Un semblant de liberté

36 minutes de lecture

Au sein du complexe, lorsqu'on se retrouve dans ma situation, on fait en sorte de pouvoir se raccrocher à quelque chose et en l'occurence ici, c'est le fait de pouvoir compter les uns sur les autres qui se retrouvent dans la situation identique à la vôtre. Kaoru fait parti de ses personnes que je côtoie au quotidien au sein du complexe et avec qui j'aime passer du temps. On est devenus de très bons amis et dès qu'on en a l'occasion on passe un peu de temps ensemble. ça permet de prendre des nouvelles mais aussi de nous entraider. Kaoru est comme un frère aussi pour moi. Je me rends compte avec le temps que je me suis créé ma propre famile dans cet endroit. Chose que je ne pensais pas forcément possible vue ce qui s'y passe. Comme quoi tout est possible et qu'on s'attend jamais à ce que la vie nous réserve. Qui l'eut cru de croiser le chemin de ces personnes dans un tel enfer nous permettant de tenir? Non vraiment, j'ai beaucoup de chance de connaître Kaoru. Et il y a également Louis que j'ai retrouvé ici... jamais je n'aurais imaginé recroiser sa route et encore moins dans un tel endroit. Louis était mon patient à l'hôpital.. le pauvre souffre d'une sacrée maladie et j'imagine combien ça doit être éprouvant pour lui d'être enfermé ici. Et encore moins de bol pour lui que de se retrouver à devoir servir l'enfoiré de garde nommé Jayce.. le garde qui m'a traîné ici de force. Je ne peux pas me l'encadrer ce type. D'ailleurs, peu de monde doit apprécier ce mec. Et comment cela peut-être possible de se retrouver proche des gardes? Après tout, ces enfoirés participent à notre emprisonnement.

Ce matin, je me rends aux écuries, lieu ou Kaoru travaille depuis peu.. avant il était au club de strip tease appelé le Tutti Frutty .. les noms donne la nausée par moment... Le complexe est un immense labyrinthe, proposant une multitude de lieux qui sont tous là pour pousser les clients à la luxure. Le but recherché. Nous ne sommes pas là pour faire joli mais pour être utilisé dans tous les sens du terme. Nous sommes des objets.. nous ne sommes plus rien entre ces murs. Arrivé près des boxes, je me faufile vers une jument et vient caresser sa tête. Je souris en coin. L'équitation je ne suis pas très doué.. j'ai pris quelques leçons dans mon ancienne vie. Et Rajaar a eu l'idée farfelue de me conduire dans le désert. Mes pensées s'évadent et je repense alors à ce fameux jour. C'était quelques temps après notre violente dispute ou j'avais découvert la liaison de Rajaar.

Flasback

Les jours passent et le temps qui passe jamais ne revient... Et, je regardais les jours défilés sans faire grand chose de mes journées. Je passais la majorité de mon temps hors de l'appartement. J'évitais Rajaar au maximum, incapable de me sentir à l'aise en sa présence. Ce n'est pas tant sa trahison le vrai problème, mais le fait de me sentir humilié et sale, depuis que Wyatt avait posé les mains sur moi. D'ailleurs, mes nuits étaient agitées, envahies par les cauchemars qui me réveillait et me donnait des sueurs froides. Je mettais toujours un peu de temps pour réaliser que j'étais dans ma chambre et que cet épisode était derrière moi. Enfin vu l'impact, c'était loin d'être du passé. Je ne savais pas si je parviendrais un jour à ne plus avoir ces immondes images et cette sensation d'avoir cette empreinte sur moi qui me suivait partout. Encore cette nuit, j'avais hurlé dans mon sommeil et m'était réveillé le cœur battant à tout rompre et le corps couvert de sueur. Je ne parviens pas à refermer les yeux le restant de la nuit, restant allongé sur le côté en position fœtale à attendre que le jour se pointe. Je devenais vraiment fou à force de revivre ce moment. Je songe à ma journée avec Matthew et un sourire apparaît sur mon visage. Avec mon ami, nous avions eu un bon moment de fou rire et cela avait fait beaucoup de bien. S'accrocher à ce genre d'images me permettait de ne pas perdre complètement la tête. Il ne me restait que cela pour le moment pour tenter de tenir le coup. Mon cœur quant à lui était brisé depuis la révélation au sujet d'Alexander. J'avais appris également la nouvelle à son sujet. J'étais peiné pour lui. Aussi surprenant que ça puisse paraître, enfin de compte, je ne lui en voulais pas. De toute façon, il était victime dans l'histoire tout comme moi. Et j'étais attristé... je me demandais si Rajaar était la raison de son geste ? En partie, mais je me disais qu'il y avait également autre chose. Le prince semblait déjà bien triste lorsqu'ils nous avaient trouvé Rajaar et moi et semblait avoir également pleurer...

Alors que je me trouve toujours sur mon lit, j'entendais frapper à la porte de ma chambre. Je ne bougeais pas sachant pertinemment l'identité de la personne. Rajaar me salua et m'informa qu'il avait une surprise pour moi et que je devrais porter certains vêtements qu'il sortait de l'armoire. Je me redresse afin de jeter un œil aux affaires. « Bonjour » dis-je, simplement. J'aperçois sur le bord du lit un t-shirt, une veste ample ainsi qu'un foulard. J'arque un sourcil, plutôt perplexe. Je ne comprends pas vraiment. Pourquoi me fallait-il porter tout cela ? J'étais quelque peu intrigué. Moi qui pensait m'éclipser en douce comme je le faisais ces derniers temps, c'était raté. Cependant, j'étais assez curieux de savoir ce que me réservait le Prince. Rajaar s'éclipsa dès qu'il eut déposé les habits sur le lit. Je finis par me lever pour me rendre à la salle de bains en prenant les affaires au passage. Je me glissais sous la douche et restais les yeux fermés un bon moment. Ça me faisait un bien fou de me trouver dessous, laissant l'eau chaude délasser mes muscles. Je pris le gel douche et me lavais puis me rinçais avant d'entourer une serviette autour de ma taille. J'allais vers le lavabo et je jetais un œil à mon reflet. J'étais vraiment fatigué et les cernes étaient présentes. Je détournais mon regard assez rapidement et soupirais. Je me frottais le visage une seconde puis je terminais de me sécher avant d'enfiler mes vêtements. Je me coiffais puis j'inspirais un bon coup avant de me décider à quitter la pièce pour rejoindre le Prince dans le salon. Alors que je venais d'arriver, on frappa à la porte et Rajaar alla ouvrir. Mes habitudes ont la vie dure... je me mordais la lèvre une seconde alors que je vois un homme entrer. Je baissais les yeux. Je ne sais même plus comment me comporter ces derniers temps. Mais, il est vrai que j'évitais le regard de tout le monde ces temps-ci... « Bonjour Monsieur» dis-je. A noter dans un calendrier vu mon effort. Seulement, je n'ai pas tellement envie de me battre en ce moment. Je suis tellement fatigué. Je ne tenais pas à m'attirer des ennuis supplémentaires bien que Rajaar était présent.

Je restais à l'écart en écoutant la conversation le regard baissé. Je me demandais bien qui était cet homme. Pour quelle raison était-il présent ? Puis, ou diable Rajaar avait-il l'intention de m'emmener ? D'ailleurs, je ne comprenais toujours pas pourquoi je devais m'habiller de cette façon. Mais, je savais que j'aurais la réponse très rapidement. Je me posais sur un des pouf installés dans le salon et me servais un verre d'eau. De toute façon, je ne peux pas faire grand chose pour le moment. Je devais me contenter d'attendre. En bon soumis, cela ne m'aurait sans doute pas gêné. Sauf que je suis tout l'opposé d'un soumis. Je bois mon verre tout doucement puis je redresse un peu la tête lorsque j'entendais Rajaar annoncer qu'il comptait aller chasser dans le désert et qu'il invitait l'homme à venir avec lui, précisant que j'allais l'accompagner pour l'occasion. Pardon ? Je suis tellement surpris que je jette un œil au Prince les yeux écarquillés. Je me ressaisis en songeant à l'invité puis détourne une nouvelle fois le regard. Je n'ai aucune envie de me faire remarquer. Monter à cheval... bien ma veine, je n'ai jamais eu l'occasion de le faire, enfin très peu de fois. Comment se rendre ridicule ? Et comment Rajaar avait-il réussi à obtenir une autorisation pour que je sorte ? Je peine à réaliser la nouvelle. Aller hors de ces fichus murs... moi qui espérait tant les quitter, j'allais passer la journée de l'autre côté. Ah si je pouvais m'éclipser ensuite pour toujours. Avoir un goût de liberté, n'était-ce pas, un peu cruel ? Je ne sais pas si j'ai envie de cette sortie au final. Mais, encore une fois, je n'ai pas mon mot à dire et me doit de suivre le mouvement sans rechigner.

La discussion entre les deux hommes ne m'intéresse guère mais je suis obligé de rester dans la pièce et je ne peux faire autrement qu'entendre les échanges. ça parle costumes. L'homme semble être un grand styliste. Son nom était Jules Lytheman. Je ne le connais absoluement pas mais il a l'air réputé à ce que j'entend. Peu importe, ça m'est bien égal. J'apprends simplement en les écoutant que Rajaar doit se rendre dans son pays pour célébrer une fête nationale et qu'il a besoin d'une tenue pour cette occasion d'ou la présence de l'autre homme. Sauf qu'il avait prévu également de chasser dans le désert et invita ce fameux type à se joindre à la partie de chasse. Cela me rappelle mon père qui allait chasser tous les Dimanches et dont j'ai toujours eu horreur de participer. Tuer des animaux pour le plaisir.. pas mon truc. Je bois mon verre d'eau assis sur un pouf du salon alors que j'écoute à moitié ce qui se disait entre Rajaar et le dénommé Lytheman et je lève les yeux au ciel en entendant les propos de l'invité. C'est fou comme ça sonnait faux ce qu'il disait et comme je n'aimais pas sa façon de jouer le lèche-botte envers Rajaar. Punaise, ma jalousie me perdra. Je soupirais en me rendant compte que sur ce point je ne parvenais pas à changer. Je jette un œil discret sur les deux hommes puis regarde de nouveau mon verre d'eau que je terminais rapidement avant d'entendre l'invité se reprendre en parlant de deux camarades s'adressant directement à moi. Je n'ai pas tellement envie de répondre. « Non en effet, Monsieur, on ne se connaît pas. » Et ça m'allait très bien comme ça. Je préférais éviter la gente masculine au maximum ces derniers temps, surtout si ça concerne des clients, des gardes ou même princes. Par contre, passer du temps avec Matthew... je songe à notre fou rire et un sourire en coin se forme sur mon visage puis je posais mon verre sur la table basse. Mon sang se glaça dans mes veines en entendant les paroles de l'invité qui poursuivait dans sa lancée comme si de rien était. «Dommage que nous ne soyons pas capable comme les serpents par exemple de faire peau neuve. A défaut de pouvoir le faire, pour se sentir mieux, nous changeons de vêtements.>> Est-ce que ça se voyait tant que ça que j'étais mal dans ma peau ? Moi qui pensait réussir à camoufler mes émotions... ce n'était visiblement pas suffisant. Je ne réponds pas et me contente de me servir un deuxième verre d'eau alors que je sens le regard de Rajaar que je finis par croiser avant de baisser les yeux sur la carafe d'eau. Je me sers mon verre et avale une gorgée alors que l'invité prend congé pour aller se préparer. Rajaar s'approcha juste après son départ. Mais, je gardais les yeux rivés sur le sol. Je n'ai pas envie de croiser son regard. Je ne veux pas l'affronter. A vrai dire j'aimerais m'éclipser loin de l'appartement et du Prince sauf que je ne peux pas. Il comptait sur ma présence aujourd'hui. Pourquoi m'emmener à cette fameuse partie de chasse ?

Seulement, je sens que je dois relever la tête et je finis par croiser son regard. « Ton attitude devra être irréprochable. J'imagine que tu t'en doutes. C'est une sortie exceptionnelle, très difficile à obtenir, même pour quelqu'un comme moi, et surtout pour un slave qui a brillé par son comportement inadmissible. Je suis obligé de te le rappeler, tu comprends ? Nous n'aurons pas de seconde chance. » Je hoche la tête à ses dires. Je ne vois pas tellement ce que je pourrais ajouter. Je préfère ne rien répondre parce que ce que j'ai envie de dire n'est pas vraiment le genre de choses qui améliorait la situation. La première chose qui m'était passé par la tête avait été ''Pourquoi tu m'emmènes dans ce cas ? Ou je ne t'ai rien demandé à ce que je sache. Ou encore, laisse-moi dans le complexe, je n'ai pas envie de sortir, je n'ai pas envie de passer ma journée avec toi .'' Enfin, c'est un peu faux. Me retrouver avec Rajaar, j'avoue que j'en avais envie... j'avais envie de le retrouver mais je n'y arrivais pas. Et de toute façon, notre relation était vouée à l'échec. Pourquoi tenter de renouer ? Pour mieux souffrir ? Rajaar ne s'attarde pas et s'en va vers sa chambre sans doute pour se préparer. Je me contente pour ma part de rester sur le pouf. Mon esprit gamberge beaucoup trop à mon goût. Finalement, je me levais pour aller me prendre un café. La caféine m'aiderait à tenir car je manquais vraiment de sommeil et cela m'aiderait à affronter cette nouvelle journée qui allait être plus éprouvante. Rajaar sortit de sa chambre peu de temps après dans sa tenue de chasse et je jetais un œil sur lui de haut en bas un laps de temps avant de détourner mon regard et de baisser les yeux sur le sol. Ça faisait plutôt bizarre de le voir dans cette tenue.

Je suivais Rajaar jusqu'aux écuries. Je jetais un œil à la monture qui fut amené pour le Prince qui ne tarda pas à se retrouver en selle. Pour ma part, j'ai une boule qui se forme dans mon ventre. J'appréhende un peu le fait de devoir monter car je ne sais pas faire d'équitation, du moins je n'avais pas beaucoup pratiqué. L'invité de toute à l'heure ne mets pas longtemps à nous rejoindre et s'entretient une nouvelle fois avec Rajaar. Je me contente de rester en retrait et d'attendre en bon soumis que le Prince s'adresse à moi. Grimpe. Un ordre simple. J'attrape la main de Rajaar et me hisse avec son aide sur la monture pour me retrouver derrière lui. Cela me fait tout drôle de me trouver en selle. Puis, j'aperçois le valet de toute à l'heure revenir avec une cage en main. A l 'intérieur, un faucon. Le Prince semble totalement à l'aise dans ce qu'il fait et je découvrais d'autres choses sur lui que j'ignorais. Je ne réalise toujours pas que je vais me retrouver hors des murs du complexe. Un goût de liberté... pour une journée. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Si seulement, c'était pour toujours... mais non. Ce soir, nous serions de nouveau entre ces satanés murs. Je n'arrive donc pas à me réjouir de cette virée.

Rajaar demande à son compagnon pour la journée s'il était prêt à partir avant de faire avancer notre monture. Je regarde le paysage d'une autre façon.. étant en hauteur ainsi hissé sur le dos du cheval. C'était assez plaisant dans un sens. Dommage que ce soit dans de telles conditions que je monte pour la première fois depuis longtemps. Et dommage que je ne puisse pas avoir ma propre monture mais c'était rassurant de cette manière étant encore débutant dans ce domaine. Je ne comprends toujours pas comment il est possible que je sois autorisé à sortir du complexe. Comment Rajaar avait-il réussi cet exploit ? Pourquoi le propriétaire me laissait-il sortir ? J'avais assommé un garde et avait reçu la pire des leçons de la part d'un sale sadique, ce sale chacal de Wyatt. Et peu de temps après, il me donnait la possibilité de quitter les murs pour la journée. Tentait-il de me piéger ? De tester ma réaction ? Voir si j'allais encore tenter quelque chose comme essayer de fuir ? C'était tentant, il faut l'avouer. Mais, tellement impossible... surtout sans préparation. Ou c'était une façon de me torturer davantage. Rajaar pensait sans doute bien faire.. eux pensaient sûrement l'inverse et je leur donnerai raison. Car avoir un brin de liberté comme maintenant était d'autant plus dur que de rester constamment enfermé. Je gardais le silence observant le paysage, prenant soin d'ignorer l'individu chevauchant à nos côtés, ignorant le fait que je me trouvais tout proche de Rajaar. Cela n'était pas arrivé depuis notre dispute. Je prenais toujours soin de rester à l'écart toute la journée et m'enfermait dans ma chambre dès que je rentrais. Alors qu'on se retrouve éloigné du complexe, je me laisse glisser sur le sol et jette un œil sur l'étendu autour de nous... le désert à perte de vue. Nous étions complètement seuls et isolés. Je vois Lytheman s'approcher. « Ne prenez pas à coeur ce que j'ai dis tout à l'heure. Je détecte juste aisément ce que je vis moi-même. » Que suis-je censé rétorquer ? Je garde les yeux fixés sur le désert une seconde avant de tourner mon regard sur l'individu. « Il n'y a pas de mal... je me doute bien que ce n'était pas intentionnel. » Comment pourrait-il deviner combien ses propos pouvaient m'affecter ? Il n'est pas censé connaître tous les détails et savoir ce qui me ronge ces derniers temps. Wyatt prenait trop de place dans ma vie actuellement mais je ne parvenais pas à m'en défaire. C'était difficile. Et le désir de me venger était aussi bien présent. Et me trouver avec Rajaar était compliqué.

Je laisse le styliste reprendre son discours parlant couture avec le Prince. Je me contente d'observer le paysage qui s'étendait à perte de vue ne me doutant pas une seule seconde que la mort est toute proche. Qu'elle avance silencieusement à mes pieds, prête à me frapper, à me happer dans ses filets. Je songe à ma dernière mission humanitaire... j'étais en Afrique en plein désert lorsque j'avais été emmené contre mon gré, à deux minutes du village ou je devais me rendre. Je revois soudainement le visage de ma sœur Lucie... la veille nous avions discuté pendant des heures et nous avions même beaucoup rit. Un fin sourire se dessine sur mes lèvres alors que je repensais à tout cela. Depuis que j'étais au complexe, j'avais mis tous mes souvenirs dans un coin de mon esprit. Mais, y songer a beau me faire du bien ce n'est qu'éphémère et ça me plonge également dans la nostalgie et la tristesse. Ne plus voir le sourire de ma sœur, ne plus entendre le son de sa voix. C'était désormais bien loin derrière moi. Je pose un laps de temps mon regard sur le styliste qui ne se gêne pas pour dévorer Rajaar du regard et ça m'agace un tantinet sa façon de faire... il a un comportement pour le moins assez dérangeant. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus... mais, je n'arrive pas à le sentir ce mec. Puis, mon regard dévie sur le Prince qui tient son faucon et d'ailleurs le volatile semble changer subitement de comportement et je n'ai pas vraiment le temps de comprendre ce qui se passe... L’autre client agit en premier dans la mêlée alors que Rajaar me bouscule soudainement en m'attrapant par l'épaule. Je me retrouve poussé tellement vite et un peu fortement par le Prince que je finis les fesses par terre alors que je vois le visage de Rajaar tout près d'un serpent qui fouette l'air pour venir s'écraser contre un rocher. Jules venait d’attraper le vil serpent et l’avait abattu d'un geste rapide et violent. Je peine à assimiler ce qui vient de se produire. Connaissant un peu les serpents et ayant été mis en garde lors de mes missions humanitaires, je savais que le serpent qui venait de mourir m'aurait tué en un rien de temps... son venin m'aurait achevé en à peine quinzaine minutes. Je déglutis en songeant que je venais d'échapper de peu à la mort. « Mort » fut le seul mot qui franchit la barrière des lèvres du styliste et le ton qu'il employa ne me plaisait guère. Rajaar le remercia.

Pour ma part, je ne savais pas si je devais me réjouir du comportement de l'invité ou non. Il y avait quelque chose d'inquiétant dans sa façon d'agir. Certes, je lui devais la vie... Je me devais de le remercier au moins pour cela. Je jetais un œil dans sa direction. « Oui, merci... sans vous, j'imagine que je ne serais plus là » Dans un sens, délivrance... Après tout, ça m'aurait évité de continuer à vivre en Enfer. Suis-je vraiment prêt à mourir ? Pas tant que ça... juste que j'en avais assez de souffrir. Je finis par me redresser, laissant mes pensées morbides de côté, frottant mon sarouel alors que Rajaar se tournait vers moi, je remarquais le filet de sang sur sa joue. Je ne peux pas m'empêcher de m'approcher pour voir l'étendue des dégâts et m'assurer que tout allait bien pour lui. Sans la présence de Jules, sans doute que je me serais lâché différemment. Mais, sans lui, je serais peut-être mort. Je pose mes yeux sur la blessure du Prince alors que je frôle sa peau autour de la plaie. « ça ne semble pas profond » dis-je, retrouvant mon côté professionnel, examinant le visage de Rajaar. « Vous avez apporté un nécessaire de secours en cas de besoin ? » demandais-je, dans la foulée. Je ne plaisantais pas avec les blessés bien que ce n'était pas grave. Mais, mon côté infirmier resurgissait et puis c'était Rajaar. Un autre prince je ne m'en serais pas autant préoccupé comme maintenant. Je croise le regard du Prince et je sens mon cœur faire un bond dans ma poitrine. Il y a fort longtemps que je n'avais pas été proche de lui, l'évitant en permanence depuis les mots échangés dans la cage. Et de voir ce regard posé sur moi m'affecte énormément et je peine à le dissimuler. Je détourne mon regard et me détourne du Prince pour fouiller moi-même dans les affaires à disposition afin de trouver ce dont j'avais besoin. Fort heureusement, il y avait ce qu'il fallait dans un sac accroché à la selle. Je trouvais une solution hydroalcoolique et j'en mettais sur mes mains pour les désinfecter puis j'enfilais une paire de gants et prenait une compresse que j'imbibais de désinfectant avant de revenir près de Rajaar. « ça va sans doute légèrement piquer. » soulignais-je avant de passer la compresse sur la plaie présente sur sa joue Mes gestes étaient doux et mon regard concentré sur la tâche. Je fus soulagé de voir en enlevant le sang que la plaie était juste superficielle. Fort heureusement, le serpent n'avait pas mordu non plus. Donc aucune trace de venin. Perdre Rajaar était la dernière chose au monde que je voudrais. Je ne pourrais pas supporter de devoir vivre en sachant qu'il n'était plus là. Je ne pourrais pas le supporter. Nous avions eu de la chance. Plus de peur de que de mal... Je terminais de nettoyer sa plaie avant de m'affairer pour poser un petit pansement sur la mâchoire du Prince. Ensuite, je m'occupais de rassembler ce qui était souillé et de le déposer dans un petit sac plastique que je fermais après avoir retiré mes gants puis je rangeais le tout dans le sac. « Voilà, au moins, la plaie est propre. Pas de risques d'infection comme ça. » concluais-je, en jetant à nouveau un œil sur le Prince.

Ce n'était rien... une simple éraflure sur sa joue qui disparaitrait en quelques jours. Rien de très méchant. Tout ce qui compte, c'est que Siobhan ait échappé au pire et soit hors de danger. Jusqu'à récemment, Rajaar a toujours ignoré ce qu'était la peur, et ce même enfant, il n'a jamais craint les monstres sous son lit ou dans l'armoire et lorsqu'il se retrouvait face à un serpent ou scorpion, il était plus fasciné qu'effrayé et allait même jusqu'à les capturer pour les montrer de près à sa soeur. Ce qu'il prenait pour du courage n'était autre que de l'inconscience, c'était en tout cas l'avis de sa nourrice qui lui avait maintes fois répété de cesser de prendre des risques et que c'était dangereux. Et lorsqu'il a été contraint d'épouser sa femme, une parfaite inconnue, ce n'est pas la peur qui lui a coupé le souffle mais bien l'angoisse. Celle de ne plus jamais être libre comme il l'avait toujours espéré. Etre médecin, parcourir le monde et se marier par amour. Ce ne serait jamais le cas. Sauf que depuis qu'il a croisé le chemin de Siobhan, il a constamment peur.. il a peur pour lui, peur de ne pas être à la hauteur, de le voir souffrir, de le voir malheureux, peur de devoir se séparer à jamais, peur de le perdre tout simplement. Garder ses distances et se faire rappeler qu'il n'a rien à faire avec un esclave le rend malade. Mais, jamais il n'eut si peur qu'en cet instant.

Ce foutu désert semble avoir une dent contre lui. Il a déjà perdu par le passé sa femme dans une tempête de sable en plein désert et maintenant il avait failli perdre l'homme qu'il aimait. Allah a fermement décidé de le punir pour avoir osé goûter aux plaisirs du sexe avec les hommes lors de ses études ou au sein de ce complexe. Allons bon, il se fait des films. Jules semble s'assurer qu'il n'ait pas été mordu mais il n'a rien.. et il donne un coup de pied sur le reptile pour être certain qu'il était bel et bien mort tandis que Siobhan s'était rapproché pour s'occuper de sa plaie. Les quelques regards qu'ils s'échangent ne doivent laisser aucun doute planer. Même un triple idiot aurait été capable de voir qu'il y avait quelque chose de fort et de spécial entre eux. Rajaar se force à regarder ailleurs rapidement se maudissant d'être si faible. Comment peut-il espérer rester discret s'il se montre aussi imprudent et maladroit devant quelqu'un. Ils ne sont pas seuls à cet instant. Il se doit de faire attention, rumeurs ou pas, il ne doit rien laisser transparaître publiquement. Plus facile à dire qu'à faire alors qu'il n'a qu'une seule envie, celle de pouvoir prendre Siobhan dans ses bras et de le rassurer et de tout faire pour se racheter. Ce silence entre eux est tout bonnement insupportable et pesant pour le Prince. Il préférerait encore qu'ils se hurlent dessus.

Lytheman se renseigne rapidement afin de savoir si le Prince n'a pas été mordu. Si ça avait été le cas, j'imagine aisément qu'il ne serait pas resté bien longtemps debout, et surtout, j'en aurais tenu ce fichu styliste pour responsable. C'était dû à son geste si Rajaar avait une belle estafilade sur la joue. Fort heureusement, elle n'était pas profonde. Aussitôt j'avais pris soin de vérifier la blessure et l'avait désinfectée pour qu'il n'ait pas de problème. Mon rôle d'infirmier avait prit le dessus sur mon envie de rester le plus possible à l'écart du Prince. D'ailleurs cette proximité fut douloureuse...et insoutenable, et ce même si, elle ne dura pas très longtemps. Je m'étais rapidement détourné du Prince une fois ma tâche accomplie alors qu'il me remerciait. Lytheman serait un idiot s'il n'avait pas compris ce qui se tramait entre Rajaar et moi. Mais, lorsqu'il s'agit de lui.. je ne parviens pas à dissimuler correctement mon ressenti. Nous n'étions pas très doués pour camoufler nos émotions et nos sentiments l'un envers l'autre. Le Prince avait détourné son regard aussi vite que je m'étais écarté. "En effet, juste un peu de sang... rien de très grave contrairement à ce qui ce serait passé si vous n'aviez pas agit directement" J'insistais plutôt sur la fin de ma phrase, l'air de rien, croisant le regard de Lytheman. Pas que je l'accuse mais son comportement me paraît pour le moins étrange.

A moins que je ne me fasse des idées... Mais, mon intuition me souffle de rester prudent avec l'individu pour le moins curieux. Je n'aime pas trop les propos employés par le styliste. Me divertir à la chasse, très peu pour moi, ça ne risque pas trop de m'arriver. Je ne suis pas un chasseur et à vrai dire, je n'aime pas tellement cette pratique pour le moins barbare.. bien que je ne sois pas pour autant végétarien. Mais, le principe de tuer ne m'emballe pas... Et qu'il annonce "c'est la loi du plus fort! " me renvoie directement à ma situation actuelle en tant que slave . A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler... j'avais brûlé mes ailes dernièrement en me retrouvant confronté au client et si je continuais à alimenter le feu, c'est la vie qui me serait alors retirée comme avait failli le faire à l'instant ce vil serpent. Serpent que Lytheman s'applique à ramasser et à enrouler avant de le ranger dans ses affaires. Le styliste s'adressa directement à moi pour savoir si je désirais le bracelet qu'il ferait avec son cuir. Je me retiens pour ne pas grimacer à l'image que je viens d'avoir à l'esprit alors qu'il parle d'y accrocher les crocs, une vertèbre ou encore un fragment de crâne, au fameux bracelet. Impressionner mes ennemis avec un futil bracelet? Je ne suis pas du tout convaincu par l'idée. "Je vous laisse le soin de le garder...je ne suis pas très emballé à l'idée de porter les restes de ce qui a failli me tuer" répondais-je, en l'observant. Et je n'ai pas besoin de ce bracelet pour m'occuper de mes ennemis. Je ne sais pas tellement comment il va le prendre mais peu importe. Je ne vais pas me forcer à accepter.

Je sens Rajaar passer tout près de moi et je me force à regarder ailleurs. C'était un véritable calvaire de me trouver si proche. Je jetais un oeil sur le désert qui s'étendait à perte de vue alors que Rajaar parlait avec le styliste. J'observe le faucon qui s'envole alors que Rajaar parlait dans sa langue maternelle. Entendre l'arabe me faisait toujours un drôle d'effet. J'envie le rapace en le voyant tournoyer dans le ciel...libre comme l'air. Mon esprit s'égare à nouveau alors que je vois le rapace plonger sur sa proie qu'il ramène très vite à son maître. Rajaar fini par relâcher le volatile qui ne traîne pas pour vite s'éloigner. Ce que j'aimerais retrouver ma liberté.... ma vie d'autrefois. Je baisse les yeux sur le sol. « Les animaux sont bien plus doux que les hommes... plus intelligent également » murmurais-je. Ils tuaient pour vivre et non pour le plaisir de tuer. Les hommes tuaient pour un tas de raisons injustifiées...

Le propriétaire du complexe tuait les esclaves qui se rebellaient. Et uniquement parce qu'il a du pouvoir et de l'argent, il se sent supérieur aux autres. Tous ces riches, un vrai tas d'hypocrites sans cervelle qui n'ont rien compris au sens de la vie. Qui se croient tout permis alors qu'ils ne sont que des êtres humains comme les autres. L'argent ne fait pas tout... et ne donnait logiquement aucun droit. Pourquoi l'argent parvenait-il à régner sur tout le reste ? Pourquoi l'homme avait-il donné tant d'importance à cela ? Surtout que c'était virtuel. Surtout que nous n'avons pas la vie éternelle donc à quoi bon avoir tant de richesses ? Et d'ailleurs, être riche pour ma part, ce n'est pas posséder de l'argent, mais plutôt posséder le savoir. A mon sens, c'était plus important que tout le reste. Moi-même, je venais d'une famille aisée... je ne manquais de rien. Et je n'avais jamais prétendu me trouver au-dessus de qui que ce soit... je n'avais pas pour autant décider d'écraser les autres. J'avais même choisi une carrière proche des hommes. Prêt à aider mon prochain. Aimant le contact avec les autres. Aimant le fait de soigner. Et heureusement que Shirel me permettait de garder cette part de moi au sein du complexe. Ça me permettait de ne pas oublier mes origines, ma vie d'autrefois...me dire que j'avais bien eu une autre vie auparavant... que je n'avais pas rêvé. Parfois, j'avais l'impression que ça faisait une éternité que je me trouvais coincé entre les murs du Palace alors que ça faisait à peine quatre mois.

Lytheman nous trouvait sévère dans nos propos. Personnellement, je pense être assez bien placé pour penser que les animaux sont moins inhumains que pouvait bien l'être, l'humain. En tant qu'esclave, ça se comprenait parfaitement... mais pour le comprendre, encore fallait-il être à ma place. Je me mords la lèvre inférieur afin de rester calme et m'empêcher de dire ce que je pensais. Rajaar n'aurait pas aimé que je me fasse remarquer et clairement je n'ai pas envie non plus que cela arrive. Il vaut mieux que je reste tranquillement dans mon coin et que je n'attire pas l'attention . Une lueur traverse mon regard et je me mords plus fortement la lèvre pour m'intimer à rester muet. Bordel quel sale enfoiré ce styliste ! Je serais bien tenté de lui montrer combien je suis loin d'être faible. Je n'ai pas demandé à être traité comme moins que rien... mon poing se serra machinalement alors que j'observais le désert me forçant à ignorer les propos de l'invité. Pourquoi fallait-il que j'endure cette fichue conversation, cette fichue sortie ?

Rajaar évoqua alors l'épisode de sa défunte femme, je savais déjà tout cela. Je connaissais déjà toute l'histoire et il parla également de sa nouvelle fiancée avec qui il devrait se marier prochainement. Mon coeur se serre en sachant que je ne pourrais jamais rivaliser. Que j'étais condamné à errer au sein du complexe alors que Rajaar s'en irait avec sa nouvelle femme pour y faire sa vie. Je déglutis et me concentre sur le volatile que le faucon venait d'attraper, un corbeau semble t-il puis je jetais un œil sur le Prince et le styliste. Je ne montre absolument rien de mes émotions alors que je songe au fait que Rajaar avait opté pour le fait de me dévoiler ses sentiments. Il m'avait dit la vérité... et pourtant cela ne changeait rien... la situation était tout aussi douloureuse et n'était même que souffrance car nous ne pourrions jamais vivre cet Amour comme nous le désirions. Mon sourire pour ma part avait disparu dernièrement... davantage depuis ma rencontre avec Wyatt. Mon regard s'assombrit à cette pensée puis je revenais au présent quand le Prince me demanda de lui apporter de l'eau. « Oui bien sûr, mon Prince » Je me dirigeais vers le cheval de Rajaar et fouillais dans le sac pour prendre la bouteille d'eau qui était conservé dans un sac isotherme puis je retournais vers lui en ayant pris des verres en plastique au passage. J'ouvrais la bouteille et servais un verre d'eau que je tendais alors au Prince. « En voulez-vous, Monsieur Lytheman ? » proposais-je alors à l'invité. Tâchons de rester poli et courtois. Jouons les gentils soumis... je n'ai que cela à faire de toute manière. Je servais un verre au styliste. A mon avis, il devait bien avoir soif... il faisait une chaleur à tomber. Je tendais le deuxième verre au couturier, libre à lui de l'accepter ou pas.

J'espérais que la sortie ne prendrait pas trop de temps... A vrai dire, la chasse n'est pas mon truc. Et me trouver au milieu des deux personnages ne me mettait pas vraiment à l'aise. Je me sentais de trop. Et je me sentais également oppressé... et goûter à la liberté d'être hors des murs du Palace était une véritable torture. Savoir que je serais à nouveau coincé... ça me donnait le cafard. Déprimant. Rajaar m'avait fait sortir dans quel but exactement ? Je me le demandais sincèrement... à part servir de roue de carrosse... quel était l'intérêt de cette virée ? Pensait-il que j'allais aimer la sortie ? Sans doute qu'il avait pensé bien faire... et pourtant... Et, la conversation ne me regardait pas tellement entre les deux individus et ne m'intéressait pas.. mais, j'écoutais malgré moi ce qui se disait. A vrai dire, je ne pouvais rien faire de plus. Je jetais un œil aux chevaux puis je me servais également un verre d'eau. Parce que ce n'est pas tellement le moment de me choper une déshydratation.

"Mon Prince" Des mots. De simples mots qu'il a entendus mille fois dans d'autres bouches. Des mots qui devraient glisser sur lui sans même qu'il ne s'en rende compte, tant il a l'habitude de les entendre prononcer. Deux petits mots.. rien que deux petis mots. Mais pas par Siobhan. C'est une sensation étrange qui l'étreint à ces mots. Un mélange de malaise et d'excitation. Depuis le premier jour, Siobhan s'était refusé à le nommer comme il aurait dû, avec révérence, en utilisant les termes "maître" ou "mon Prince", justement. Non, depuis leur première rencontre, il l'appelait Rajaar. Juste Rajaar. Avec cette insolence qui l'excitait profondément au lieu de l'indigner. Cette manière qu'il avait de lui résister, de refuser à lui devoir le respect dû à son rang, c'est cela qui lui avait plu. Et le fier dominant, l’arrogant Prince Arabe qu'il était s'était délecté de cette impertinence, avait entrepris de la briser sans pourtant en avoir envie. Éduquer son slave avait déclenché en lui d'incessants sentiments de contradictions. Une envie de le voir plier, de le voir ployer le genou devant lui et de l'entendre le supplier sa clémence. Pourtant, il le sait, s'il l'avait fait, Rajaar s'en serait détourné, déçu, blasé. Car au fond, c'est cette audace et cette impudence, cette preuve de caractère et de pugnacité qui lui plaisait tant chez lui. Il était même allé jusqu'à l'audace de vouloir le prendre, le dominer, lui, le noble et digne Prince. Une insulte et un sacrilège par lequel il s'était honteusement laissé happer. Et il était tombé amoureux. Pourquoi ? Il était tout bonnement incapable de le dire. Peut-être pour toutes ces raisons. À présent, l'entendre prononcer ces mots, le voir se comporter en esclave soumis et bien élevé, ça le... et bien ça lui donne la nausée et ça lui donne envie de le ramener dans ses appartements pour le soumettre davantage, mais de manière bien plus intime. Contradictoire, une fois de plus.

Son visage reste impassible et qu'il s'efforce de rester concentré sur sa conversation avec Lytheman. Lorsqu'il évoque le rôle de père qu'il a failli avoir... qu'il évoque cet enfant à nâitre.. un petit être si fragile et qu'il aurait sans doute aimé au bout du compte et tout naturellement et aux yeux de tous, son cœur s'étreint. Quand sa femme lui avait annoncé la nouvelle, il avait été pris de panique, et l'avait dissimulé sous un sourire faussement réjoui tandis qu'elle rayonnait de bonheur et valsait autour de lui tout en cherchant déjà un prénom. Qu'avait-elle dit ? Jahan pour un garçon. Talayeh pour une fille. "J'aimerais tant que nos enfants aient tes yeux, hbibi". Il n'était pas prêt pour être père. D'ailleurs, il n'était déjà pas prêt pour être un époux. Trop tôt. Bien trop jeune et trop incertain d'être à la hauteur. Son modèle paternel était si parfait, comment pourrait-il seulement imaginer être à la hauteur ? Aujourd'hui, il n'est guère plus avancé et guère prêt à se relancer dans cette aventure.. celle du mariage. Pourtant, son aïeul lui a dit avant qu'il ne parte : "Ramène ici ta nouvelle épouse, Rajaar. Épouse-là et donne moi pléthore de solides et beaux héritiers pour notre famille. C'est ton devoir en tant que Prince et Émir." Et sa poitrine s'était gonflée d'une fausse fierté et c'est tout naturellement qu'il avait répondu : "Je ne te décevrai pas, Jid." Par Allah, ce qu'il serait déçu.

Je sens le regard de Lytheman et alors que je tourne la tête dans sa direction , je n'aime pas du tout la façon dont il m'observe à cet instant précis. J'ai l'impression que je le gêne. Je détourne aussitôt le regard. Ne pas regarder les clients dans les yeux était l'une des règles établies. Dans un sens, elle m'arrangeait plutôt bien car je n'aimais pas trop la façon qu'il avait de me dévisager. Je n'étais pas à mon aise en sa présence, quelque chose me mettait mal à l'aise. Alors que la conversation entre les deux se poursuivait, je continuais d'observer le désert qui s'étendait devant mes yeux. Je me frottais légèrement le bras alors que mes yeux scrutent encore le sol autour de moi. L'épisode du serpent m'avait refroidit et je me disais qu'il valait mieux que je reste méfiant. Je ne tenais pas à renouveler la chose. J'entends Lytheman dire qu'il est désolé pour l'enfant perdu. Je fixe un point devant moi n'aimant pas trop la tournure de la conversation. Lytheman finit par se confier à son tour au Prince et je me disais qu'il ne devait pas vraiment apprécier ma présence. En tant qu'esclave, on n'est souvent présent dans des moments intimes, des moments de confidences que les clients n'ont pas forcément envie de déballer... mais, nous sommes considérés comme moins que rien à leurs yeux, donc pourquoi s'inquiéter de la présences des esclaves ? Et je ne vois pas comment je pourrais bien me servir de telles informations à son sujet. Cela ne nous apportait rien.

Il a une vision pour le moins très sévère de sa propre personne affirmant ne pas être un très bon parti et qu'il serait cruel de lui donner une épouse qui serait délaissé. Il avait sa passion qui primait, son métier visiblement, qui passait avant tout le reste au point qu'il ne voyait pas la détresse chez ses amis lorsqu'ils traversaient une mauvaise passe. Je me frotte le menton, songeur. Ses paroles raisonne dans mon crâne. Je ne sais pas pourquoi... dans ce qu'il dit... j'ai le sentiment que cela me fait écho pour une raison qui devrait être évidente mais je ne mets pas le doigt dessus. Cela m'intrigue. Ou je me fais des idées. Je ne m'attarde pas alors qu'il évoque la fiancée de Rajaar ce qui me donne envie de m'éloigner. Je ne supporte pas du tout d'entendre tout cela... L'amitié une base excellente... la fin de sa phrase me fit me mordre la langue. Je songe à Rajaar qui m'a dit avoir couché avec la jeune femme. Chose inévitable de toute manière. Je songe de nouveau à Alexander. Je déglutis puis me frotte les yeux. Et alors que je me disais que j'allais me faufiler plus loin histoire d'être dans mon coin, Lytheman s'adressa à moi, une nouvelle fois. Il porte trop d'intérêts à mon égard.

« Et vous ?... Siobhan. Joli prénom, que je croyais féminin, peu importe. Vous voulez nous donner votre avis sur la vie maritale et tout le reste ? Vous avez peut-être expérimenté tout cela, par le passé. » Le styliste se tourne sur le prince en s'excusant de prendre la liberté d'interroger son esclave mais Rajaar fait un signe indiquant que ce n'était rien. Le Prince se doute bien que Siobhan ne doit pas aimer ce qui se dit depuis tout à l'heure alors qu'il parle de sa défunte femme puis de sa future femme. Je songe soudainement à mon passé... à ma vie avant le Palace. Je songe à mon paternel désireux de me voir passer la bague au doigt en voyant que j'avançais dans l'âge. 30 ans bientôt et il commençait à se poser des questions à mon sujet. Je me souviens aussi des dîners organisés pour me présenter certaines prétendantes dans l'espoir de me voir lui annoncer mes fiançailles. En vain. Je n'étais pas décidé à me poser et à pondre une ribambelle de rejetons. Je n'étais pas prêt. Et puis, il faut bien admettre que je pensais avoir largement le temps de trouver la perle rare. Sauf que la vie n'est pas comme on le décide... elle n'est pas tracé comme on veut qu'elle soit. Désormais, la question de mariage n'était plus ma préoccupation première... remplacée par le fait de survivre tout simplement au sein de ce lieu. - Mais je vous en prie, je suis également très curieux d'entendre ce qu'il a à dire. Je lève les yeux sur l'invité alors que Rajaar semble aussi curieux de savoir ce que j'allais bien pouvoir dire sur le sujet. Je réponds finalement « Il faut croire que mes parents voulaient une fille... » dis-je, haussant les épaules. « Je me suis fais à mon prénom.. et me fiche bien qu'on se moque du fait qu'il puisse être féminin. » C'était le cadet de mes soucis... je m'étais fais à l'idée assez rapidement. Il faut dire qu'une amie m'avait aidé à l'accepter assez vite. Maintenant, j'étais habitué à ce qu'on me charrie dessus. Puis, pour ce qui est du mariage et de mon point de vue, j'ajoutais « Je n'ai pas eu le bonheur de connaître la vie maritale avant ma venue ici. J'ai eu quelques aventures, rien de bien sérieux. Mon père espérait que je me marie prochainement et que je lui donne des petits-enfants. Mais, désormais, j'imagine qu'il devra s'en passer. » Enfin, Lucie serait là pour le faire... heureusement, ils n'avaient pas tout perdu. Elle compenserait la perte du fils aîné. Je lui souhaitais de connaître le bonheur d'être mère.

« Quant à ma propre vision du mariage... j'estime que le mariage est une décision importante à ne pas prendre à la légère et qui signifie beaucoup... mais dont la majorité des personnes oublie le vrai sens du mariage. De nos jours, les gens se marient par principe, par soucis de vouloir payer moins d'impôts par exemple ou encore par pure stratégie comme vous semblez le faire dans vos coutumes entre familles princières. Ma famille n'est pas meilleure exemple.. à vrai dire, mon père ne voyait que sa carrière et encore à ce jour, c'est toujours le cas... il faut gravir les échelons, voir toujours plus grand et plus haut... amasser de l'argent et du pouvoir. Un peu similaire à ce que je vois au sein du complexe. Sauf que bien entendu, ma famille n'est clairement pas aussi puissante à travers le monde ni aussi riche. Mais, elle n'est pas la plus à plaindre. Et si je pouvais me marier avec une prétendante dont la famille est influente qui réussissait forcément mon père en aurait été comblé. Ce n'est là qu'un mariage aussi de convenance et de stratégie et non d'Amour. L'Amour en ce monde n'existe plus comme jadis. Les mariages d'Amour se font de moins en moins... L'Amour ne semble plus être ce qui prime à travers ces unions. Il est devenu normal de se donner à quelqu'un qu'on ne désire pas. » J'observe Lytheman et Rajaar de façon alternée tout en déballant mon point de vue. Je ne donne pas vraiment un point de vue très optimiste du mariage mais je ne fais que dire ce que je pense. Ils voulaient savoir mon avis, ils étaient servis. Et puis, peu importe ce que je pouvais bien dire... ça ne changeait pas énormément les choses. Et je ne faisais qu'évoquer la réalité qui nous entourait. « D'ailleurs, combien de personnes au sein même du complexe, vont être infidèle à leur partenaire une fois le mariage célébré ? N'est-ce pas là, la preuve du ridicule de se marier ? A quoi bon ? Et cela résume assez le fait que de nos jours, on considère le mariage comme un simple bout de papier signé... Chose que je ne voulais pas dans mon passé... me marier pour faire plaisir à mon père, me marier pour que mon nom soit davantage reconnu. Je ne vois pas l'intérêt. Je ne vois pas ce qu'il y a de si agréable à bousiller deux vies. Je ne vois pas vraiment l'intérêt de se marier avec une personne qu'on ne désire pas et qu'on ne connaît pas. Je ne voulais pas de cette vie et je n'en veux pas plus encore maintenant... mais la question est réglée pour moi. Je ne me marierais pas étant enfermé ici. On va dire que c'est la seule chose intéressante dans ma nouvelle position.»

Rajaar croise une seconde mon regard et je préfère détourner le mien. Le sujet est assez sensible. Je n'accepte pas du tout le fait qu'il puisse se marier à une autre personne mais je n'ai pas mon mot à dire. Comme je venais de le rappeler, je ne suis qu'un esclave au sein du complexe. Mon regard se pose plutôt sur Lytheman qui ne semble pas en très grande forme. "Monsieur.. vous devriez vous hydrater" Il n'a rien bu depuis tout à l'heure et il risque fort l'insolation. Quel inconscient! Sauf que le styliste ne semble pas l'entendre. Siobhan soupire et va chercher la bouteille d'eau et la tend au client. "Je suis sérieux, buvez. C'est important." "Je vais bien" rétorque t-il. Je lève les yeux au ciel légèrement agacé de me faire rembarrer alors que je vois parfaitement son état et d'ailleurs la seconde suivante il tomba sur le sol. "Je dois juste me poser un instant" souffle le concerné. Siobhan tente de lui ouvrir un peu la chemise mais se fait repousser. Quelle tête de mule, songea Siobhan. "Il faut le ramener tout de suite" Je regarde Rajaar. Lytheman tomba dans l'inconscience la seconde d'après. Siobhan soupire et attrape la bouteille d'eau et en verse sur son visage. IL se fiche bien de se faire engueuler. Il s'agit de sa vie. Cela le fait sursauter et ouvrir les yeux. Son regard est noir. Mais, il ne semble pas assez en forme pour m'en coller une. "Ce n'est que de l'eau.. et il faut boire... tout de suite.." ordonnais-je, l'aidant à boire un peu. Je demande alors à Rajaar de m'aider à le relever puis Rajaar attrape les rênes de la monture de Lytheman avant de monter sur son cheval après que nous l'ayons dressé sur le cheval à deux. Je monte sur le second cheval et m'accroche à la selle. Autant dire que le retour a été désagréable pour moi. Secoué et pas habitué à monter ... J'ai bien cru que j'allais finir à terre plus d'une fois. Un exploit que je ne sois pas tombé. Une fois arrivé sur place, on a demandé des renforts. Et les gardes ont fait appel à un médecin. Je me suis mis à l'écart alors que le styliste était pris en charge. Désormais, ça ne dépend plus de moi et tant mieux.

Annotations

Vous aimez lire Rider-Claity ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0