pénétrer. »

Ce n’était pas tout à fait vrai, mais bon, elle, c’est sûr, n’y mettrait jamais les pieds… Enfin c’est ce que je croyais à ce moment-là !

« Quelle idée ! T’enfermer à clé, alors que tu vis tout seul.

— Et alors ! Même quand elle est toute seule pour boire son thé, la reine d’Angleterre prend son sucre avec les pincettes ! Enfin, je te rappelle ce que tu m’as dit au début de notre liaison : ‘’Nous sommes deux boiteux qui avons besoin l’un de l’autre pour marcher droit. Lorsque nous serons guéris, nous reprendrons chacun notre route’’.

— Je le sais. Mais tout de suite après, je suis tombée amoureuse de toi.

— Pas moi, Célia. Et je te l’ai maintes fois répété. Vrai ou faux ? »

Elle a reniflé :

« Vrai. Mais j’ai espéré qu’avec le temps tes sentiments changeraient.

— Tu connais la chanson qui dit qu’avec le temps tout s’en va ? »

Un petit ange, chargé d’un violoncelle est passé. J’ai conclu :

« Bon, on va se dire au revoir et bonne nuit, et demain…

— Alors, on ne le fait plus ce voyage au lac Majeur que tu m’as promis ? »

Dans ma tête des alarmes se sont allumées, des boutons rouges se sont mis à clignoter, sur les écrans de contrôle, les images se sont mises à défiler à l’envers. Un contrôleur, les yeux rivés dessus ne cessait de répéter : « Encore ! Encore ! » Puis, il a levé le bras : « Ca y est ! Arrêtez ! ». Et j’ai revu ce soir d’il y a un mois et demi où, après que nous eûmes fait l’amour, je lui ai promis un weekend là-bas, dès que sa série de concerts serait achevée. Moi et ma manie de parler parfois à tort et à travers, dans l’euphorie d’un instant, de dire des choses que j’oubliais aussitôt qu’elles étaient sorties de ma bouche, en espérant qu’il en fût de même pour mon interlocuteur (trice). Combien de fois Maïa me l’avait reproché : « Tourne sept fois ta langue dans ta bouche, mon chéri. »

Que devais lui répondre : le faire, ou ne pas le faire ? Rester trois jours avec elle c’eût été comme de jouer à pile ou face. Pile : on se disputerait durant tout le séjour, face on passerait les deux jours à faire l’amour. Et ça, c’était la seule chose de formidable entre nous. Gloria ne serait pas encore à Rapallo ce weekend, quant à Lambert, il m’avait donné rendez-vous pour mardi. Donc, en principe, rien ne me retenait à Nice et, rupture pour rupture, autant qu’elle eût lieu dans ce superbe environnement. (Pour ses soixante ans, j’avais offert à Maïa, trois jours sur le lac de Côme : inoubliables !!!)

« Tu y tiens toujours, malgré ce que je t’ai dit ?

— Tant qu’à rompre, autant que ce soit dans un cadre idyllique. »

A croire qu’elle avait lu dans mes pensées…

Vu que l’Italie est plus proche de Nice que de Cannes, je lui ai proposé de venir dormir le vendredi, et nous partirions le lendemain tôt, avec ma voiture. Elle m’a embrassé, je lui ai souhaité une bonne nuit (malgré tout), puis j’ai vidé mon verre, avalé quelques olives et, avant de me lever pour aller me faire à dîner, j’ai envoyé un sms à Lambert pour lui annoncer que ça marchait pour mardi, et un autre à Gloria, que je l’appellerais le lendemain.

A dix heures vingt, je me suis installé à nouveau derrière mon ordinateur, pour continuer mes recherches avant que…

Rosy Ram : « Bonsoir Alex. Avez-vous passé une bonne journée ? »

Alex Cantié : « Bonsoir Rosy, je ne suis pas sorti de la journée.

Rosy Ram : « Ne me dites pas que c’est à cause de la pluie. »

Alex Cantié : « Non. Elle ne me fait pas peur. Et je la trouve romantique. »

Rosy Ram : « Quand on a trois jours de vacances et qu’il pleut sans arrêt, je la trouverais plutôt antipathique. »

Alex Cantié : « Vous n’avez pas tort. »

Rosy Ram : « Mais bon. Cela dépend aussi avec qui on est. »

Alex Cantié : « J’ai failli vous le dire. »

Rosy Ram : « Mais vous ne l’avez pas dit. »

Alex Cantié : « Non. »

Rosy Ram : « Vous attendiez que je le dise. »

Alex Cantié : « Sans doute. »

Rosy ram : « Donc vous vous promenez toujours sous la pluie avec des personnes agréables. »

Alex Cantié : « Je me promène très souvent tout seul. »

Rosy Ram : « Seriez-vous un romantique solitaire ? »

Alex Cantié : « Sans doute que je n’ai pas trouvé l’âme sœur qui voudrait se promener avec moi par ce temps, et sans parapluie. Je vais vous raconter une petite anecdote. Un jour j’étais sur la plage avec une bande d’amis. Elle était bondée de touristes. Ça devait être aux alentours du quatorze juillet. D’un coup, le ciel s’est couvert et, sans crier gare, la pluie s’est mise à tomber. Et ce n’était pas du crachin. Une pluie vigoureuse et drue. Tout le monde s’est levé comme un seul homme. Ils sont tous partis dans tous les sens en poussant des cris d’orfraie. On aurait cru la fin du monde. »

Rosy Ram : « Et vous ? »

Alex Cantié : « Moi et mes copains, nous sommes restés. Mouillés pour mouillés, qu’est-ce que ça changeait que ce fût par la pluie et l’eau de mer ? En plus ces grosses pluies de l’été ne durent pas. Une demi-heure, c’est comme si rien ne s’était passé. »

Rosy Ram : « Et vous avez trouvé cela très romantique. »

Alex Cantié : « Et rigolo aussi. »

Rosy Ram (Après une courte pause) : « Vous avez travaillé ? »

Alex Cantié : « Oui. »

Rosy Ram : « Un nouveau roman ? »

Alex Cantié (Après une hésitation) : « Peut-être. Pour le moment j’en suis au stade des recherches. Et vous, votre journée s’est bien passée ? »

Rosy Ram : « Pas du tout. Les enfants ont été infernaux. J’ai la tête qui va exploser. »

Alex Cantié : « Ça leur arrive souvent ? »

Rosy Ram : « Pas avec moi, en tout cas. »

Alex Cantié : « Ils vous aiment bien, alors. »

Rosy Ram : « Parce que je les aime aussi. »

Alex Cantié : « Parce qu’il y a des institutrices qui ne les aiment pas ? »

Rosy Ram : « Je n’irai pas jusque-là, mais… Ce n’est pas le grand amour. »

Alex Cantié (Il a écrit : « Vous avez des enfants ? » Puis, l’a tout de suite effacé) : « Moi, j’ai de bons souvenirs de mes institutrices. Malheureusement, elles étaient vieilles. »

Rosy Ram : « (Emoji sourire) Vieilles comment ? »

Alex Cantié : « Vieilles de chez vielles ! »

Rosy Ram : « (Deux Emoji éclats de rire) »

Alex Cantié : « Mais elles étaient gentilles. C’était l’essentiel. »

Rosy Ram : « Quel genre d’élève étiez-vous ? »

Alex Cantié : « Plutôt calme et docile… si on ne me cherchait pas. Sinon… »

Rosy Ram : « Vous frappiez ? »

Alex Cantié : « Oui. L’ennui, c’est qu’après la bagarre, c’est toujours moi qui avais reçu le plus de coups. »

Rosy Ram : « (Emoji : étonné) »

Alex Cantié : « C’est toujours les plus costauds qui venaient me chercher. Heureusement j’avais mon garde du corps. »

Rosy Ram : « (Emoji : étonné) Sans blague ! »

Alex Cantié : « Sérieux. C’était Ludwig, mon meilleur ami. Aujourd’hui, il est mon éditeur… et toujours mon meilleur ami. »

Rosy Ram : « (Emoji : clin d’œil) Vous n’avez pas dû avoir beaucoup de difficultés à vous faire éditer. »

Alex Cantié : « Détrompez-vous. Je vais vous donner un scoop : au début j’ai écrit des nouvelles. Je rêvais d’être un nouveau Maupassant. Hélas, il n’en a aimé aucune. Et je peux même vous affirmer, qu’il n’y allait pas de main morte sur les commentaires. ‘’Un ange nommé Solange’’ en était une. La seule qu’il a daigné lire deux fois et, après, il m’a dit : ‘’Fais en un roman et je te l’édite.’’ »

Rosy Ram : « Vous n’en avez jamais parlé ? »

Alex Cantié : « Vous êtes la première à qui je le dis. »

Rosy Ram : « (Emoji : heureux) Merci »

Alex Cantié : « De rien… ou plutôt : de beaucoup. Vous êtes ma plus fidèle lectrice. En plus vous êtes la seule personne avec qui j’ai accepté de dialoguer par messagerie. Si vous saviez le nombre d’abonnés qui m’ont demandé cela !! »

Rosy Ram : « (Emoji : heureux) Et pourquoi, moi ? »

Alex Cantié : « Déjà parce que vous êtes charmante… (Et je m’arrêterai là pour ne pas faire de jaloux)… »

Rosy Ram : « (Emoji : rire) »

Alex Cantié : « … Ensuite parce que, comme je viens de vous l’écrire, vous êtes ma lectrice la plus fidèle, et enfin parce que j’ai le sentiment que nous nous connaissons. »

Rosy Ram : « Au fait, vous avez trouvé, où vous m’avez vue auparavant ? »

Alex Cantié : « Toujours pas. Et vous ? »

Rosy Ram : « Je vous l’ai dit : à la télévision, dans certaines revues littéraires, dans le métro et au ‘’Cadratin’’ »

Alex Cantié : « Et avant ? »

Long silence.

Rosy Ram : « Mon Dieu, je viens de réaliser qu’il est tard, et je n’ai rien préparé pour demain. J’ai deux classes en même temps ! Excusez-moi d’interrompre cette discussion. Bonne nuit Alex. »

Alex Cantié : « Vous êtes toute excusée et je vous souhaite également une bonne nuit, et courage pour demain. »

Je suis allé me coucher avec le sentiment qu’elle me cachait quelque chose.

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