Le soleil commence sa descente derrière une montagne enneigée. Le ciel se colore de rose, d'orange et de citron. Les hauts sapins fournis empêchent les derniers rayons de soleil d'atteindre la terre.
Une brise légère et froide se répand sur les cavaliers. Malgré la fatigue qui la tenaille, Lisa resserre sa cape sur elle. Les bras de Sébastien se referment sur ses hanches et un souffle chaud dans son cou, viennent la réchauffer. Son corps entier est parcouru de frissons et de bien-être.

Le cheval ralentit son rythme et passe une arche de verdure en trottinant. Ils poursuivent un chemin bordé de buissons fleuris pour atterrir devant de large et hauts escaliers. Sébastien descend de cheval et aide de nouveau la jeune femme à faire de même.

Lisa pose à peine le pied au sol, qu'elle voit l'elfe s'écrouler par terre. Très vite, elle aperçoit une tâche brunâtre s'étaler sur sa chemise blanche. Sans perdre davantage de temps, l'infirmière se met à genoux près du blessé, dégrafe l'habit et le retire légèrement pour examiner la blessure. Ce qu'elle voit la fait hésiter, car c'est la première fois que Lisa fait face à ce genre de chose : trois griffures nettes, profondes, ensanglantées et entourées de veines bleutées qui s'étalent rapidement sur le torse.

Sous les yeux désorientés de Lisa, Sébastien est soulevé et amené à l'abri par deux des cavaliers qui les accompagne. Après un énième doute, elle décide de les suivre et monte les marches sans se faire distancer.

Lisa pénètre dans la chambre aux couleurs chaudes et chaleureuses. Dans le coin de la pièce, elle perçois la présence d'Arwen. En silence, elle avance vers le lit, tout en observant Sébastien. On le couche sur son lit et sans perdre de temps, ses compagnons lui retire sa chemise et entreprennent de nettoyer la plaie. Son torse est rapidement bandé et le draps tiré jusqu'à ses épaules. Son sommeil est troublé par la douleur, les traits de son visage et la sueur, reflètent cette réalité.

- Comment va-t-il ? questionne Lisa en se postant au côté d'Arwen qui essaie tant bien que mal de faire diminuer la température du malade.
- Le poison progresse rapidement. On fait tout pour le ralentir, mais notre magie n'a que très peu d'effet, explique Arwen en essuyant le front du blessé d'un gant humide.
- Il... Il... Il faut le sauver, bafouille Lisa d'une voix presque inaudible. Il faut le sauver, répète-t-elle.
- Elisabeth, on va tout faire pour.

- Puis-je m'en occuper ? Demande-t-elle à l'elfe.

Cette dernière répond positivement par un signe de tête. Lisa prend place au bord du fauteuil. Avec hésitation, elle lui caresse la joue et fini par passer sa main dans ces cheveux humides.

- Lisa, souffle-t-il.
- Je suis là.

La jeune femme trempe un tissu dans la bassine d'eau fraîche et avec douceur éponge son visage et son abdomen.

- Je l'ai rencontré depuis peu et pourtant, j'ai l'impression de le connaître depuis des années. À ses côtés, je suis rassurée, je me sens protégée... Il est devenu essentiel pour moi. Je sais que ça peu paraître insensé...
- Pas tant que ça, l'interrompe Arwen. La magie des âmes sœur. Astaldo a trouvé la sienne : Vous. Il l'a su dés votre naissance. Pendant toutes ces années, il vous a guidé, soigné, émerveillé... Il entendait le bon moment pour se révéler à vous. Mais vous savez déjà tout ça, c'est au plus profond de vous.
- Je sais.

Lisa reporte son attention sur le jeune elfe, la main toujours dans ses cheveux. Elle ne peut retenir davantage ses larmes.

- Je ne veux pas le perdre... J'ai besoin de lui... Qu'est-ce qu'on peut faire ? Interroge-t-elle sans quitter Sébastien du regard.
- Le seul moyen de le sauver est de détruire la créature qui l'a blessée.
- Morwen ?
- Oui.
- Que dois-je faire ?
- Reposez-vous. Je vais en parler avec mes conseillers pour voir ce que l'on peut faire. Je vous tiens au courant le plus vite possible.

Arwen sort de la pièce avant même que Lisa n'ai eu le temps de la remercier.

Cette dernière, retire ses chaussures puis s'installe auprès de Sebastien. Elle met la tête de son être aimé sur sa poitrine, dépose un tendre baiser sur son front moite et ferme les yeux.

Les palpitations lentes et calmes du cœur de Sébastien bercent Lisa, qui s'endort rapidement. Malgré les différentes révélations, la tension, les douleurs et l'angoisse accumulées durant ces derniers jours, le sommeil de la jeune femme est agité.

De nombreux souvenirs enfouis au plus profond de sa mémoire refont surface, la submergeant d'innombrables émotions.

Soudain, les traits de son visage se détendent et de sa douce voix elle murmure :

- Maman. Tu me manques tellement.

Après quelques minutes, une perle s'échappe de son œil droit et va finir sa chute sur le torse de l'elfe. Lentement, les paupières de Lisa se soulèvent. Avec précaution, elle s'assoit au bord du lit puis essuie une larme qui menace de tomber.

Elle se met debout, embrasse son âme sœur sur le front et sort de la chambre sans faire le moindre bruit. La porte refermée, elle se précipite dehors et s’ensuit une course effrénée à travers les différents ponts, escaliers et arbres. Lisa débouche devant la fontaine où jadis un dragon l'a attaqué. Son regard est hypnotisé par l'objet qui se trouve au centre de la sculpture. Objet qu'elle vient de voir dans son rêve. Elle avance pas à pas, enjambe le bassin et tend la main vers l'arme qui flotte au dessus de l'eau. Dés que ses doigts effleurent l'épée, cette dernière s'illumine d'une lumière dorée. Lisa serre le pommeau fait d'une émeraude et son rayonnement s'intensifie jusqu'à entourer la jeune femme, qui se met à léviter à plusieurs centimètres du sol.

°°°

L'épée entre ses mains, Lisa sent une chaleur à la fois douce et intense se propager dans tout son corps. La jeune femme pare tous les coups de son adversaire avec dextérité et légèreté. S'apercevant que les derniers rayons des soleils disparaissent, pour laisser place à un ciel scintillant d'étoiles, Lisa stoppe son geste d'attaque. Elle attrape une bouteille d'eau, boit une bonne gorgée et la propose à l'elfe qui l'entraîne depuis deux jours. Ce dernier refuse poliment tout en rangeant le matériel.

- Encore, merci pour votre temps et votre patience, gratifie Lisa en mettant sa cape sur ses épaules.

- C'est un plaisir de vous enseigner tout ce que je sais.

- Merci. Je suis désolée, je dois vous laisser. Je voudrais aller voir Séba... Astaldo, avant de me rendre à la réunion.

- Pas de soucis Mademoiselle. À plus tard.

Lisa quitte son instructeur et monte les escaliers qui mène à la demeure royale. Impatiente, elle se dirige vers la chambre de Sébastien. En y entrant, elle découvre avec surprise Arwen qui donne plusieurs ordres à des servantes, en langue elfique. Le ton et les gestes brusques de la reine, inquiète la nouvelle venue. Tout en avançant vers le lit, elle évite de justesse une jeune elfe qui court pour sortir.

- Arwen ! Que se passe-t-il ?

- Lisa, il ne va pas bien, affirme-t-elle en lui prenant les mains.

Ce geste est censé la rassurer, mais au contraire sa crainte ne fait qu'accroître.

- Arwen, s'il vous plaît ! Que se passe-t-il.

Avant de répondre, elle guide Lisa jusqu'au fauteuil qui est près du lit, est l'oblige à s'asseoir.

- Lisa, nos potions, nos baumes, nos formules, n'ont plus aucun effet. Sa température ne fait qu'augmenter. Il est très agité et commence à avoir des hallucinations.

- Combien de temps on a ? demande Lisa, la voix dolente.

- Malheureusement, quelques heures, peut-être une journée, annonça gravement Arwen avec une pointe d'hésitation.

- Mon dieu !

Un silence pesant s'installe dans la pièce. Après une longue réflexion, Lisa s'approche de Sébastien, qui se débat avec son drap. Elle se penche et dépose ses lèvres sur son front brûlant.

« Je ne veux pas te perdre, je vais te sauver » lui murmure-t-elle au creux de l'oreille. Elle lui caresse un instant ses cheveux trempés de sueur, se lève et se hâte vers la porte.

- Il est temps d'agir, lâche la jeune femme. Et on va agir maintenant, ajoute-t-elle en partant.