8.

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 Cédric poussa la porte des toilettes du bâtiment principal, prenant soin de vérifier que personne ne se trouvait dans les quatre cabines de la petite pièce. Il entra dans la dernière, refermant soigneusement la porte de celle-ci pour ne pas prendre le risque de faire trop de bruit dans la salle raisonnante. Il ne voulait sûrement pas attirer l'attention des gardes ou des autres pensionnaires. Une fois assuré d'être seul et enfermé, le pauvre garçon se laissa glisser jusqu'au sol, le dos plaqué contre la séparation de deux cabines. Il se mit à éclater en sanglots. Retenant ceux-ci de son mieux entre ses lèvres pincées, dans le but de faire le moins de bruits possible. Il enfouie son visage dans les paumes de ses mains, étouffant ainsi ses pleurs. Ce qu'il venait d'apprendre l'avait mit dans un tel état. Deux ans ? Voir plus. Pourrait-il vraiment tenir tout ce temps dans ce complexe ? Comment cela ne pouvait-il pas déranger les autres ? Le jeune homme était à terre, recroquevillé sur lui-même, tremblant.

« Je ne tiendrai pas… j'aurais jamais la force... » se dit-il entre deux sanglots.

Ce n'était que sa première semaine dans cet institut. Bien qu'il était mieux lotit en ces lieux qu'à n'importe quel autre moment de sa vie, sa séquestration n'avait comme effet que de lui remémorer les méfaits dont il était la cause. Ses parents, ses frères, il aurait préféré mourir avec eux quatre que de rester seul en ce monde, qui plus est, enfermé dans ce centre qui lui rappelait tous les jours à quel point il était un monstre. Il passa bien deux bonnes heures enfermé dans l'endroit, se maudissant d'exister, d'être ce qu'il était. S'il le pouvait, il aurait voulu ne jamais sortir de ces toilettes, mais la peur qu'on vienne l'y chercher le déplaisait tout autant que d'en sortir par lui-même. C'est en séchant ses larmes et en s'arrangeant un peu, que Cédric sortit finalement de la pièce.

Le reste de la journée s'écoula comme à son habitude. Cédric ne s'approchait de personne et restait dans son coin. Cette fois, il ne prit même pas la peine d'observer ce qui l'entourait. C'est avec l'esprit tourmenté plus que d'ordinaire que Cédric avait rejoint sa chambre le soir venu. Marie, dont la chambre se trouvait au même étage et dans le même couloir que celle du garçon, tenta de l’approcher avant la fermeture des portes. Voyant celui-ci, le visage plus sombre que jamais, ne pas lui répondre, elle n'insista pas, se sentant désolée pour lui, bien qu'elle n'avait pas vraiment idée de ce qu'il se passait dans sa tête.

Le jeunot n'avait pas fermé l’œil de la nuit, aussi, en cette journée du sept janvier, la fatigue s'était unie avec sa mélancolie déjà bien présente à l'intérieur de son esprit. Cet après-midi, comme tous les autres depuis son arrivée, Cédric était seul sous le préau. Il faisait un peu plus froid que la plus part du temps, de la brume sortait de sa bouche, formant un léger nuage fumeux, dès qu'il expirait. Sur son banc, il n'avait de cesse de doucement se frapper le front avec son poing, comme pour forcer son cerveau à se vider de ses pensées nocifs qui refusaient de le quitter.

« Qu'est-ce que je suis censé faire à présent ? Attendre bien sagement des années avant d'être libéré ? Ce n'est pas comme ça que j'imaginais les choses... » se dit-il désespéré pendant plus de quelques heures déjà.

-Hm… Cédric ? Lança une petite voix timide.

Ce dernier cessa de se heurter à son point et leva la tête suite à cet appel. Marie, se tenait devant lui. Elle d'habitude si guillerette, paraissait beaucoup plus calme, comme si elle s'en voulait de prendre le risque de déranger le garçon. La rouquine rangea une mèche de ses longs cheveux derrière son oreille, craintive qu'il l'envoie balader.

-Salut… dit-il sans réelle conviction.

Celui-ci soupira, il n'avait le cœur ni à fuir, ni à parler, et se contenta donc de rester à sa place, emprisonné par ses pensées.

-Voilà, reprit la fille timidement, j'ai l'impression que Lize et moi on ne t'a pas vraiment aidé… pardon.

-Vous l'avez fait. J'ai eu mes réponses. Répondit-il avec un peu plus de considération pour celle avec qui il parlait.

-Je me disais… hésita-t-elle, Cassy et Eric, peut-être que tu devrais aller leur parler.

Cédric eut un léger sourire, rien à voir avec quelque chose qu'il aurait trouvé drôle, non, mais plutôt ridicule.

-Pour quoi faire ?

Marie prit place à coté de lui.

-Et bien, de ce que je sais, ils sont là depuis plus longtemps que nous autres. Peut-être tu auras plus de réponses.

-Je n'ai plus de question, dit-il sèchement.

-Alors dans ce cas, peut-être te permettront-ils de relativiser un peu ?

-Tout le monde a l'air de les éviter, et toi tu m'envoies à leur rencontre ?

-Ils ne sont pas méchants, Cassy est plutôt cool même. Mais c'est vrai qu'on ne lui parle pas beaucoup étant donné qu'elle est pratiquement toujours avec Eric, toujours là à se cacher le visage et à fuir tout le monde comme la peste.

Cédric lança un bref regarde vers le duo au centre de leur conversation.

-Pourquoi il se cache ?

-Il aurait une énorme cicatrice sur le visage à ce qu'il paraît, mais il ne doit pas être bien méchant, tu peux toujours essayer de lui parler.

-Disons que je préfère les éviter aussi, en plus cette Cassy est beaucoup trop insistante.

-T'es bien le seul avec qui elle se permet de l'être, fit-elle en souriant.

Le garçon se demanda ce qu'elle voulait dire par là. Après un moment de réflexion, il se rendit compte qu'il n'avait jamais vraiment vu la jeune fille parler autant avec d'autres qu'avec son ami, ou avec lui-même. Pourquoi insistait-elle autant pour devenir amie avec lui qui cherchait absolument à rester seul, plutôt qu'avec d'autres qui acceptaient de lui parler quand elle venait à eux ? Ses dernières rencontres avec la jeune fille, l'avaient incité à en rester le plus loin possible, aussi, il n'était absolument pas tenté d'aller lui adresser la parole.

-Tu n'es obligé à rien, je me suis juste dit que ça pourrait t'aider à te sentir… mieux. Reprit Marie qui semblait compatir à l'état du garçon.

-Merci, c'est gentil, lui répondit-il s'efforçant de lui faire un sourire amical comme pour la rassurer.

Cédric estimait bien la jeune fille de dix-sept ans. Il n'en ferait pas sa meilleure amie pour autant, mais il appréciait le faite qu'elle n'insistait sur rien avec lui, elle n'avait aucune attente, ce qui avait le don de le soulager et de lui permettre d'avoir des conversations presque agréables avec elle. Elle avait ce petit quelque chose qu'il ne saurait décrire.

La rouquine se leva du banc, ne voulant plus monopoliser le temps du garçon qui semblait ne pas vouloir parler davantage. Elle commença à se diriger vers l'entrée du bâtiment pour quitter le préau, lorsque Cédric l'interpella, ce qui la fit se retourner vers lui.

-Pourquoi je semble être le seul aussi touché par le fait d'être coincé ici ? Demanda-t-il en se levant.

-On est tous passé par là. Ne crois pas que dès notre arrivée nous étions tous « génial, une belle vie s'offre à nous ! » dit-elle en imitant une personne ravie.

Cédric ne dit rien.

-Tu sais, reprit-elle plus sérieusement, quand il t'est déjà arrivé de faire du mal à quelqu'un, d'une manière ou d'une autre, ou alors que d'autres t'ont fait souffrir pour ce que tu es, tu te dis que ce n'est pas plus mal de tout reprendre à zéro, alors tu apprends à être patient. C'est ce que la plupart d'entre nous s'efforcent de faire, chacun à sa façon.

-Comment t'as atterrie ici ? Demanda-t-il curieux.

-Une fille de mon école a cru bon de s'en prendre à moi... Lorsqu'elle m'a touché j'ai eu comme une vision de... Je l'ai vu elle... Son viol et... Sa mort, dit-elle en cherchant à parler avec le plus de tacte possible. Elle l'a vue elle aussi. Apparemment cette vision l'aurait hanté toute une semaine avant qu'elle aille porter plainte. Elle pensait que je lui avais mit un cauchemar dans la tête pour la tourmenter. Moi-même à l'époque je ne savais pas ce qu'il s'était passé à ce moment-là.

-Elle est vraiment morte ? Demanda-t-il impliqué par ce qu'elle lui racontait.

-Quand je me suis rendue compte que c'était une vision et non une sorte de rêve, j'ai voulu la prévenir, mais on m'a attrapé et amené ici. À mon réveil, on m'a annoncé sa mort et ce qui lui était arrivé juste avant…

Il n'en fallu pas plus pour comprendre ce qui était arrivé à cette pauvre fille. Il se rendit compte qu'il n'était pas le seul à avoir le poids de ses capacités sur la conscience.

-Ce n'est pas de ta faute, reprit-il pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à s'en vouloir. Tu sortiras d'ici un jour, et tu seras aussi normale que les autres. Tu dois être pressée en deux ans que tu es là.

-Ce que je me dis, c'est que plus les jours passent, plus je me rapproche du jour où je serai libre, tu devrais penser pareil, ça te ferait peut-être du bien, qui sait ?

Cette dernière phrase raisonna comme un échos dans l'esprit du jeune brun. Marie avait su lui donner un peu plus d'espoir et de patience en une phrase, que lui en une semaine au complexe. C'est en souriant que celle-ci s'éloigna de lui avant de gagner l'enceinte du bâtiment.

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