Chapitre 4 : Jésus, Marie, Joseph !

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Voilà une quinzaine de jours que la fièvre de l’écriture s’était emparée de Cali. Elle voulait profiter au maximum de son inspiration, apeurée de la perdre à nouveau.

La passion ravivée de son amie ravissait Mélodie, mais l’agaçait également. En effet, l’écrivaine ne sortait quasiment plus, vissée toute la journée sur son ordinateur, à taper frénétiquement sur son clavier.

— Je croyais que le principe de changer de pays c’était de faire de nouvelles rencontres et de découvrir les lieux ? lança l’étudiante, alors que la romancière massacrait les touches de son Macbook - elle se plongeait dans une scène d’action importante, pour sa gouverne -.

— Hun hun..., lui répondit-elle sans l’écouter.

— Bon Cali là, tu traines en pyjama depuis des jours, tu ne profites même pas du soleil, t’es pâle comme un cul, on dirait Gollum sauf que l’anneau, ben c’est ton putain d’ordi.

— Mais Mélo, comprends-moi, ça fait DEUX ANS que je suis perdue à la recherche d’une nouvelle histoire qui me transporterait et qui surprendrait les lecteurs, et enfin, je l’ai trouvée ! C'est comme une transe, tu vois, comme une drogue même. Et puis j’ai besoin de sous donc, au plus tôt je me dépêche de finir ce roman, au plus tôt la maison d’édition pourra valider le manuscrit.

— Poulette, je suis heureuse que ton inspiration soit enfin revenue, vraiment c’est chouette pour toi. Mais ça n’empêche pas que tu pourrais sortir plus, à quoi bon venir me rendre visite si je ne profite pas de ta présence ? Pire, comment oses-tu laisser tomber ces étalons espagnols qui n’aspirent qu’à te rencontrer ?

— Euhhh… ouais ouais… continua son amie, perdue une fois de plus dans ses pensées, sans lui prêter attention.

— Bon, là c’en est trop ! s’énerva Mélodie, s’approchant de la table du salon qui servait de bureau à Cali.

D’un geste vif, elle rabattit l’écran de l’ordinateur sur les doigts de sa colocataire.

— Hééé, j’étais dans une scène cruciale, où Magdalena se faisait courser par la milice madrilène !

— Eh ben la milice madrilène attendra! Putain Cali, tu ne m’écoutes même plus ! J’en ai vraiment marre là, quelle est la différence entre ici et Paris si tu restes clouée à ton bureau toute la sainte journée ?

— Heem ben ici c’est le pays du flamenco, et comme j’écris sur le flamenco, il faut que j’hume l’air andalou pour continuer à m’inspirer !

— Ici c’est surtout chez moi, où je t’accueille. Et là, je ne suis pas contente. Bien qu’encore une fois, je t’assure que je suis heureuse que ton inspiration soit revenue, moi je veux aussi que tu sortes, que tu fasses la fête, que tu profites de la vie et que tu baises, merde ! gronda Mélodie, tapant du pied.

Soudainement consciente de son comportement ingrat, Cali sembla sortir d’un demi-sommeil. Elle frotta ses yeux cernés, soupira longuement.

— Mélo, tu as raison, excuse-moi…C’est vrai que ça fait deux ans qu’on ne s’était pas vues, et moi, au lieu de profiter de ta présence et de Séville, je reste cloîtrée ici… Promis, je ferai l’effort de sortir de la maison au moins une fois par jour.

— J’ai une meilleure idée en tête ! lui répondit son amie, reprenant son sourire taquin, une malice s’allumant dans son regard.

— Aïe, quand tu fais cette tête ça n’augure rien de bon… Mais, je t’écoute, mon comportement mérite châtiment, se laissa faire Cali, les bras ballants.

L’étudiante s’appuya sur le bureau, posant ses deux mains à plat sur la surface de la table. Elle observa Cali-Gollum intensément, feignant un air sérieux.

— On fait un deal. Je t’inscris sur Tinder, et tu choisis un beau gosse dans le tas, avec qui tu devras aller boire un verre.

— Oh nooon Mélooo ! Me fais pas ça s’il te plait, je déteste cette application !

— Tut tut tuut ! Ton comportement mérite châtiment, tu l’as dit toi-même! Et encore, je suis gentille, d’autres seraient heureuses que leur copine leur crée un compte sur lequel elles n’auront plus qu’à choisir leur repas du jour !

— Mélooo….

— C’est ça ou go back à Paris ! C’est juste un rendez-vous, Cali ! Si le gars ne te plait pas, tu te casses. Et après je te laisserai tranquille.

— Rhooo… Je ne veux pas go back à Pariiis... Bon, juste un verre alors ? Et c’est moi qui choisis le mec ? Et le bar ? Et après tu me laisses tranquille, pour de vrai ? Je pourrais rester ici quand même ?

Mélodie savait pertinemment qu’elle ne renverrait jamais son amie de chez elle, même si celle-ci se comportait comme une larve impolie. Elle adorait cependant la titiller, et encore plus quand cela fonctionnait.

— Ouii, juste un verre ! Si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas, tant pis. Et après, je te laisse tranquille, promis. Enfin, tu devras quand même sortir de temps en temps avec moi quand je te l’ordonnerai, sinon tu subiras mes coups de sac à main, Park sait combien ils sont redoutables !

— Bon oké, oké…

— Marché conclu ?

— Marché conclu… soupira Cali.

— Très bien ! s’extasia Mélodie en se frottant les mains.

Elle dégaina alors son téléphone de sa poche à la vitesse de l’éclair et ouvrit la fameuse application. Cali se releva vers sa direction, lorgnant sur l’appareil. Non mais je rêve !

Elle y vit sa photo, certainement piquée de son Instagram, et plusieurs profils d’homme qui lui avaient envoyé des messages.

— Putain Mélo, tu m’avais déjà créé un compte ! La garce ! s’insurgea-t-elle.

Son amie, hilare, s’enfuit en direction de sa chambre en brandissant son portable tel un trophée. L’écrivaine la poursuivit, furieuse.

— Mélo, merde, tu m’as violé mes droits là ! Tu devrais le savoir, toi qui étudies la communication !

— Trop taaard Caliii ! Allez viens choisir ton chéri maintenant, niark niark niark ! couina cette dernière d’un rire machiavélique.

*

Il s’appelait Jesus (prononcez Résouss). 25 ans, brun, musclé, barbu, les yeux verts émeraude. Non, sérieusement, Mélodie avait fait du bon travail, elle connaissait parfaitement les goûts de son amie. Ils s’étaient échangé plusieurs messages, et il paraissait sympathique - bien que pas très causant -, en plus de son physique loin d’être dégueulasse.

Comme convenu, Cali lui avait donné rendez-vous dans un café situé Plaza de la Alfalfa. Finalement, même si la jeune femme s’était sentie trahie par sa colocataire, cette rencontre se révélait plutôt plaisante, et l’idée qu’elle finirait peut-être dans les bras - ou les draps ? - de ce jeune homme ne lui semblait pas désagréable.

Elle ne s’en était pas vraiment rendu compte, mais ça commençait à démanger là-dessous; et ses hormones s’affolaient à la vue des photos de Jesus en tenue de sport, tout en débardeurs dévoilant ses bras puissants, et mini-shorts moulant ses fesses rebondies. Jesus, le messie de ma culotte, rit intérieurement Cali.

La romancière ressentit cependant une petite déception, qu’elle ne confia pas à sa colocataire. Elle espérait secrètement tomber sur le sosie de Bartholomeus, swippant et swippant sur tous les profils des célibataires Sévillans, jusqu’à chercher à 100 km à la ronde. Hélas, aucune trace du bel inconnu du taxi. Cela la confortait un peu plus dans ses hypothèses : le bellâtre était probablement en couple, ou loin de Séville.

Tant pis, Jesus serait donc l’élu ! Sous la bénédiction de Mélodie, Cali quitta l’appartement en se regardant une dernière fois dans la glace de l’entrée. Elle portait une robe vert menthe qui faisait ressortir ses yeux (oui elle aimait beaucoup le vert et les robes), avec une coupe évasée et un joli décolleté; une veste noire en coton et des talons compensés en liège. Ses yeux étaient sobrement maquillés - soulignés par un mince trait d’eye-liner et une touche de mascara -, et un rouge mat intense habillait ses lèvres.

— Jésus va tomber de sa croix, ça je te le garantis ! s’écria son amie, les pouces en l’air, alors qu’elle refermait la porte.

— Tais-toi Judas, rétorqua la belle, faisant mine de désapprouver ce plan foireux à la Mélodie.

Elle profita de sa sortie pour se rendre au Museo del Flamenco, qui se situait à une dizaine de minutes à pieds de la Plaza de la Alfalfa. En parcourant le site internet du musée, elle avait repéré des archives et des expositions qui lui seraient utiles pour étayer son roman.

Il était seize heures passées, Jesus l’attendrait pour dix-sept heures trente, elle était large.

Alors qu’elle traversait le boulevard Martin Villa, où se croisaient cyclistes, piétons, voitures et palmiers -il y en avait partout-, une vision la frappa soudain. Un grand brun avec des écouteurs rouges marchait à une dizaine de mètres devant elle.

Oh mon dieu, c’est lui ? Tandis qu’il tournait à l’angle d’une rue, elle l'aperçut de profil. Son beau visage se balançait doucement au rythme de la musique qu’il écoutait, ses yeux noisette brillaient sous les rayons du soleil, sa petite fossette se dessinait sur sa peau mate.

Jésus, Marie, Joseph, c’est lui ! Sans réfléchir, Cali décida de le talonner. Au diable le musée du Flamenco, elle pourrait y retourner. Par contre, le sosie de Bartholomeus, lui, n’attendrait pas !

Alors, que pensez-vous que Cali va faire ? Va-t-elle enfin pouvoir reparler au bel inconnu ? Et Jesus dans tout ça ? ;)

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