Chapitre 9

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Le parchemin découvert par Maxence représentait clairement un plan de la Commanderie des Andrivaux au XIVe siècle. Sur un fond cadastral, on y voyait l’église Saint-Maurice, la commanderie qui la jouxtait ; en face le bâtiment annexe ; plus loin, au fond de la cour ainsi délimitée, le pigeonnier. Y figuraient encore la source, le cimetière et sa lanterne des morts, et de l’autre côté de la route qui serpentait devant la commanderie, la maison De Chilhaud et quelques autres. Mais aucune indication littérale ou chiffrée n’y était inscrite.

En dessous, la « malédiction » latine en écriture gothique rotunda, et donc, au-dessous encore, le fameux chant codé des « Carmina Burana ». Les trois dessinés et rédigés avec la même encre, semblait-il, légèrement brunâtre.

Tout le problème, confirma Maxence, était de savoir s’il fallait établir une correspondance ou pas entre ces trois éléments, et si oui, laquelle et comment ? La solution « hasardeuse » de Constantin ne tenait compte que des deux premiers, par force, puisqu’à l’heure de son élaboration, il n’avait pas connaissance du plan.

Ce soir-là, Maxence refusa l’invitation à dîner de Constantin. Elle devait rentrer à Limoges. Mais ils convinrent d’un autre rendez-vous, dans les locaux de la DRAC. Maxence voulait tenter de dissuader Constantin de remettre son parchemin à sa place originelle pour le confier, lui aussi, à l’institution qui pourrait ainsi poursuivre plus aisément les recherches sur le message codé. Elle ne lui cacha pas qu’en cas de succès, de découverte de quoi que ce soit, il ne serait au mieux que co-inventeur.

C’est alors que Constantin, appliquant la maxime de Danton devant l’Assemblée le 2 septembre 1792, « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » proposa à Maxence un marché : il accèderait volontiers à sa demande si elle voulait bien l’associer à la suite des investigations. Ce n’était plus tant le trésor putatif des Templiers qui l’intéressait que la compagnie de l’archéologue !

Chacun y trouvant son intérêt, ils topèrent là.

Maxence n’était pas de ces filles qui laissent les hommes les choisir ; d’autant plus après son expérience passée, mais cette fois, tout en voyant clair dans le jeu de Constantin, elle se disait que, somme toute, ce libraire-brocanteur semblait plutôt drôle et attendrissant. Ses chaussettes dépareillées l’amusaient beaucoup. Aujourd’hui, celle du pied gauche arborait les couleurs du drapeau américain et l’autre flamboyait d’un rouge coquelicot. Rafraîchissant, non ?

Les analyses de laboratoire confirmèrent la contemporanéité des deux parties du parchemin, que l’encre datait du XIVe siècle, qu’il s’agissait d’un vélin de qualité supérieure, de dimensions 32 x 46 cm, assez courantes à l’époque. L’écriture utilisée, la gothique rotunda, encore appelée « lettre de somme », venait d'être inventée. Point final.

Maxence se persuadait peu à peu que ce document avait servi de pense-bête, de carnet de notes regroupant des informations disparates : une matrice cadastrale recyclée en plan sommaire de la commanderie, une complainte qu’on avait voulu garder par écrit... Mais pourquoi le codage ? La fausse piste semblait la réponse la plus sensée. Ce qui la surprenait le plus, c’était ce plan, sans aucune légende. C’était illogique.

Retirant le parchemin de la table lumineuse sur laquelle il était posé, elle farfouilla dans un tiroir jusqu’à trouver une bougie qu’elle alluma avant d’approcher avec précaution le vélin de la flamme.

Bientôt, à la chaleur de celle-ci, on vit apparaître au bas du plan une série de chiffres séparés par des points. Comme si la légende avait été rédigée à l’encre sympathique ! Maxence croyait que celle-ci avait été inventée vers 1700 par une alchimiste allemande, mais elle savait aussi que l’une des plus simples d’entre elles était le jus de citron, que les Croisés ne pouvaient manquer de connaître.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE

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