Chapitre 5 : Dark Phoenix98

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Mais qu’est-ce qu’il marche vite bon sang ! Cali essayait de suivre le bel inconnu à la trace. Elle tentait d'éviter les passants qui se déplaçaient à contre sens, tout en restant à une distance suffisante pour qu’il ne la remarque pas. La tâche se révélait compliquée, car le grand brun pressait le pas, et il lui semblait que l’univers conspirait à ce qu’elle le perde de vue; entre les cyclistes qui roulaient sur le trottoir, les pots de fleurs qui lui barraient la route, et les voitures qui menaçaient de l’écraser.

Comment font-ils dans les films d’espions pour paraître aussi lestes et agiles ? Elle se sentait complètement ridicule, à se cacher dans les palmiers - ou à s’accroupir - dès qu’il se retournait, et à se cogner sans cesse contre toute personne ou objet qui lui faisait face. Alors qu’elle pensait l’avoir perdu pour de bon, elle vit sa silhouette bifurquer dans une ruelle et pénétrer dans un genre de boutique. Tu es fait comme un rat, mon coco !

S’approchant de l’établissement, elle prit conscience de l’ampleur de l’événement : ils allaient se revoir ! Elle s’empressa de vérifier que son allure n’était pas amochée par cette poursuite imprévue, arrangea sa coiffure et s’engagea à pas de loup dans l’entrée du bâtiment.

[VOUS ÊTES ARRIVÉE !] beugla la voix de son GPS, encore allumé.

Arrivée ?

Elle observa plus attentivement le drapeau rouge qui flottait sur la devanture, et lut en lettres capitales : Museo del Baile Flamenco.

Quelle étrange coïncidence ! Finalement, toutes ses manigances d’espionne l’avaient conduite à sa destination de départ. Incrédule, elle inspecta les lieux. À sa gauche se trouvait un guichet où une femme d’un certain âge la dévisageait, et plus loin, se dressait un grand hall lumineux où trônaient une multitude de photos et d’objets anciens, conservés dans des vitrines. Elle balaya l’endroit du regard, mais ne vit pas le sosie de Bartholomeus.

Où te caches-tu beau brun ?

— Oye senorita ! Son diez euros la entrada !* l’héla la dame au guichet, tandis qu’elle s’avançait dans la salle.

Ah, oui j’avais oublié, dix euros l’entrée...

— Lo siento senora, pago de inmediato !*

Après avoir payé son pass pour visiter le musée du flamenco en bonne et dûe forme, elle inspecta les lieux à la recherche de l’inconnu du taxi. Elle arpenta les couloirs du rez-de-chaussée à l’étage, mais rien, il semblait s’être volatilisé !

Peut-être dans les toilettes ? pensa-t-elle alors. Non, Cali, quand même, tu n’oserais pas, si?

Et puis tant pis, elle avait passé tellement de temps à fantasmer sur cet inconnu qu'elle devait en avoir le cœur net. Il ne pouvait pas avoir disparu par enchantement !

Elle jeta un dernier coup d’oeil aux alentours pour s’assurer que personne ne la voie, puis pénétra dans les W.C pour hommes.

Rien à signaler dans les cabines, par contre, un vieux monsieur - de profil - se soulageait dans les urinoirs. Une vision d’horreur lui sauta subitement à la figure : les testicules flétries du vieillard qui urinait tranquillement.

Ahhh, yeurk ! Cali referma la porte brusquement et courut sans se retourner en direction du hall principal, extrêmement embarrassée. Dans sa fuite pathétique, elle se cogna contre un homme.

— Pa… pardon ! s’excusa-t-elle en se reculant.

— Vous allez bien mademoiselle ? s’enquit le garçon, un demi-sourire sur ses lèvres.

Oh putain ! C’était lui. Le beau brun lui faisait face, avec son regard perçant et son éternel air taquin. Il portait le même uniforme que la dame au guichet : un polo noir et un pantalon gris en toile. Ceci expliquait sa disparition, il avait dû se changer dans un local réservé au personnel ! Elle lut l’inscription sur son badge : Iker. Iker, c’est joli

— Ça va, je peux vous aider ? répéta-t-il, s’approchant plus près. Elle sentit son parfum frais, un mélange d’agrumes et d’after-shave, qui la fit chanceler telle une vulgaire groupie. Elle se reprit aussitôt.

— Eeuh… non, enfin… oui ! Je souhaiterai… Mais, mais attendez, on s’est déjà croisés quelque part, non ? l’interrogea-t-elle, jouant terriblement mal la comédie.

— Ah bon ?

— Oui, oui ça y est ça me revient ! Vous êtes le type du taxi !

— Le taxi ?

— Oui vous savez, à l’aéroport ! Je me suis jetée sur vous… enfin j’ai sauté dans votre taxi.

— Excusez-moi, mais… Je ne m’en souviens pas… lui répondit Iker, se grattant le lobe de l’oreille.

— Vous en êtes sûr ? Pourtant je suis persuadée que c’était vous ! A moins que vous ayez un jumeau ou…

Cali ne comprenait plus rien. Était-ce le parfait sosie du sosie même de Bartholomeus ? Ou bien souffrait-il d’amnésie, enfin d’une pathologie du genre ?

— Effectivement j’ai un jumeau, c’est sûrement lui que vous avez rencontré ! lui répondit alors le jeune homme. Ah… ce sacré Benicio…

— Beni.. Benicio ? Votre jumeau ? Ah d’accord…!

Iker pouffa de rire et leva ses mains au ciel.

— Nooon je plaisante ! Je suis bien le type du taxi, et je vous ai tout de suite reconnue ! Hahaah. Vous allez bien ? Le gars louche n’a pas refait surface ?

— Oh mais dites donc, ce n’est pas gentil de vous moquer ! Je commençais à me dire qu’entre les deux, vous étiez sûrement le jumeau maléfique !

— Ah ben ça c’est très gentil aussi… rit-il.

— Vous travaillez ici ? questionna la romancière, le plus innocemment du monde.

— Oui, je suis guide et co-responsable des archives. D’ailleurs, comment puis-je vous aider ? On aurait dit que vous cherchiez furieusement quelque chose… déclara-t-il sans cesser de sourire.

Alors comme ça, le bel inconnu du taxi, Benicio, enfin non, Iker, travaille pour le musée du flamenco, sacrée aubaine...

Cali passa une main dans ses cheveux, essayant de se donner une contenance.

— En fait… Je suis écrivaine, et en ce moment je travaille sur un roman qui parle de flamenco. Je suis à la recherche d’archives, donc c’est plutôt chouette de tomber sur vous…

— Écrivaine ? Mais c’est génial ! Vous avez publié quoi ?

— Eh bien, rien à voir avec le flamenco, à vrai dire… J’ai sorti une trilogie Fantasy, les Couronnes d’Adriae.

— Les Couronnes d’Adriae ? ça me dit quelque chose…

— Je signe sous la plume de Dragona Blizzgood.

— Non, Dragona Blizzgood ? La Dragona Blizz du vieux forum Fictionaddict ?

L’écrivaine décela une lueur soudaine pétiller dans les beaux yeux noisette du guide.

— Oui, c’est bien moi ! répondit-elle. Enfin, ça fait des années maintenant que ce forum est fermé. Pourquoi ?

— Je suis Dark Phoenix98 ! On s’était insultés copieusement pendant des semaines à propos d’un débat débile sur les elfes de la Forêt Bleue !

Cali ouvrit les yeux grands comme des soucoupes. Le fameux Dark Phoenix98, qui lui avait donné des centaines d’envies de meurtre, ne pouvait pas être celui-là même, sur qui elle fantasmait depuis des semaines !

— Dark Phoenix98 ? Mais non, je rêve ! Si je me souviens bien, tu as quitté le forum après, non ?

— Ben ça m’avait tellement mis les nerfs, que oui… Je me suis désinscrit, par ta faute ! D’ailleurs, j’ai appris par des amis de Fictionaddict que quelques semaines après, tu avais signé avec un gros éditeur. J’étais encore plus en rogne, surtout que j’avais lu ton résumé et qu’il était vraiment accrocheur. Enfin bon, à cause de ce débat débile, j’ai boycotté les Couronnes d’Adriae !

— Oh non, ne me dis pas que je t’ai traumatisé quand même !

— Hahaha, je t’avoue que j’en ai encore des frissons, rien que d’y penser. Mais c’est du passé maintenant. Et je n’aurai jamais imaginé que derrière cette méchante Dragona Blizz se cachait en fait un canon… euh… enfin une fille charmante, déclara-t-il en détournant le regard.

La romancière se sentit soudain très légère, le rouge lui monta aux joues, des papillons flirtaient dans son ventre -vive le printemps-. Iker semblait tout aussi décontenancé qu’elle par ces curieuses retrouvailles.

— Quelle coïncidence, quand même ! Après toutes ces années, je croise un des plus gros trolls de ma vie dans un taxi, puis dans un musée à Séville ! lança-t-elle pour détendre l’atmosphère.

— Ah ouais ? J’étais un troll pour toi ? s’insurgea Iker. Bon c’est vrai qu’à l’époque, j’étais un ado colérique et compliqué, qui déversait sa haine sur les petites Dragona. Mais j’ai changé, le troll s’est transformé en un gentil et séduisant guide de musée ! plaisanta-t-il à moitié, bombant le torse et soutenant malicieusement le regard de la jeune femme.

Cali ne put s’empêcher de lui répondre par un sourire niais. Alors qu’ils se redécouvraient comme si leur rencontre dans le taxi n’avait jamais eu lieu, une voix désagréable gronda à l’entrée du musée. La collègue d’Iker, assise derrière le guichet, l’appelait en vociférant. Un groupe de retraités allemands l’attendait pour une visite guidée.

— Bon, je dois y aller, j’ai du boulot, s’excusa Ie guide. En tous cas c’était vraiment chouette de te revoir, Dragona. Je serai ravi de te faire visiter le musée une prochaine fois. Les archives sont consultables à la demande, il faut faire une réservation. Je suis là tous les jours, sauf le mardi et le jeudi.

— Merci, je me le note, Dark Phoenix, répondit-elle, enjouée. De toute façon, je dois y aller aussi, mais je reviendrai sans faute.

Il lui adressa un dernier sourire avant de se diriger vers le groupe de visiteurs en claquettes-chaussettes.

Cali sentit son coeur se serrer rien que de le voir s’éloigner - il fallait vraiment qu’elle se calme - et jalousa ces touristes allemandes qui gloussaient à la vue de leur guide sexy.

Elle resta quelques minutes immobile, bouleversée par cet échange riche en surprises. Iker/Benicio/DarkPhoenix/inconnu du taxi, s’avérait être la seule et même personne : un jeune homme diablement charmant pour lequel elle était en train de perdre tous ses moyens.

Une vibration dans sa poche la fit redescendre sur terre. Son rendez-vous l’attendait déjà.

Oye senorita ! Son diez euros la entrada ! : Hé mademoiselle ! C’est dix euros l’entrée !

Lo siento senora, pago de inmediato ! : Excusez-moi madame, je vais payer immédiatement !

Alors ça y est on en apprend enfin plus sur le fameux inconnu du taxi ! Que pensez-vous d'Iker :) ? Comment voyez-vous la relation Iker-Cali évoluer ? :) Et enfin croyez vous que le rendez-vous avec Jesus va bien se passer ? :D

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