Chapitre 22 : La Panne

9 minutes de lecture

Iker s’essuya le front du revers de la main. La chaleur décuplait son épuisement, il se sentait vidé. Vidé, mais heureux. Crevé, courbaturé, mais sur un nuage. Malgré le moteur qui les avait lâchés sans crier gare à mi-chemin entre Cordoue et Grenade, malgré l’écrasante fournaise émanant de l’asphalte où il se tenait, malgré le sombre idiot qui gesticulait à ses côtés, il ne pouvait s’empêcher d’esquisser ce sourire bête.

Cette fille le rendait complètement dingue, accro, jusqu’à en perdre la raison. Ils avaient fait l’amour jusqu’à l’aube : d’abord sauvagement, ensuite passionnément, enfin très tendrement - oui tout s’était déroulé à l’envers -. Il se mordit la lèvre en repensant à ses courbes pulpeuses, à ses pupilles dilatées par l’extase, à ses gémissements continus, au plaisir exquis qu’ils avaient partagé, hors du temps…


— Mec, j’y pige que dalle, aucun voyant n’était allumé, on venait de faire le plein… Et sous le capot y a rien de suspect, enfin… J’y connais rien en mécanique mais on dirait que tout est en place, non ? questionna le blondinet de ses yeux de merlan frit, interrompant ses pensées, sa tête dépassant de la fenêtre du véhicule.

— Moi non plus je n’y connais pas grand-chose, mais je pense que ça vient du moteur, et si c’est vraiment le cas, on est dans la merde. En plus, il a fallu qu’on tombe en panne en pleine pampa, sans même une barre de réseau, sérieux !

— Mais non, faut rester op-ti-mis-tes, Mister le Mystère ! Les filles ne vont pas tarder à débarquer avec un mécano ou une dépanneuse, ton assurance te couvre, non ?

— J’en sais foutre rien, c’est la voiture de mon père, mais elle ne roule pas souvent vu qu’il est tout le temps en voyage, et qu’avec Carmen on en a rarement besoin… Pourvu que les filles trouvent de l’aide, ouais.


Cali, reviens vite. L’écrivaine, son amie et sa demi-soeur étaient parties à pieds pour chercher du secours - et du réseau par la même occasion -. Heureusement que sur la route, à moins de dix minutes de voiture de leur position, ils avaient aperçu un genre d’haras andalou. Les filles avaient donc décidé de rebrousser chemin pour y trouver ne serait-ce qu’un être humain susceptible de les aider, tandis que les garçons restèrent près du véhicule pour garder les affaires, et éventuellement, réussir à le réparer - ce qui semblait peine perdue, surtout avec ces deux apprentis mécaniciens du dimanche -.


Iker observa le paysage alentour : des plaines d’herbes desséchées par le soleil s’étendaient à perte de vue, parsemées ça et là de champs d’oliviers et de vignes. Plus loin se dressait le massif montagneux de la Sierra Nevada, dont les sommets enneigés - les plus élevés d’Europe occidentale après les Alpes - culminaient à plus de 3400 mètres d’altitude.

Il récupéra une gourde dans son sac à dos et but une gorgée d’eau salvatrice. Heureusement qu’ils n’étaient pas en plein été, la chaleur espagnole était déjà difficilement supportable.

— Putain, cette Pamela m’a crevé, en plus elle m’a renvoyé comme une merde après avoir obtenu ce qu’elle voulait. J’ai dû me taper tout le chemin du retour à pieds, y avait plus un taxi ! se plaignit l’attardé aux cheveux jaunes. Et toi aussi tu dois être fatigué hein, héhé !

— Mêle-toi de tes oignons Benêt, lui répondit le jeune homme, continuant de se désaltérer.

Un sourire niais fendit cependant ses lèvres au souvenir de sa nuit passionnelle avec sa belle.

— Franchement, fais pas genre, même moi je vous entendais à quatre heures du mat’ de mon canapé-lit. Elle est infatiguable cette petite Califou…, euh pardon je voulais pas dire ça, se reprit soudain Guillaume, réalisant trop tard sa remarque indélicate.


Putain de gros con ! La colère s’empara d’un coup d’Iker, faisant palpiter ses tempes, crispant ses poings.

— Merci Ducon, je suis bien au courant que tu as déjà couché avec elle, c’est pas la peine de me le tanner toutes les trente secondes ! lâcha-t-il, un regard noir en direction de son interlocuteur. J’essaie de tenir ma promesse envers Mélodie, mais tu ne me facilites pas du tout la tâche !

— Ca va, ça va désolééé, relaaax ! se reprit l’autre.


Iker soupira, reposa sa gourde, s’étira et se releva pour inspecter le moteur - surtout pour installer le plus de distance possible entre lui et le petit con -.

— N’empêche, profite mec, Cali c’est une Rolls Royce, tu as de la chance, déclara Benêt qui s’approchait de lui en hochant la tête d'un air pensif.

Mais il ne réfléchit jamais avant de parler ou quoi cet idiot ? En plus une Rolls Royce, c’est tellement affreux ! Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Le guide ne put retenir plus longtemps sa hargne, attisée intentionnellement depuis le début du voyage par le blondinet. Il se rua vers lui, l’agrippa violemment par le col de son polo Lacoste.

— Putain, je t’avais prévenu ! Je ne veux plus jamais rien entendre de ta bouche qui rappelle ton histoire avec elle, tu entends ? cracha-t-il au visage de Guillaume qui restait impassible.

— Merde, détends-toi mon gars ! C’est les vacances bordel, se contenta de rétorquer l’autre, un sourire narquois se dessinant sur son visage.

Ca l’amuse de me provoquer ce crétin.

— Jure que tu ne recommenceras plus ou je t’en colle une ! Ce que tu fais est irrespectueux envers moi, mais aussi envers Cali, espèce de vieille merde !

— Je peux pas te jurer, c’est pas bien de jurer, et toi tu jures avec tes jurons, c’est irrespectueux aussi…


BAM ! Le coup fusa. Iker asséna de toutes ses forces un coup de poing dans les entrailles du blondinet qui recula sous l’impact. Dans un réflexe, ce dernier répliqua en infligeant à son tour une gifle monumentale au grand brun dont le choc fit dévisser la tête. En quelques secondes, il se ressaisit et fonça sur son adversaire, ce qui les fit tomber au sol tous les deux. Ils roulèrent sur la terre ocre, salissant leur vêtements, s’empoignant violemment, se frappant, se tirant par les cheveux.

Dans un mouvement agile, Iker réussit à se mettre au-dessus de la gueule d’ange et à le neutraliser. Il bloqua ses avant-bras de ses mains, paralysa ses jambes en appuyant ses genoux sur ses cuisses.

— Maintenant, tu arrêtes tes conneries ! J’ai fait du Free Fight dans l’adolescence, et je peux te dire que tu morfleras si tu continues, lui souffla-t-il, haletant.

Guillaume sourit. Mais il est vraiment cinglé ma parole !

— Ok d’accord, je me rends tu as gagné, mais avant je dois te dire quelque chose… murmura-t-il.

— Hein, quoi ? J’entends pas !


Iker s’approcha tout près du blondinet qui marmonnait en remuant ses lèvres. Il sentit son haleine fraîche au parfum mentholé, la chaleur qui émanait de ses joues échauffées par le combat. D’un coup, profitant de son inattention, la main de Guillaume se libéra de son emprise, se posa fermement sur sa nuque, l'attrapa pour l’attirer à lui. Leurs souffles saccadés s’emmêlèrent et le blond plaqua fiévreusement sa bouche charnue contre celle du brun.

— Ah, putain, mais tu fous quoi t’es complètement taré ! s’écria Iker en reculant d’un bond, s’essuyant les lèvres de toutes ses forces.

La gueule d’ange, toujours à terre, riait maintenant à pleins poumons.

— T’es trop craquant quand tu es en colère, avoua-t-il entre deux rires.

Le guide n’en revenait pas. Guillaume se releva et Iker s’éloigna encore de plusieurs pas, craignant une nouvelle agression - oui il s’agissait bien d’une agression sexuelle ! -.


— Désolé mais je n’ai pas pu résister à une telle fougue, il m’arrive d’être bi quand je trouve un mec très attirant, et tu l’es. Cali a de très bons goûts, continua Benêt, toujours en s’esclaffant.

— Euh, mec… Je suis hyper surpris et… flatté ? que tu me trouves à ton goût, mais je suis hétéro à 100%. Merde, du coup j’ose même plus te cogner, de peur que tu me colles ta bouche humide dessus là, heurk ! grimaça-t-il.

— Haha, hétéro à 100% tu dis ? Personne n’est vraiment hétérosexuel à 100% Mister Mystère !

— Si. Je te garantis que moi, je le suis !

— Hum… Tu n’as jamais trouvé un homme beau, élégant, séduisant, charmant, fort, épatant ?

— Euh… Sûrement, mais je dirais que c’est plus de l’admiration que de l’attirance… Bon, euh, on pourrait arrêter cette conversation ? Bien que je respecte tes orientations, je ne me sens pas du tout à l’aise d’en parler avec toi. Et puis à la base, je t’ai mis mon poing dans le ventre pour que tu arrêtes de parler de Cali comme d’une Rolls Royce et que tu cesses de me cracher votre passé à la gueule, pas pour que tu m’embrasses !

— Bon promis, cette fois j’arrête, déclara Guillaume. Mais tu es si mignon quand tu es en colère !


Le beau brun remua la tête de dégoût, s’essuya encore une fois la bouche, et fit mine de se concentrer de nouveau sur les entrailles de la voiture. Les filles pitié, revenez maintenant, ne me laissez pas avec ce cinglé !

La gueule d’ange épousseta son bermuda, puis s’appuya nonchalamment sur le capot en croisant les bras, sans aucune intention évidente d’aider.

— J’ai déjà éprouvé des sentiments forts et sincères pour Cali, avança d’un coup le blondinet, alors que le brun triturait minutieusement des câbles.

— Pardon ? Pourquoi tu me dis ça à moi, et pourquoi maintenant ? Tu avais promis d’arrêter, je te signale.

— Je ne sais pas… Enfin, je n’ai jamais osé le lui dire, et à chaque fois, ça ne concordait pas, on était en décalage, et puis… Je sais pertinemment qu’elle ne mérite pas un couillon comme moi, poursuivit Guillaume sans prêter attention à la remarque d’Iker. Honnêtement, je ne me voile pas la face, actuellement mon intention c’est juste de profiter à fond de tout ce que la vie m’offre. Je me poserai quand j’aurai la quarantaine, et encore j’en sais rien... Ce dont je suis sûr c’est que Cali est un petit bijou, elle mérite le meilleur. Et je te fais confiance, prends bien soin d’elle.

— Euh… Merci. ça me… touche ?

— Mais si tu la fais souffrir, gare à toi, je viendrai te massacrer à coups de bouche humide !


Iker fronça le nez, évita le regard de Guillaume. Le beau blond prenait un malin plaisir à le taquiner.

— Arrête de la draguer, point. Et arrête de me draguer aussi par la même occasion ! Tu frôles le harcèlement là ! déclara-t-il en pointant son index en direction de Benêt.

— Oké, okééé… conclut Guillaume en haussant les épaules. Mais sache que je suis toujours dispo pour un plan à trois, plaisanta-t-il à moitié en adressant un clin d'œil au guide.

Ce dernier, exaspéré, soupira longuement pour essayer de calmer sa colère qui refit surface. Purée, il va nous faire chier jusqu’au bout.

Sur ces entrefaites, une voix chaleureuse et familière l’interpella. A ce doux son, le soulagement l’envahit. C’était sa Cali.

Il releva la tête, et une vision improbable le surprit. Les trois filles revenaient de leur expédition, juchées sur de magnifiques chevaux andalous à la robe caramel.

Derrière elles roulait tranquillement un pick-up conduit par un homme d’un certain âge, à la peau burinée et au visage accueillant, tandis qu’à leurs côtés chevauchait également une jeune femme aux allures de Calamity Jane, le regard espiègle, les cheveux d’un noir de jais attachés en une tresse, un pantalon d’équitation près du corps et des bottes montantes jusqu’au genoux.


— On a vraiment de la chance ! Elizabeth et Lorenzo ont tout de suite accepté de nous aider ! Ils possèdent la ferme et l’élevage de chevaux qu’on avait dépassé tout à l’heure ! s’exclama l’écrivaine, toute excitée.

— Ils nous ont prêté trois de leurs splendides bêtes pour nous éviter la marche à pied et surtout pour s’amuser un peu, hihi ! renchérit Mélodie.

— Esta muy bien ! s’écria Carmen en applaudissant, un sourire enfantin se dessinant sur son visage.

Lorenzo, le conducteur et donc le propriétaire du haras, coupa le moteur et sortit de son véhicule. Il transportait une énorme mallette qui devait sans doute contenir le matériel nécessaire à la réparation d’une voiture. Iker aperçut également d’autres outils et pièces automobiles à l’arrière du pick-up. Nous sommes sauvés !

— Muchas gracias, muchas gracias señor ! affirma le jeune homme en allant à la rencontre de son sauveur.

— Et vous ça a été ? Guillaume n’a pas trop fait le con ? demanda Cali en descendant de sa jument, aidée par la sympathique Elizabeth.


Elle les détailla et remarqua soudain leur allure débraillée, leurs vêtements plein de terre, les écorchures sur leurs bras.

— On ne peut mieux ! lui répondit le blondinet, tout sourire…

Hehehe, alors, qu’avez-vous pensé de ce clin d’oeil BxB ? ;P J’espère que vous avez apprécié ce petit changement de point de vue hihi. Comment auriez-vous réagi à la place d’Iker ?

Annotations

Vous aimez lire Misa Miliko ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0