Chapitre 8

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Le soleil rayonnait et c’est capote repliée qu’il avala les quatre-vingt-dix kilomètres de routes sinueuses, le coude à la portière et le nez au vent, en prenant tout son temps. La Triumph ne supportait aucune erreur de conduite. Le moindre coup de frein intempestif pouvait terminer en tête à queue ! Ce matin, il s'était levé d’humeur badine. Les contrariétés passées avaient été remisées au magasin des accessoires. Et c’est dans d’excellentes dispositions qu’il prit ses quartiers au Château des Reynats, avant de mettre le cap sur la commanderie voisine.

Une grille fermait la cour trapézoïdale délimitée par les deux corps de bâtiments principaux ; c’était aujourd’hui propriété privée. Plus loin, le pigeonnier, couronné de ronces et de lierre, attendait une remise en état. La lanterne des morts avait disparu. Quant à la maison De Chilhaud, elle avait connu des travaux conservatoires encore inachevés. De l’église Saint-Maurice, il ne restait qu’une carcasse à ciel ouvert et la crypte.

Après l’annonce diffusée à la radio, la presse locale s’était emparée de l’affaire, avec reportage photographique et interviews. Il ne fut pas trop difficile à Constantin de retrouver l’inventeur du parchemin. Un archéologue de la DRAC Nouvelle Aquitaine, qui travaillait sur le site de Limoges, mais natif de Chancelade où il avait conservé un pied-à-terre. Fort logiquement, c’était vers lui que le propriétaire du site s’était tourné pour une expertise des lieux, au moment des travaux de déblaiement et consolidation de la salle voûtée. En inspectant les parois de la salle, celui-ci avait remarqué une pierre de taille marquée d’une croix templière et scellée d’un mortier différent de celui du reste de la pièce. Il avait demandé son descellement et mis à jour dans la cavité découverte le coffret du parchemin.

Il y avait eu discussion sur le caractère de trésor de la découverte. Mais, au bout du compte la notion de hasard fut écartée et la qualité de trésor déniée. Le propriétaire, la commune de Chancelade, bien encombrée de ce parchemin, en avait alors fait don au Service Régional de l’Archéologie où il se trouvait toujours en dépôt et analyse.

Maxence de Montplaisir ne paraissait pas son âge. À l’aube de la quarantaine, on lui en aurait donné dix de moins ! C’était une brune aux yeux clairs, aux cheveux mi-longs, au front haut et petit nez retroussé. Des lèvres charnues et une dentition parfaite d’une blancheur éclatante lui donnaient un sourire ravageur. Élancée et sportive, bien des hommes lui tournaient autour, mais jusqu’ici elle ne s’était attachée à aucun, échaudée par un premier mariage raté, dont elle avait gardé une petite fille de six ans.

Constantin était persuadé d’avoir affaire avec un homme. Aussi ne put-il cacher son étonnement, lorsqu’il se trouva en face de la jeune femme, au bar de son hôtel :

— Vous êtes Maxence de Montplaisir ?

— Eh oui ! Et une habituée des quiproquos. La faute à mes parents vieille France. Mais mes amis m’appellent Maxou. Que puis-je pour vous ? Votre e-mail m’a intriguée.

— C’est une histoire incroyable. Voilà...

Et, devant un café, il exposa en détail à la jolie archéologue l’achat de son « homme debout », la découverte du tiroir à double-fond, du parchemin, le rapprochement qu’il avait opéré avec la trouvaille des Andrivaux, ses tentatives d’élucidation du message codé et l’interprétation à laquelle il était parvenu.

Maxence de Montplaisir l’avait d’abord écouté, bouche bée, avant de partir d’un grand éclat de rire lorsqu’il avait fait état de sa lecture finale.

— Vous n’allez quand même pas apporter foi à cette construction farfelue ?

— Vous savez ce que c’est, j’y ai cru, tout en ayant envie de ne pas y croire, c’est humain, non ?

— Humain, sans doute, en effet, mais pas du tout scientifique. Montrez-moi votre découverte, qu’on vérifie d’abord qu’il s’agit bien des deux morceaux d’un même écrit.

Maxence avait obtenu de la conservatrice adjointe, Hélène Mousset, l’autorisation de voyager avec la pièce « des Andrivaux » aux fins de confrontation avec celle dorénavant dite « de Domme ». Nos deux protagonistes, avec ensemble, sortirent chacun d’un porte-documents une chemise contenant le précieux parchemin, qu’ils posèrent à plat sur la table basse devant laquelle ils étaient assis. Les fines dentelures de la déchirure correspondaient, à l’exception de quelques-unes qui avaient été endommagées au fil des ans.

— Vous y croyez, vous, au Trésor des Templiers, demanda Constantin à Maxence, alors que leurs têtes se touchaient presque au-dessus du précieux écrit ?

— Je ne crois pas, je cherche... répondit-elle dans un sourire. Tant que toutes les hypothèses n’ont pas été vérifiées et écartées, il reste de l’espoir, non ? Et il y en a tellement...

— Alors, vous pensez que...

— Pour l’instant, je ne pense rien. Authentifions d’abord ces deux morceaux de parchemin. Nous verrons ensuite. Chaque chose en son temps, si vous voulez bien.

Constantin, en face de Maxence, était disposé à vouloir quoi que ce soit, pourvu que ce fut avec elle. Celle-ci nota son trouble.

— Remettez-vous, il n’y a là rien d’extraordinaire.

— Pour vous, peut-être ; pour moi, il en est tout autrement, je vous assure.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, juin 2017.

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