Chapitre 7

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 Le premier coup de sonnette avait à peine retenti, que la porte s’est ouverte, et Elodie a bondi dans mes bras et m’a recouvert de baisers.

« C’est moi qui devrais te couvrir de bisous, ma grillonne. Joyeux anniversaire. »

Derrière elle, sa petite sœur Cindy, attendait, avec une relative patience, qu’à son tour, je la prenne dans mes bras. Et Ludwig et Violette, qui s’étaient écartés pour laisser entrer ma valise et moi, attendaient, également que je leur manifeste ma profonde affection.

Des guirlandes jaunes, rouges et bleues, se balançaient d’un coin à l’autre du grand salon où pendaient des ballons multicolores. Posées sur deux grandes tables, des bouteilles de jus de fruits divers, et des assiettes remplies de gâteaux, de biscuits et autres pâtisseries.

Cindy m’a demandé, tout bas à l’oreille :

« Qu’est-ce que tu lui as acheté comme cadeau ? »

Je lui avais offert une combinaison et un casque de cycliste, en complément de la bicyclette que ses parents lui avaient achetée.

« Petite curieuse. Tu le sauras le moment venu, je lui ai répondu sur le même ton, suivi d’une pléthore de bisous sur les joues, le front et les cheveux. »

Puis, Violette leur a demandé (gentiment) de se calmer un peu, autrement je repartirais dare-dare sur Nice. Alors elles ont promis de faire moins les fofolles.

La fête a commencé et nous nous sommes tous les trois réfugiés dans la cuisine, où la récipiendaire faisait irruption de temps à autre pour nous signaler qu’il fallait des jus de fruits, ou des pâtisseries en plus.

Ça piaillait, ça riait, ça chantait, ça se secouait dans tous les sens. Violette nous racontait ses anniversaires mortels entre son père, sa mère, ses deux frères et une ou deux amies grand maximum, tous entourant la table du salon où était servi un goûter, durant lequel, elle ouvrait ses cadeaux, se levait, et allait remercier un à un, celles et ceux qui les lui avaient offerts.

Ludwig et moi lui avons parlé des nôtres, plus vivants, plus explosifs.

« Le top du top a été celui de tes onze, frérot. Tu t’en souviens ?

— Et comment ! Je fêtais également celui de mes dix ans que j’ai passé à l’hosto.

— A l’hôpital ? S’est écrié Violette.

— Oui, lui ai-je répondu. Celui de Puget, plus précisément. »

C’était la veille de mon anniversaire. Je sortais d’un rhume qui m’avait cloué au lit pendant une semaine. Maïa ne voulait pas trop que je sorte ; moins à cause de mon état de convalescent, que de la prévision d’un violent orage en cours de journée. Rodin, mon cocker noir et blanc, qui n’avait pratiquement pas bougé de ma chambre pendant ces sept jours, lui manifestait son grand besoin de se dégourdir les pattes ; moi j’insistais sur mon grand désir de délier mes jambes, ankylosées par cette immobilité forcée. D’autant que le ciel était encore limpide et bleu, et que je lui avais promis de rentrer dès que j’apercevrais les premiers gros nuages. (Rodin avait confirmé à sa façon). Elle a fini par accepter. Nous sommes allés jusqu’au bout du chemin ; puis Rodin m’a entraîné sur un joli sentier qui grimpait sur une colline. Arrivés au sommet, il m’a fait suivre d’autres pistes et puis d’autres encore ; en m’assurant, dans son langage, qu’en cas de retour forcé, il retrouverait le chemin de la maison. Alors je l’ai suivi confiant. De là-haut, le village était toujours visible, quant aux nuages, je commençais à les entrevoir au loin, et j’entendais également le bruit du tonnerre. Dans ma petite tête j’ai calculé que, si nous amorcions le retour, nous serions rentrés avant qu’ils ne se déversent sur la ville. Quand je lui en ai fait part, il a aboyé deux fois, ce qui signifiait, qu’il était tout à fait d’accord. Hélas, je n’avais pas suffisamment estimé leur vitesse et, à peine avions nous fait deux pas dans le sens du retour, ils sont arrivés sur nous. Le ciel s’est obscurci, l’orage a éclaté, et Rodin a été incapable de faire un pas en plus. Il aboyait de détresse autant que je pleurais de peur. J’imaginais Maïa dans tous ses états, et cela redoublait mes sanglots. Après un quart d’heure d’un déluge biblique, le ciel s’est éclairci. Il ne tombait plus que quelques gouttes, et nous avons fini par rentrer. Verdict : une angine doublée d’une pneumonie, qui a nécessité mon hospitalisation d’urgence, avec l’incertitude d’une guérison totale et sans séquelles. Dieu merci, un Ange a veillé sur moi, et je me suis totalement rétabli.

— Pauvre Maïa, s’est exclamé Violette. Comme elle a dû se faire des cheveux blancs.

— C’est peu de le dire. Encore maintenant, lorsqu’on aborde le sujet, elle se met à pleurer. »

Un ange est passé. Elodie est entrée en trombe et a demandé s’il restait du soda. Ludwig a sorti une bouteille du frigo et la lui a remise.

« Ça se passe bien ? Lui a-t-il demandé.

— Super chouette, a-t-elle répondu. »

Puis elle m’a sauté au cou :

« Très beau ton cadeau, parrain. »

Puis s’adressant à ses parents :

« Demain, à la campagne, je vais m’équiper et on fera tous du vélo.

— Promis, lui avons-nous répondu en chœur. »

Et elle est ressortie rejoindre ses trente-deux invités.

« Alors, cet anniversaire de tes onze ans ?

— Celui de ta fille multiplié par deux. Et par le nombre d’invités, et par le boucan que nous avons fait ton mari et moi.

— Surtout la nuit, a-t-il précisé. Il avait endossé la panoplie de pirate que je lui avais offerte, il m’a filé la tenue de d’Artagnan qu’il avait eue pour Noël et nous avons commencé un combat épique.

— Interrompu par ma tante qui nous a passé un de ces savons.

— C’est la première fois que je l’ai vue en pétard.

— Moi aussi, Ludwig. Moi aussi.

— Pour avoir joué aux spadassins ? A demandé Violette incrédule.

— Il faut que je précise qu’il était deux heures du matin et qu’elle était exténuée par les préparatifs de la fête… ta mère l’avait beaucoup aidée, ai-je lancé en m’adressant à mon presque frère-éditeur.

— Et que nous hurlions comme des fous, chaque fois que l’un ou l’autre était atteint d’un coup de sabre.

— Je comprends mieux. »

A 19 heures 30, la dernière invitée, franchissait le seuil de la porte côté sortie, et l’appartement avait retrouvé son calme. Il nous restait une grosse tâche à accomplir : celle de tout nettoyer, d’effacer les traces de cette joyeuse razzia.

Tout le monde s’y est mis et, moins d’une heure après, tout était rentré dans l’ordre.

Durant le dîner (léger, très léger, nous nous étions, nous aussi, gavés de gâteaux de toutes sortes) Elodie et sa sœur, nous ont fait un rapport très détaillé sur les invitées (désolé messieurs les enfants, mais la gente féminine ayant été bien supérieure à la vôtre, leur genre l’emporte !). Un compliment sur l’une d’elles, faisait suite à une critique sur une autre avec le commentaire : « Je ne l’inviterai plus celle-là ! », qui elle-même, faisait suite à un compliment. Ainsi nous avons appris que Séverine était une goinfre qui a mis des miettes partout (Elle ne l’inviterait plus), et que Lydie répétait tout le temps : « S’il te plaît » et « Merci », que Claire était une pimbêche, et ses parents n’avaient aucun goût (elle non plus ne viendrait plus), et enfin Jonathan qui était trop mignon et rigolo.

Vers les onze heures moins le quart, la maison est tombée dans profond silence. Nous nous sommes servis un verre de vin chacun et, me trouvant en présence de deux non-fumeurs, je leur ai demandé s’ils m’autorisaient à vapoter. Devant leur affirmation, j’ai sorti ma cigarette électronique et mon éditeur s’est mis à discourir sur les ventes faramineuses qu’avaient atteintes le second tome de « Seins au formol »

« Et dire que je voulais lui en faire retrancher des passages, car je le trouvais trop long.

— Moi aussi, m’a avoué Violette. Mais, divisé en deux, je le trouve génial. D’ailleurs… »

Elle a laissé la phrase en suspens, s’est levée et quelques instants plus tard, elle est revenue, tenant de la main droite les deux volumes et, de la main gauche un stylo bille, et m’a tendu le tout.

« Dédicace, monsieur l’auteur. »

Je lui ai souri.

« Volontiers. »

Je les ai regardés :

« A vous deux ? » Puis : « Allez, oui. Ne faisons pas de jaloux »

Et j’ai écrit : « A Violette et Ludwig, dont je ne répèterai jamais assez combien Anicet et moi-même les aimons. » Et j’ai signé de mes deux patronymes.

Violette nous a parlé de son travail harassant à la Commissions Européenne, toujours dans un avion entre Paris et Bruxelles, Bruxelles et Strasbourg, au point d’avoir du mal à savoir certains jours de grande fatigue, si elle se trouvait dans la capitale Belge ou dans la chef-lieu de l’Alsace.

Ludwig, nous a parlé d’une nouvelle auteure qu’il venait de découvrir.

« Tu sais, je t’en ai parlé. La prof en arrêt de travail.

— Celle qui ressemble à une mamie qui écrirait des livres de cuisine ?

— Tout à fait. Je vais publier son premier roman. Il sortira dans un mois.

— Le sujet ?

— Un auteur de théâtre jaloux qui s’est mis en tête de tuer Aristophane. »

Violette, grattant le menton de son pouce et me tirant la langue m’a lancé d’un moqueur :

« Moi je l’ai lu ! Moi je l’ai lu ! »

Et Ludwig, comme pour s’excuser :

« Tu étais en pleine écriture et, comme Montaigne, tu te passes de la compagnie et la souvenance des livres. N’est-ce-pas ? »

J’ai acquiescé.

« Il est formidable, a dit Violette d’un ton redevenu le sien.

— Elle m’a dit en avoir écrit deux autres : l’un qui se passe au temps de la République Romaine, l’autre – tiens-toi bien – à l’âge de fer.

— Carrément !

— Oui. Et elle a l’intention de récidiver. Inventer une sorte de justicier de cette époque.

— Elle est prof de quoi ?

— D’histoire.

— Je comprends mieux.

— Et ce n’est pas tout. Son mari est archéologue.

— Comme Mistress Agatha ?

— C’est cela même ! »

Violette a vidé son verre et, après avoir caché un discret bâillement :

« Excusez-moi, je vais aller me coucher. »

Elle s’est levée, nous a fait la bise et a émigré dans sa chambre.

Elle n’appréciait pas ma collection (Elle ne m’estimait pas moins pour autant) et, après son départ, Ludwig m’a proposé un autre verre de vin (que je n’ai pas refusé) et m’a demandé des nouvelles de ma mystérieuse cousine Roxane à la belle florescence. J’ai haussé les épaules.

« Je ne l’ai reçu qu’avant-hier, et je n’ai pas eu trop le temps de m’en occuper.

« Une admiratrice qui te suit sur Facebook.

— Sans doute, lui ai-je rétorqué. Hier, j’en ai dénombrées plus d’une centaine… et je n’ai pas fini. »

J’ai bu une gorgée :

« D’après Maïa si son aspect physique ressemble à son moulage, elle doit être très belle.

— Veinard !

— Calmos, frérot. Ne fantasmons pas avant de l’avoir vue. J’ai connu de très belles femmes avec de vilains seins. La réciproque est sans doute vraie. »

Il m’a demandé si je l’avais pris en photo. Oui. Exprès pour lui. Il était avec ma douce marraine, le seul à connaître la collection aussi bien que moi, mais toutefois, pas au point de prendre un sein au hasard, et reconnaître sa propriétaire rien qu’en le caressant. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre ne se privait de me faire passer ce test et d’aller contrôler si l’étiquette, où j’avais inscrit le nom de la généreuse donatrice et les dates de notre liaison, correspondait à celui que je leur avais annoncé. Je ne me suis jamais trompé.

« Et qu’est-ce-que tu comptes faire ? M’a-t-il demandé après avoir regardé longuement la photo sur mon téléphone.

— Déjà, attendre le retour de madame Prunier, pour qu’elle m’en dise davantage sur elle. »

Il a hoché la tête.

« Tu me tiendras au courant, j’espère.

— Depuis quand je te fais des cachoteries, frérot ? »

Il m’a souri, et gratifié d’une tape sur l’épaule. Nous avons vidé nos verres, les avons lavés et posés sur l’évier, puis nous nous sommes souhaité la bonne nuit, fait la bise et nous avons pris le chemin de nos chambres respectives.

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