1.3

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Je roule sans but, plongé dans mes interrogations.

Pourquoi ? Comment ? Où ? Quand ? Qui ? Que faire ?

La roue droite de la voiture passant sur le bas-côté de la route me sort violemment de mes pensées. Surpris, je donne un coup de volant à gauche en écrasant le frein. La voiture fait une embardée, zigzague un peu et s’immobilise au milieu de la route.

Je regarde le tableau de bord, le cœur battant à tout rompre, il est presque vingt heures. Cela fait deux heures que je roule, je ne sais absolument pas où je suis. La nuit est quasiment tombée, autour de moi, aucune lumière.

Je prends le temps de me calmer et je repars. Quelques kilomètres plus loin, un panneau m’indique la présence d’un point de vue sur la droite. J’emprunte un chemin blanc, fais une centaine de mètres et m’arrête sur un petit parking. Devant la voiture, à une dizaine de mètres, le vide. Et plus loin, des collines avec quelques points de lumières, plus ou moins regroupés, qui indiquent la présence d’habitations.

J’ai besoin d’une cigarette, mais je suis parti sans rien. Je n’ai pas mes papiers, ni mon portable. Je me penche vers la boite à gants, l’ouvre, et y déniche un paquet, mais pas de briquet. Je fouille le reste de la voiture, dans les vide poches, sous les sièges, rien.

Le paquet à la main, je sors et m’avance vers le vide. Je m’arrête à cinquante centimètres et regarde en bas. Une rivière coule doucement, au-delà une plaine et une petite ville, puis les collines. Je suis au bord d’une falaise. Il serait tellement facile d’avancer, un pas, un deuxième, et puis la chute. Et trente mètre plus bas, la fin. La fin de cette souffrance qui me vrille maintenant le ventre.

Non, si je fais cela, je n’aurais jamais les réponses à mes questions.

Je m’assois au bord du vide et laisse mes pensées dériver. Je revois ces six années passées avec Céline.

Notre première rencontre dans une fête foraine. J’avais perdu la trace d’un couple d’amis, et j’attendais dans la queue du train fantôme. Elle était devant moi, abandonnée par ses amies qui ne voulaient pas y aller. Nous avons fait wagon commun. Quand nous sommes sortis, elle était collée à moi. Nous avons fini la soirée tous les deux, entre manèges, glaces et pommes d’amour. Ce soir-là, je suis tombé sous le charme de cette blonde aux cheveux longs, aux yeux pétillants et au sourire ravageur. Un an plus tard, je la demandais en mariage sur la grande roue de la même fête.

Notre première fois, après quelques rendez-vous. D’abord le premier baiser, au milieu du trottoir à la sortie du restaurant. Ses seins contre mon torse qui avaient déclenché une érection incontrôlable. Son sourire quand elle s’en était aperçu. Son corps nu dans mon appartement, son odeur enivrante. Nos caresses, nos baisers enflammés. Son goût sur ma langue, la sensation de sa bouche qui m’entoure. Et puis moi en elle, les yeux dans les yeux, doucement, tendrement jusqu’au final, éblouissant et commun. Et les soirées de sexe débridé ou tendres qui ont suivi, de plus en plus souvent, de plus en plus régulièrement.

Son aménagement chez moi après avoir quitté sa coloc. Nos nuits d’amours, nos après-midi de promenades, nos réveils câlins.

Et puis le mariage, entourés de nos amis et de nos familles. Notre fuite au milieu de la nuit pour échapper à tout ce monde. Notre nuit de noces dans une grange prêtée par un vieil oncle de ma femme et aménagée pour l’occasion. Et notre voyage de noces en Egypte, et nos fous rires devant les regards outrés de nos voisins de cabine au petit-déjeuner ou les regards entendus de nos guides qui ne nous ont jamais rien reproché malgré les plaintes qu’ils ont dû recevoir.

Notre « oui » commun et immédiat quand l’agence immobilière nous a présenté notre future maison. Au milieu de la campagne, sans vis-à-vis. Une grande maison en pierre, ancien corps de ferme avec sa grange et son étable. Les semaines passées à la remettre en état, en rigolant de nos batailles de plâtre ou de nos poursuites, pinceau à la main, qui se finissaient toujours dans une explosion des sens.

La fermeture du service informatique dans lequel je travaillais, et le soutien sans faille qu’elle m’a apporté quand j’ai décidé de monter ma boite. Puis ses visites au bureau entre midi et deux, pour soit disant déjeuner qui ont donné lieu à d’incroyables moments de fougue amoureuse. Jusqu’à l’année dernière et la chute brutale des commandes. Là aussi, les encouragements de Céline m’avaient porté à continuer jusqu’à ne plus pouvoir payer le loyer et à la décision de m’installer à la maison.

Qu’est-ce qui avait mal tourné ? Comment en était-elle arrivée à se laisser aller à l’adultère ?

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