8 - Les Germes d'un Conflit

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Le mois se passe au rythme des soirs d’hiver, des neiges éternelles qui tombent en voile et les coupent du monde chaque jour davantage. Ils vont toujours par la vallée oubliée respirer l’air pur et savourer le blanc, toucher l’écorce de certains arbres pour y puiser de l’énergie, puis discutent au soir venu de choses et d’autres : du cosmos, de littérature, du japon et des rapports humains.

Au fil du temps, le faiseur de mots s’attache à son pupille d’une saison. Il le considère comme ce fils qu’il n’a jamais eu : c’est un garçon intelligent, malgré ses lacunes évidentes, son obstination infantile, cette façon de ne comprendre les choses que quelques jours après, agaçante sur le moment, attendrissante parfois. Qu’il soit sanguin lui est désagréable dans sa compagnie, lorsqu’il s’emporte notamment ; pourquoi ne pas en faire une force, pour écrire, plutôt que de maudire le cadre même de l’initiation, ses finalités, ou la langueur monodique de ce séjour ? L’ermite le rassure et lui dit de prendre la mesure du temps. Il lui apprend que la méditation, la connexion avec le monde et l’immanence ne sont pas, forcément, les seules ressources pour se trouver et se trouver dans l’écriture : il en est d’autres, qu’il faut savoir identifier, connaître, mais dont il faut se méfier pour ne pas mettre en danger le dire. Elles se découvriront au fil du temps, dans l’initiation et au-delà.

Mais ce sujet, Célio semble rétif à l’aborder, tout comme il ne désire pas évoquer son œuvre qu’il tisse pourtant chaque nuit, en artisan plus qu’en artiste, sous les ondulations folles d’un immense chandelier. Son mentor le rassure de n’en avoir pas honte, qu’il est certain que ce manuscrit a de la valeur s’il est son reflet et qu’il a écouté ses conseils, qu’en cette âme il est assurément quelque chose qui doit naître. Malgré ses craintes, Célio aimerait savoir ce qu’en pense son maître, finalement sa plus grande source d’inspiration, bien qu’il aime à le conchier en esprit et qu’il s’acharne à ne pas se voir comme son reflet.

Quelle ne sera pas la surprise, la stupéfaction de ce dernier, de découvrir, en peu de mots, ce qu’il a construit toute sa vie, comme au travers d’un miroir à peine déformant, tout ce qu’il a donné, le fruit de ses recherches, de ses travaux, de ses sacrifices, étalés là devant ses yeux, sans qu’il n’en sache rien, comme si son œuvre elle-même en avait enfanté une autre dans l’ombre, par le secours - ou l’avarice - d’une autre main, par le prisme d’une âme mal intentionnée.

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