Sur sa table une coupe de fraises, un paquet de cigarettes, le roman de Brigitte Giroud "nous ne serons pas des héros". Elle avait de longs cheveux noirs ondulants. Elle portait des lunettes de soleil. Ses ongles étaient rouges. Ses jambes se croisaient. Elle avait de longues jambes et au bout des chaussures rouges, comme ses lèvres. Elle écrivait sur un petit carnet, parfois elle relevait la tête et regardait autour d'elle. Puis elle se replongeait dans son carnet. Parfois elle posait le stylo. Elle prenait la cuillère et la remplissait de fraises puis au moment où les fraises touchaient ses lèvres, elle devenait un personnage d'art. Le noir de ses cheveux, le rouge de ses lèvres, de ses chaussures et de ses fraises.

C'était très beau à contempler. L'espace public c'est parfois un théâtre un musée. En un instant voir passer des scènes dignes de théâtre, comme des portraits de tableau échappés d'un musée inconnu. Un chat noir et blanc se réfugia sous sa table. Il se mit à rénifler par terre.Moi je voyais ce chat. Mais pas elle. Elle ne le vit que quand il sortit de la table. Elle posa son stylo sur son carnet. Il fit le beau en se roulant par terre. Elle rit. Il vint frotter sa tête contre sa jambe. Elle rit encore. Il fit le tour de la table comme s'il se demandait "j'y vais ou pas" et au virage hop il sautit sur les jambes de la fille. Elle eut un rire de susprise. Il s'allongea sur elle.

Sur mon banc, je contemplais cette belle scène en mangeant mon casse-croûte.

Le privilège de la vie de SDF c'est d'assister à des scènes uniques. Nous n'avons pas le luxe d'aller au cinéma. Alors la vie nous offre des petits moments de cinéma en vrai.