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Gabriel observait son petit frère avec de grands yeux ronds. Ce tout petit bonhomme à la peau rosée allait bientôt débarquer à la maison et tout chambouler dans sa vie. Il jeta un œil à sa grande sœur, Rebecca, et se dit qu'elle avait dû penser la même chose lorsque lui-même était né. Ce n'était pas exact car Gabriel, du haut de ses quatre ans, oubliait un détail : Rebecca n'avait que deux ans lorsqu'il était venu au monde.

Il reporta son attention sur le poupon à la peau si rose qu'elle en était presque rouge. Il dormait paisiblement pour le moment, produisant un petit bruit sifflant à chaque inspiration. Et puis soudain, Thomas ouvrit les yeux. Timidement d'abord, puis ses yeux de nouveau né semblèrent faire le point sur le visage de son grand frère qui l'observait avec curiosité. Leurs regards se croisèrent pendant deux ou trois secondes, sans que rien ne se passe. C'était comme si le temps s'était figé pour les laisser se découvrir, plongeant chacun dans le regard si bleu de l'autre. Et puis un sourire illumina le visage du bébé Thomas, qui poussa un petit cri de contentement.

— Ça alors ! s'étonna Marie, la mère des trois enfants, qui tenait le bébé dans ses bras. Tu as vu, David ?

Tout émerveillé, le père de la fratrie fit simplement oui de la tête.

— Nous allons te laisser te reposer, ma chérie. Les enfants, vous m'attendez devant la porte, une minute ?

Rebecca embrassa sa mère et sortit de la chambre de la clinique, non sans regarder en arrière. Mais Gabriel resta un instant encore à contempler son petit frère. Il fallut que son père le pousse dehors, gentiment mais avec fermeté, pour qu'il détache enfin son regard du nouveau membre de leur famille.

Il se retrouva dans le couloir avec sa grande sœur, se demandant vaguement ce que pouvaient bien se raconter ses parents. Puis il remarqua quelque chose.

— Pourquoi tu pleures, Becca ?

Sa sœur lui sourit.

— Je suis contente que maman et le bébé aillent bien, répondit-elle. J'ai entendu papa parler avec les docteurs pendant l'accouchement : ils disaient que ça ne se passait pas très bien.

Gabriel pencha la tête sur le côté, sans trop comprendre cette histoire d'accouchement.

David sortit de la chambre et prit ses enfants par la main. Il les guida dehors, jusque dans leur voiture, sans rien dire. Une fois les enfants installés, il s'assit au volant et inspira profondément avant de démarrer la voiture.

— Quand est-ce que maman rentre à la maison avec le bébé ? demanda Rebecca.

— Dans deux ou trois jours, ma chérie. Le docteur doit garder maman à la clinique pour l'aider à se reposer. Tu es contente d'avoir eu un petit frère ?

— Bah j'ai déjà un petit frère ! s'écria la fillette. Mais oui, il a une bonne tête.

David partit d'un grand éclat de rire. Il manœuvra pour extirper sa volumineuse berline de sa place de parking et se dirigea vers la sortie.

— Je devrais vous laisser avec Estée, demain. Je dois vraiment aller au travail, régler mes affaires, avant que maman ne revienne à la maison.

Rebecca émit un « ouais ! » enthousiaste, mais Gabriel ne produisit qu'un grognement. David lui jeta un coup d’œil via le rétroviseur.

— Gabriel, tâche de t'entendre avec Esteban, d'accord ? Je ne veux pas entendre que vous vous êtes encore battus tous les deux, c'est clair ?

Gabriel grommela de plus belle.

— Gabriel ? tonna David.

— Promis, papa... finit par lâcher le garnement à contrecœur.

Sur la rocade qui les ramenait chez eux, un avion passa presque en rase-motte au-dessus de la route, à quelques centaines de mètres.

— C'est lequel, ç'ui là, p'pa ? demanda Gabriel tout excité.

— C'est mon nouveau HF-2200, fit David, et il vole un peu trop bas à mon goût.

David était ingénieur-chercheur à la STAT. Aéronautique. La société dominait le marché mondial du transport aérien, de l'exploration spatiale et de la construction automobile. Le rôle de David était de développer de nouveaux avions.

Gabriel suivit des yeux l'oiseau de métal jusqu'à ce qu'il se pose sur la piste de l'aérodrome, tandis que son père s'engageait sur la bretelle de sortie qui longeait la clôture du terrain d'aviation. Le petit garçon de quatre ans adorait ces engins, d'autant plus que c'était son père qui les concevait !

Une fois à la maison, David mit son fils au lit.

— Dors bien mon grand. À tout à l'heure.

— Papa ?

— Oui bonhomme ?

— Après ma sieste, on pourra aller voir ton avion ?

— Non, Gabriel, pas aujourd'hui. Je dois préparer la maison pour maman et Thomas, quand ils viendront. Tu pourras m'aider si tu veux.

— D'accord, répondit Gabriel en souriant.

Puis il se recroquevilla en boule dans son lit et s’endormit.

David observa son fils quelques secondes, se demandant quel type d'homme ce bambin parfois un peu buté allait devenir. Il quitta la chambre avec l'étrange certitude qu'il ne devait pas s'inquiéter pour ça, que son fils ferait de grandes choses. Que ses fils feraient de grandes choses.

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