Un départ agité

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Antoine a fait la bêtise de prévoir l’aller-retour sur la journée. Paris-Marseille, soit 7 heures de train, pour un lundi, c’est trop.

Il s’est levé aux aurores en ayant pris soin la veille de sortir ses affaires de la chambre pour ne pas réveiller Amandine. Direction la salle de bain.


Depuis qu’il a découvert la brosse à dent électrique, Antoine ne peut plus revenir en arrière et utiliser une brosse manuelle. Conscient du bruit qu’elle provoque, il ferme la porte et démarre sa toilette dentaire, priant pour ne pas réveiller son fils de 4 mois dont la chambre partage malheureusement un mur avec la salle de bain. Très riche idée de payer un architecte 15% du montant des travaux pour qu’il ne relève pas ce détail, se dit Antoine alors que sa brosse à dent engage une triple vibration, signe qu’il serait suffisamment passé à cet endroit. Mais comment elle le sait ? C’est un bout de plastique muni d’un moteur qu’un stagiaire de 3ème saurait fabriquer, et on veut nous faire croire qu’elle intègre une IA qui a cartographié notre bouche, capable de nous certifier que là, précisément, c’est bon c’est propre et on peut passer à la molaire suivante ?
Après ce coup de gueule discret, Antoine crache, et soupire, puis sort de la salle de bain.


Il finalise son sac en faisant bien attention de ne rien oublier : iPhone, chargeur, MacBook, chargeur, Kindle, chargeur. Enfin prêt et un peu pressé, il sort de l’appartement en claquant la porte, ce qui a pour conséquence immédiate de faire pleurer Théo qu’il vient de réveiller. Antoine descend aussi vite que possible les escaliers, pour ne pas entendre Amandine qui doit l’insulter en se précipitant dans la chambre de leur fils.

Antoine est ballonné. Les réveils avant 6 heures du matin lui sont non seulement douloureux, mais lui donnent également une vague envie de vomir.
Mais en passant dans l’entrebâillement de la porte cochère de son immeuble du XVème arrondissement, l’air frais du petit matin dissipe sa gêne gastrique. Grisante est cette sensation d’être seul au monde, de mériter son air pur et cette fraîcheur enivrante en se levant pour une bonne cause.

Antoine est professeur de biologie au collège de son quartier. Aujourd’hui, en pleine période de vacances scolaires, il se rend à Marseille pour une journée d’échanges et de partage avec une population jeune et loin de l’emploi, dans l’optique de susciter une vocation pour la biologie chez ces jeunes dans l’impasse.

A 6h07, après avoir sensiblement accéléré le pas dans les couloirs de la ligne 1 de la station Gare de Lyon, Antoine ressent les effets d’une sudation légère et soutenable, au niveau du dos et de l’aine.
Il se dirige vers la voie de son TGV repérée grâce à l’écran des départs, qui malheureusement se dit-il, ne tournicote plus comme autrefois. Spectacle hypnotisant qui l’avait toujours fasciné, comme s’il existait un suspens sur le résultat de la rotation des petites plaquettes de chiffres et de lettres. Quand il était enfant, il se disait que peut-être ce coup-ci une ligne allait afficher un message qui lui était spécialement destiné, une mission juste pour lui « Suis le lapin blanc, Antoine ».

Perdu dans ses pensées, Antoine ne voit pas tout de suite que son TGV est bleu. Un TGV bleu ne peut signifier qu’une chose, une chose funeste : il s’agit d’un Ouigo.

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